et sur les “réserves” de Jean-François Copé qui la juge trop chrétienne et “pro-vie”.
En exclusivité, Nouvelles de France vous propose de consulter le projet de “programme de base” du Parti populaire européen (PPE) avec les dernières modifications souhaitées et le nom des formations (ainsi que leur nationalité) qui les réclament. Les membres complets et associés de la formation de centre-droit doivent l’approuver mercredi 17 et jeudi 18 octobre lors de son 21e congrès à Bucarest (Roumanie). Se réunissant tous les trois ans, celui-ci doit donc actualiser la plate-forme décidée en 1992 à Athènes – il est par conséquent “statutaire” – et procéder à l’élection de la nouvelle présidence du parti. Le congrès de 2012 est intitulé : “La réponse est plus d’Europe”. Réponse à la crise économique mondiale mais aussi “aux populistes et démagogues qui tentent de détruire l’Union européenne”, explique le PPE.
Modération et politiquement correct. “L’Union européenne et ses États membres sont confrontés à un ensemble de défis sérieux et sans précédent. En parallèle, s’ouvrent à eux de vastes et nouvelles opportunités. Si ces défis ne sont pas relevés et que ces opportunités restent inexploitées, l’Europe pourrait connaître un état de crise permanente, la stagnation et le déclin. En revanche, si nous nous montrons à la hauteur de la situation et que nous tirons tout le parti de notre potentiel, nous pourrons tourner la page de la crise et donner à l’Europe un surcroît de force et de prospérité”, commence la plate-forme. Elle note que “même si les idées démocratiques percolent dans certaines parties du monde, des régimes autoritaires déguisés et une pensée fondamentaliste, anti-occidentale, ont gagné du terrain ailleurs”. À noter que le Parti démocrate-libéral roumain demande la suppression du terme « anti-occidentale »… Il n’est pas le seul à être dans le déni, lorsque, par exemple, le PPE affirme sérieusement à propos de l’“intégration européenne” que sa “réussite a dépassé toutes les espérances”.
Le programme envisage “une ère de réduction de l’endettement d’une ampleur sans précédent” (un bon point) et souligne les défis du “vieillissement de la population” et de “la nécessité d’intégrer plus efficacement et plus rapidement dans la société un grand nombre d’immigrants” (pas dit que les populations européennes approuvent l’arrivée de ce “grand nombre” de personnes). Il parie sur le fait que “la société civile comme les organisations de la société civile seront plus importantes que jamais” à l’avenir. Souhaitons-le… Ne serait-ce que pour jouer un rôle de contre-pouvoir lorsque le pouvoir devient sourd à l’expression du peuple. Il parle de “démocratie libérale” et d’“économie sociale de marché” pour “réaliser le Bien commun” (l’“objectif final” tandis que le “point de départ” est “l’image chrétienne de l’homme”) et “appliquer nos valeurs”.
Ces valeurs, quelles sont-elles ? Le projet de plateforme du PPE souligne “la dignité inaliénable de chaque être humain dès le début et pendant chacune des phases de son existence”. Il récuse tout sens de l’histoire (“Nous considérons l’homme comme le sujet et non pas comme l’objet de l’histoire”) dont certains de ces membres ont pourtant récemment usé en demandant aux peuples d’approuver le Traité constitutionnel. Déclarant “[respecter] les institutions et les valeurs fondamentales de l’histoire européenne ainsi que la stabilité et la cohésion de la société européenne”, il se déclare aussi adepte du progrès qu’il définit comme “le changement permanent”. Douteux… Comme le fait que “la vérité n’est pas automatiquement accessible à l’homme”.
Plus intéressante est la mention suivante, proposée par le Parti populaire espagnol, qui porte sur l’objection de conscience, une question d’actualité alors qu’en France, des maires pourraient bientôt être contraints de “marier” des personnes de même sexe, sans parler de la situation de nos pharmaciens, forcés de vendre la pilule abortive : « Nous considérons qu’il est nécessaire de respecter le droit à l’objection de conscience; des mesures appropriées seront donc prises à cet égard. Parallèlement, nous sommes conscients de la difficulté de cette question et de ses implications, à la fois sur les relations sociales et sur l’ordre public ; cette difficulté ne doit pas justifier une restriction de ce droit. »
Celle sur la subsidiarité est également à souligner : “Les limites qu’impose le principe de subsidiarité concourent par ailleurs à une séparation des pouvoirs spécifiques en empêchant leur concentration. Nous envisageons un système solide et « ascendant », remontant des individus responsabilisés, des familles et de leurs organisations, des collectivités locales, des villes, des régions et des États membres jusqu’au niveau de l’Union européenne.”
Christianisme et laïcité. La plateforme programmatique “[réaffirme] le lien qui existe entre les valeurs chrétiennes basées sur l’Évangile et l’héritage culturel chrétien, et les idéaux démocratiques de liberté, d’égalité fondamentale entre tous les êtres humains, de justice sociale et de solidarité.” Si le PPE insiste “sur la séparation entre l’Église et l’État, et sur la nécessité d’opérer une distinction entre les rôles joués par l’Église et par l’État dans la société, ainsi qu’entre religion et politique”, il affirme dans le même temps que “cette distinction ne doit jamais justifier l’exclusion d’Églises du domaine public ou conduire à minimiser le besoin constant de dialogue et d’interaction entre sphères politiques et religieuses”. Au contraire, “ce dialogue doit être renforcé”. Le PPE “[reconnaît] les racines gréco-romaines et judéo-chrétiennes de notre civilisation” et admet que “s’il rejette, oublie, néglige ou dilue ses valeurs, [il] ne sera rien de plus qu’un instrument de pouvoir, sans âme et sans avenir, renonçant également à la nature universelle et originale de son message, basé sur une appréciation globale de la complexité irréductible de chaque être humain et de la vie en société”.
C’en est trop pour l’UMP, notamment cette phrase : “Ce principe est valide tant pour ceux d’entre nous qui croient en Dieu et y voient la source de la vérité, de la justice, du bien et de la beauté, et qui pensent que l’humanité est appelée à contribuer au travail de création de Dieu et à la liberté, que pour ceux qui ne partagent pas cette foi mais qui respectent les mêmes valeurs universelles en considérant qu’elles proviennent d’autres sources”. “Une part considérable (de la plateforme, ndlr) est faite à la réaffirmation de valeurs morales essentiellement issues de la tradition démocrate-chrétienne, à laquelle se rattachent de nombreux partis membres du PPE” note la formation française, avant de rappeler que “les convictions propres à la démocratie chrétienne représentent une part importante, mais non-exclusive de l’héritage politique qui détermine l’identité de la droite et du centre en France”, citant dans la foulée “la laïcité” (“un élément vital de notre pacte de société”)…
Après avoir tourné autour du pot, l’UMP précise ses “réserves” : elles “visent notamment des prises de position relevant de la conviction religieuse individuelle, notamment en ce qui concerne le caractère divin de la création”. “Bien que parfaitement respectables, de telles affirmations n’apparaissent pas compatibles avec le respect absolu de la liberté de conscience (sic) qui constitue un principe intangible pour l’UMP. L’attachement indéfectible de l’UMP au principe de laïcité implique également que soit établie une claire distinction entre la sphère politique et la sphère religieuse” continue-t-elle. De tels propos sont signés de Jean-François Copé, l’actuel secrétaire général, dont Nouvelles de France s’est procuré le courrier à Wilfried Martens, le Président du PPE.
Islam ou pas ? Un peu plus loin, le PPE assure que “les efforts déployés pour favoriser un fort sentiment d’identité européenne, passage obligé pour créer une Union dynamique, doivent s’inspirer de la diversité sociale, culturelle et spirituelle de notre continent” et que “cette diversité englobe aussi d’autres religions que le christianisme, par exemple l’islam”. Mais le Mouvement chrétien-démocrate slovaque propose à la place : « Les efforts déployés pour favoriser un fort sentiment d’identité européenne, passage obligé pour créer une Union dynamique, doivent s’inspirer de la diversité sociale, culturelle et spirituelle de notre continent. Si cette diversité englobe aussi la contribution d’autres religions, il convient de garder à l’esprit que le christianisme est la principale tradition spirituelle à avoir forgé le sentiment d’identité européenne pendant deux millénaires. » Bref, il zappe l’islam…
Au chapitre consacré à la famille, l’Union patriotique – Chrétiens-démocrates lituaniens propose très justement d’ajouter la mention suivante : « La famille ne doit être ni rabaissée, ni niée. La famille est l’institution fondamentale irremplaçable où sont chéris et instillés l’amour, la charité, la compassion et la solidarité humaine, permettant ainsi d’unir des générations différentes. »
Une plateforme plutôt “pro-vie”. Sur la question de la protection de la vie, il est écrit que “le PPE refuse de considérer l’avortement comme une méthode de la planification familiale. Nous encourageons le soutien de programmes et d’initiatives visant à aider les parents et les familles à accueillir chaque enfant, notamment lorsque surviennent des difficultés ou des grossesses non désirées. Aucune pression sociale ne doit être exercée sur les parents qui décident d’accepter un enfant souffrant d’un handicap.” On est loin de la plate-forme du Parti républicain américain mais c’est déjà trop pour l’UMP française qui, “attachée à la préservation de la législation française (…) [assurant] aux femmes de pouvoir recourir, dans les limites définies par la loi, aux moyens de contraception et à l’interruption volontaire de grossesse”, souhaite “des précisions concernant la garantie des droits individuels”.
Dans le chapitre “Approfondir le débat éthique”, le PPE affirme même que “la vie humaine doit être protégée depuis son début jusqu’à sa fin naturelle”. “L’intervention génétique au début de la vie humaine doit être restreinte aux interventions visant à guérir ses maladies. La création artificielle et la sélection d’embryons humains à des fins de recherche ou de commercialisation doivent être interdites dans l’Union. Les publicités sur l’avortement ou l’euthanasie doivent être interdites.”
L’UMP pour le moins réservée. Là encore, Jean-François Copé tique. Dans son courrier à Wilfried Martens, le Président du PPE, il écrit que “l’UMP entend rappeler son attachement aux règles de droit qui encadrent la recherche” et qui “garantissent à la fois le respect des principes moraux auxquels nous sommes attachés et l’avancement des connaissances scientifiques, sans lequel l’idéal de progrès humain défendu par le PPE demeurerait un vain mot. À ce titre, l’UMP défend l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, tout en acceptant des dérogations dans des conditions extrêmement contrôlées.” Bref, l’UMP se plaint de l’absence de dérogations. Dans un courrier aux députés français membres du Groupe PPE (les élus UMP) que s’est procuré Nouvelles de France, Jean-Pierre Audy (président de la délégation française au Groupe PPE) le confirme : “Nous défendons l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires tout en acceptant des dérogations dans des conditions extrêmement contrôlées”.
Si “ces divergences de point de vue ne remettent pas en cause le soutien que l’UMP entend apporter au projet de plateforme programmatique qui sera présenté au vote des délégués lors de notre prochain congrès”, “il importe toutefois que les réserves formulées par l’UMP puisse être officiellement exprimées et reconnues par les instances du PPE”. “C’est pourquoi, je sollicite, au nom de la formation que je représente, la possibilité de faire insérer dans les actes du congrès, un document faisant état, sur les points mentionnés plus haut, des valeurs que l’UMP souhaite réaffirmer et de l’interprétation particulière à laquelle nous nous rattachons”, écrit Jean-François Copé.
> Le projet de plateforme
> Le courrier de Jean-François Copé à Wilfried Martens
> Le courriel de Jean-Pierre Audy aux députés français UMP du Parlement européens :
Jean-Pierre Audy
député européen
président de la délégation française au Groupe PPE
aux
députés européens
membres du Groupe PPE
objet – congrès PPE à Bucarest – Réserves de la délégation française sur le projet de “Plateforme du PPE”
Chers collègues,lors de notre congrès des 17 et 18 octobre à Bucarest, la Plateforme du PPE, le programme de base de notre formation politique, sera soumise aux votes des délégués.
La délégation française du Groupe PPE apporte son soutien à ce texte sous un certain nombre de réserves. Jean-François Copé, secrétaire général de l’Union pour un Mouvement populaire (UMP) a transmis ces réserves au président du PPE Wilfried Martens dans un courrier que vous trouverez en pièce-jointe (uniquement en français).
Ces réserves visent tout d’abord des prises de position relevant de la conviction religieuse individuelle notamment en ce qui concerne le caractère divin de la création. Bien que parfaitement respectables, de telles affirmations ne nous apparaissent pas compatibles avec le respect absolu de la liberté de conscience qui constitue un principe intangible pour la délégation française. Notre attachement indéfectible au principe de laïcité implique, également, que soient établies de strictes limites à l’intervention des religions dans la sphère publique et politique.
Ces réserves de principe doivent être complétées par des précisions concernant la garantie des droits individuels, ainsi que les questions de bioéthique qui relèvent des législations nationales selon le principe de subsidiarité. Nous sommes attachés à la loi française qui garantit “le respect de tout être humain commencement de la vie”. Elle “qu’il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et dans les conditions définies par la loi”. Cette législation assure ainsi aux femmes de pouvoir recourir, dans les limites définies par la loi, aux moyens de contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.
S’agissant des questions de bioéthique, aujourd’hui débattues dans l’ensemble des Etats de l’Union, nous rappelons notre attachement aux règles de droit qui encadrent la recherche. Ces règles, également en France par un ensemble de lois votées par les parlementaires nationaux, garantissent à la fois le respect des principes moraux auxquels nous sommes attachés et l’avancement des connaissances scientifiques, sans lequel l’idéal de progrès humain défendu par le PPE demeurerait un vain mot. A ce titre, nous défendons l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires tout en acceptant des dérogations dans des conditions extrêmement contrôlées.
Nous ferons connaitre ces réserves lors des débats qui interviendront à Bucarest et nous avons d’ores et déjà demandé à ce qu’elles soient incluses dans les actes du Congrès.
L’objet de ce courriel est de vous tenir informés de la position de la délégation française du Groupe PPE et de vous demander si vous partagez ces réserves, à titre personnellement ou au nom de votre délégation nationale. Si tel est le cas, je vous propose de m’en faire part dans les meilleurs délais. Nous serons heureux de vous associer publiquement à notre initiative.
Je reste à votre entière disposition pour évoquer ces sujets avec vous.
Amitié
7 Comments
Comments are closed.