Catholiques, qu’avons-nous fait des promesses de notre baptême ?

Tribune libre d’Henri Dubreuil*

Il est frappant de constater combien les catholiques sont aujourd’hui dépolitisés. Il ne s’agit pas expressément de leur demander de militer dans un parti ou d’être candidat à une élection, mais déjà de s’intéresser à la chose publique avec lucidité quant aux réalités de notre monde contemporain.

Trop de catholiques se réfugient dans une attitude de « bisounours » au nom d’un Évangile qui prône la paix et l’amour. Si le Christ a appelé chaque croyant à aimer son prochain, Il a également su faire preuve de fermeté – face aux marchands du temple par exemple – et, surtout, Il n’a eu de cesse de mettre en garde contre le mal qui façonne notre univers tout entier.

La sortie de Cécile Duflot contre l’Église catholique, accusée de ne pas accueillir assez de sans-logis, s’inscrit dans cette réflexion. De prime abord, son propos fait sourire eu égard à tout ce que l’Église réalise dans le domaine social. Cécile Duflot a-t-elle oublié les congrégations religieuses accueillant les miséreux, les hôtels-Dieu (ancêtre des hôpitaux) ou les patronages des paroisses (ancêtre des colonies de vacances) ? Autant d’actions qui sont bien antérieures à l’État providence et aux leçons moralisatrices de notre ministre vert !

Face à tant de bêtise et de désir de vengeance – car c’est bien de cela qu’il s’agit après le beau succès des manifestations contre le mariage homosexuel – les réactions indignées ont été légion. Malheureusement, si le propos de Duflot est malhonnête, il est inscrit dans une logique bien peu surprenante pour quiconque accepte d’ouvrir les yeux sur les réalités de notre société.

La philosophie de l’histoire est nourrie par deux écoles de pensée. La première nie toute détermination de l’histoire, fruit du hasard et de l’imprévu. La seconde considère l’histoire comme la réalisation téléologique d’un dessein. Elle met en exergue un sens de l’histoire, concept qui semble s’appliquer au devenir du catholicisme français.

Un rapide parcours de notre récit national depuis la révolution de 1789 laisse constater le continuel combat d’une majorité des élites – verrouillée par une franc-maçonnerie nourrie à l’idéologie des Lumières – contre l’Église. « Écrasons l’infâme » ne date pas de l’ère Hollande, ni même de celle de Mitterrand ! Et cette diatribe de Voltaire fait écho aujourd’hui au laïcisme conquérant – qui rejette toute référence aux valeurs chrétiennes, fondements de 2 000 ans d’histoire de France – et à une culture de mort inscrite au plus profond des esprits. Le sens de l’histoire projette ainsi d’enterrer le christianisme.

Dans cet oasis du mal, les catholiques – clercs et laïcs – doivent assumer leur part de responsabilité. Ils se sont retirés du débat politique, preuve en est la surprise de beaucoup face à la soudaine pugnacité, jusque là inconnue, des évêques de France sur la question du mariage homosexuel. Surtout, les catholiques ont déserté la sphère culturelle – enseignement, médias, culture – pour se recentrer sur la prière – qui, soit dit en passant, est une belle activité – et sur leur famille (au sens confessionnel et biologique). Or, il faut rappeler que si les catholiques ne sont pas du monde, ils sont appelés à rester dans le monde.

Conséquence logique de cet abandon, les idéologies antichrétiennes se diffusent avec une facilité déconcertante. Fort heureusement, toutes les époques ne sont pas logées à la même enseigne. Après un XIXe siècle religieux – contrepoint des terribles années de la révolution française – le XXe siècle a libéré les puissances du mal et toutes ses idéologies mortifères, à commencer par le communisme, le nazisme, le laïcisme, le malthusianisme voire l’eugénisme.

Aujourd’hui, pas un jour sans qu’une émission audiovisuelle, un livre, un film, une pièce de théâtre ou une manifestation culturelle ne souillent les valeurs chrétiennes. Pas un jour sans qu’une insulte à l’encontre des catholiques ou une profanation de cimetière (voire d’église) n’ait lieu. Mais les catholiques restent silencieux.

“Il faut rappeler que si les catholiques ne sont pas du monde, ils sont appelés à rester dans le monde.”

Alors, à force d’usure et de pression, sous le poids de lobbies puissants, souvent financés par l’argent public, les politiques avalisent ces attaques par la loi. Ils font modifier les programmes d’histoire pour y introduire une critique acerbe du christianisme. Ils vident de leur sens les fêtes chrétiennes. Ils s’opposent à toute référence chrétienne de l’Europe dans le défunt projet de traité constitutionnel. Ils légalisent l’avortement. Ils dénaturent la famille. Ils font enseigner la théorie du « gender ». Toutes ces lois achèvent de brouiller le message chrétien et alimentent un peu plus le délitement des mœurs. La politique s’appuie sur la culture pour légitimer son action. La culture fait appel à la politique pour institutionnaliser ses rites. La boucle du mal est bouclée.

Mais la forfaiture d’une large partie de nos élites ne s’arrête pas là. Guidés par la haine du christianisme, les plus virulents usent de l’expansion de la religion musulmane dans notre société (entre 3 et 5 millions de pratiquants selon les études) comme substitut à la culture chrétienne. Les catholiques, une nouvelle fois silencieux voire complaisants, font alors face à un choix cornélien :

– laisser faire ceux qui défendent les revendications musulmanes (construction de mosquées, sensibilisation au ramadan, viande halal, port du voile, horaires des piscines spécifiques aux hommes et aux femmes, etc.) en se consolant avec les quelques valeurs communes à ces deux religions – notamment sur les questions sociétales ;
– se ranger derrière ceux qui versent dans le laïcisme, bouclier ultime, mais logique fossoyeur des valeurs chrétiennes.

L’épisode de Montargis – avec le refus d’une visite du père Noël dans une école maternelle afin de ne pas heurter certaines familles musulmanes – s’inscrit dans cette même considération. Et ne me répondez pas qu’il s’agit d’intégristes musulmans, très minoritaires, qui ne représentent pas l’islam de France !

Les plus puristes d’entre vous poussent déjà des cris d’orfraies m’accusant d’amalgamer le père Noël avec la foi catholique. J’en conçois la différence, certes. Mais cet épisode souligne la logique du sens de l’histoire antichrétien.

Pendant des siècles, la France est restée attachée à la fête de Noël comme célébration de la naissance du Christ. À partir du XIXe siècle, le personnage du père Noël s’est mis à concurrencer le sens chrétien de cette fête qui est devenue aujourd’hui un événement commercial, marqué par d’évanescentes références religieuses. Désormais, certains demandent la suppression du père Noël, encore trop connoté « chrétien » à leurs yeux. Mais à quand la suppression pure et simple de cette fête au profit d’une fête de la dinde ?

Dans cette succession de désolations pour les catholiques, n’oublions pas que l’homme a besoin de spiritualité. Aujourd’hui, le catholique s’efface au nom d’un laïcisme qui ne rassasie personne. Ce champ de la spiritualité laissé vide, d’autres se mettent à l’occuper.

Il n’est pas question ici d’appeler au conflit interreligieux ou à l’établissement d’une théocratie qui in fine abîmerait l’Église. Il s’agit en revanche d’en appeler à la conscience de chaque catholique. Nous portons collectivement la responsabilité du devenir de notre pays. Nous avons le devoir – sans remettre en cause la laïcité de notre régime politique mais en attaquant le laïcisme ambiant – de nous exprimer, chacun à notre niveau, et de faire valoir notre point de vu chrétien. Nous sommes également tributaires de valeurs. Nous devons les préserver. Face au deux choix évoqués précédemment, une troisième voix est donc possible : celle qui consiste à faire de la France un pays laïc appuyé sur son histoire et ses valeurs chrétiennes.

Cette mission est immensément difficile car elle nous impose à tous de sortir de schémas préconçus, institutionnalisés par l’école et serinés par les médias. Elle nous oblige à une résistance culturelle usante, parfois humiliante. Mais elle peut aider – avec la prière – à redessiner notre pays. Car il est un dernier point à retenir. Si les hommes politiques sont nombreux, les hommes d’État se comptent sur les doigts d’une main. Les premiers n’ont qu’une seule conviction : conquérir puis garder le pouvoir. Les seconds naissent au milieu des tempêtes de l’Histoire. Les premiers n’ont d’yeux et d’oreilles que pour les sondages et la flatterie populaire. Ils s’adaptent en permanence aux désidératas de leurs électeurs, pourvu que ceux-ci soient intelligiblement prononcés et surtout majoritaires !

Ainsi, si l’homme d’État façonne son peuple, le peuple façonne son homme politique. Dès lors, à moins d’attendre l’hypothétique surgissement d’un homme providentiel, le retour des catholiques dans les sphères publique et culturelle – avec l’aide de l’Esprit Saint, d’une conscience politique affermie et de valeurs solidement ancrées dans le cœur de tous – reste le meilleur levier pour inverser un jour ce sens de l’histoire qui nous est si défavorable.

*Henri Dubreuil est diplômé en économie et en finance.

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37 Comments

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  • 0 / 10
  • Yves , 17 décembre 2012 @ 21 h 56 min

    Tribune tout à fait pertinente et plaisante à lire.

  • Cril17 , 19 décembre 2012 @ 19 h 41 min

    Royalistes français, serez-vous capables de vous retrouver ensemble sur un des trois points de départ de la manifestation du 13 janvier 2013 ? C’est maintenant ou jamais !…

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