Tribune libre de Jean-Yves Le Gallou*
« Sciences-Po révolutionne son concours d’entrée », titre triomphalement Le Monde : il sera désormais possible d’y entrer sans épreuve écrite et sur simple dossier (sur piston ?) ; et surtout l’épreuve de culture générale sera supprimée. Cette décision s’inscrit dans un mouvement plus vaste : depuis plusieurs années déjà, les écoles de journalisme ont supprimé de leurs examens d’entrée la culture générale ; et celle-ci est en voie de disparition dans les concours administratifs. La raison majeure de cette évolution est double : le désastre de l’éducation nationale d’une part, le caractère jugé « discriminant » de la culture générale qui éliminerait les « pépites » de nos banlieues.
Ce dernier point est particulièrement troublant.
Les médias de l’oligarchie et la classe politique n’ont cessé d’affirmer :
1- qu’ « être français, ce n’est pas une race » et qu’on pouvait donc laisser la France largement ouverte à l’immigration africaine et maghrébine ;
2- qu’ « être français, ce n’est pas une religion », et qu’on pouvait donc continuer d’accueillir des immigrés musulmans et créer « un Islam à la française » ;
3- que « l’intégration cela marchait » et qu’il y avait « beaucoup de potentiel parmi les jeunes de banlieue ».
La culture et la langue française rayées de la carte
Que restait-il donc pour définir l’identité française ? La culture et la langue françaises. Voici qu’on raye méthodiquement leur maîtrise de la sélection des élites françaises.
Cela vaut de s’arrêter un instant sur la signification de ce phénomène :
1- Il y a, nous dit-on, dans les banlieues des jeunes gens intelligents et capables.
2- Or ces jeunes gens intelligents et capables ne seraient pas aptes à assimiler la culture générale française, c’est-à-dire la maîtrise de la langue et d’un héritage historique et culturel.
3- Pour quelles raisons ? Parce qu’ils en seraient génétiquement incapables en raison de leurs origines ? On a peine à le croire ! Ou bien parce qu’ils ne voudraient pas s’assimiler à une culture jugée étrangère à celle de leurs origines familiales, ethniques, religieuses ? Ou encore parce que les institutions françaises auraient renoncé, par faiblesse, à leur transmettre ?
Quelle que soit la raison, le constat est terrible :
1- L’assimilation ne fonctionne pas ;
2- Ce n’est pas la minorité d’origine étrangère qui se rapproche de la majorité française mais la majorité française qui s’adapte aux exigences et/ ou aux faiblesses de la minorité d’origine étrangère.
Diable ! Que reste-t-il de l’identité française ?
Si l’on comprend la pensée dominante, si l’on comprend bien les dogmes sous-jacents aux bons apôtres de la « discrimination positive », la France ce n’est ni une race, ni une religion, ni une culture, ni une langue, ni une histoire. Longtemps défendue, la conception « subjective » de la nation, issue de Renan, est abandonnée : « Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes » est jugée aujourd’hui comme un anachronisme.
Alors, qu’est devenue l’identité française ? La réponse est claire : un espace dénué de sens. Ceux qui sont au pouvoir – dans les médias, dans les grandes entreprises, dans les universités – sont des négateurs de l’identité française, de toute identité française. Une identité française qui, il est vrai, est perçue comme un obstacle à l’empire du grand marché mondial.
Restauration républicaine et/ou communautarisation identitaire ?
Pourtant l’identité française perdure. Elle perdure dans les espoirs politiques d’une restauration nationale et républicaine. Elle perdure aussi – horresco referens – dans la communautarisation de fait d’une partie de la population française qui transmet à ses enfants la culture traditionnelle en marge de l’éducation nationale : à travers des écoles libres ou indépendantes, des manuels alternatifs, des rites anciens, des fêtes enracinées, le scoutisme traditionnel ou la fréquentation des hauts lieux. Bien sûr, ce ne sont encore que des minorités qui se retrouvent ainsi. Mais ce sont des minorités en expansion. Et les élites françaises de demain en seront issues.
*Jean-Yves Le Gallou est le président de la Fondation Polémia.
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