Le Royaume Uni : guerre contre le christianisme ou crise d’identité ?

Le titre de cet article peut paraître provocateur pour qui n’ignore pas que le Royaume-Uni est l’un des seuls États au monde dont le souverain est un chef religieux, à la tête d’une Église chrétienne. Pourtant, le Daily Telegraph illustre un malaise grandissant outre-manche, relayé par le Daily Mail selon lequel le Gouvernement britannique actuel serait l’un des plus laïcistes de l’histoire du Royaume.

Le Sunday Telegraph révélait ce week-end que deux employées chrétiennes, une fonctionnaire de l’Hôpital d’Exeter, et  une ancienne hôtesse de la compagnie aérienne British Airways, ont décidé de poursuivre le Gouvernement britannique devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour une bien curieuse affaire dans un pays qui ignore pourtant tout de la laïcité. Leurs employeurs (l’État en ce qui concerne l’une des deux requérantes) leur ont en effet interdit d’arborer un pendentif en forme de croix, et ce alors que les musulmanes ou les sikhs peuvent toujours porter le voile ou le turban sans problème. En cause : l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui garantit la liberté religieuse. D’après la très discutable interprétation du Gouvernement britannique, il ne pourrait être invoqué que si le port de signes religieux est une obligation ! Une bien curieuse ingérence d’un gouvernement dans des questions théologiques qui ne sont, de toute évidence, pas de sont ressort. Lord Carey, l’ancien archevêque de Canterbury, n’a d’ailleurs pas manqué de faire remarquer que “paradoxalement, c’est lorsque les gouvernements et les tribunaux imposent leurs vues aux chrétiens, en affirmant que le port d’une croix n’a aucune signification, que celle-ci devient un symbole encore plus important de l’expression de notre foi”.

Cette affaire contribue à alimenter un peu plus encore un climat délétère d’hostilité au christianisme et aux fondements sociétaux qui y sont associés. Plus qu’en France, ce climat fait très régulièrement la une de la presse britannique, des tabloïds aux quotidiens les plus sérieux. En ce moment même, l’actualité se focalise sur l’activisme des évêques catholiques et d’une partie du clergé anglican, qui montent actuellement au créneau pour s’opposer au projet gouvernemental de “mariage” homosexuel, tandis que les agences d’adoption chrétiennes, accusées de “discrimination” ferment les unes après les autres, faute d’accepter l’adoption par des couples homoparentaux prévue par “l’Equality Act”pour Trevor Philipps, le médiateur en charge du respect des Droits de l’Homme, les chrétiens qui voudraient s’y opposer adopteraient une attitude comparable aux musulmans voulant imposer la charia ! Une bien curieuse façon de faire de la médiation…

Pourtant, en dehors des Églises, rares sont les voix qui s’alarment de cette ambiance dénoncée par l’ancien archevêque anglican de Canterbury, selon qui la “chrétienté devient marginalisée” au Royaume-Uni, même si la Baronne Warsi, musulmane pratiquante, et numéro 2 du Parti conservateur, s’est inquitée de ce “laïcisme militant” qui menace l’identité chrétienne de son pays et de l’Europe. Un affaissement du christianisme qui s’illustre également au sein même de la Communion anglicane, véritable colonne vertébrale religieuse et culturelle du Royaume, plus divisée que jamais – certains évêques issus de la branche anglo-catholique de l’anglicanisme rejoignant même l’Église catholique romaine pour s’opposer à l’évolution  jugée trop “libertaire” de leur confession d’origine. Or, cette évolution est symptomatique de l’état dans lequel se trouve une société britannique en pleine crise d’identité, balançant entre un sécularisme imposé par la pression des minorités d’un côté, et la fidélité à son héritage chrétien de l’autre. Le Royaume-Uni peine plus que jamais à retrouver des valeurs et un projet collectif  – le cas du référendum écossais étant particulièrement éloquent – après avoir défendu pendant longtemps un modèle multiculturaliste qui se retourne aujourd’hui contre l’identité chrétienne du pays. Ce qu’a bien compris le Pape Benoît XVI.

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5 Comments

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  • Bougainville , 12 mars 2012 @ 17 h 16 min

    Moralité: ne pas faire confiance aux “conservateurs” autoproclamés, surtout lorsque leur double-jeu transparaît dès avant les élections.

    Le “Votez David Cameron” de 2010 voulait dire “votez pour le mariage homosexuel”, ou “votez pour l’opportuniste qui était contre hier et qui est pour aujourd’hui”.

  • diego , 12 mars 2012 @ 19 h 36 min

    Confirmation de la décadence de l’Europe !!!!!! On en arrive au niveau de la Rome antique décadente où tout était jugé normal , homosexualité, pédophilie, zoophilie et j’en passe et des meilleurs. Vivant dans un pays “émergeant” , j’ai l’impression que les français ne se rendent pas compte de la dégradation de cette vieille Europe, ceci étant bien sûr entretenu par les médias.

  • Nico de paris , 12 mars 2012 @ 22 h 06 min

    Charles ne sera pas roi mais sultan de grande Bretagne !!!

    De pire en pire cette Europe musulmane !!!

  • e , 13 mars 2012 @ 16 h 55 min

    Qui a vraiment cru que Cameron était un conservateur? L’on était dans la même logique que Sarkozy UMP contre PS, alors que c’est blanc bonnet et bonnet blanc.
    Qui a laissé faire pour les abattoirs qui majoritairement ne pratiquent plus l’étourdissement avant égorgement? L’on est dans une même logique.
    Le “Royaume” Uni fait encore illusion à la télé et à l’étranger mais sûrement pas pour le peuple d’origine britannique qui a subi de plein fouet l’invasion de son pays et la transformation de ses habitudes, la perte de ses repères, etc.
    Mais c’est vrai que depuis toujours le peuple anglais n’a pas vraiment son mot à dire par rapport à l’élite, que cela soit l’élite de la noblesse d’avant la révolution industrielle, puis celle du grand capitalisme contre le prolétariat ouvrier, et maintenant celle de la finance contre les “petits blancs” anglais.

  • César Lesage , 14 mars 2012 @ 1 h 29 min

    A sa décharge, David Cameron hérite d’une situation qui reste manifestement le fait des politiques travaillistes et, depuis 2010, de son alliance avec les Libéraux Démocrates. Il en va ainsi de l’Equality Act mentionné dans cet article ou de la position du Gouvernement sur le port du crucifix, qui a été défendue par un ministre Libdem. Ce qui n’a pas empêché l’influent maire de Londres, Boris Johnson, ainsi qu’un ministre conservateur du Gouvernement , de prendre publiquement position pour les requérantes (en vouant dans le même temps aux gémonies le multiculturalisme). Tout cela n’a toutefois pas empêché le Premier Ministre de rappeler courageusement en décembre dernier que le Royaume Uni était imprégné de valeurs chrétiennes, et que les réaffirmer était une priorité, à l’heure où l’islamisme et les troubles financiers remettaient en question une attitude neutre et trop tolérante vis à vis de ces dérives.

    Dans une perspective similaire, on peut légitimement soupçonner que le soutien de David Cameron au mariage gay procède de la même logique, puisqu’il n’est soutenu ni par la majorité de son propre parti, ni par ses électeurs, comme cela a été le cas sur l’Europe, où il a subi la rebellion des députés conservateurs, majoritairement eurosceptiques, concernant la tenue d’un référendum sur l’adhésion du Royaume Uni à l’UE. Cameron est véritablement pieds et mains liés par l’accord qui le lie aux Libéraux Démocrates, et tant qu’il n’aura pas les coudées franches, il lui sera difficile de mener une politique conservatrice à proprement parler

    Enfin, il faut rappeler qu’au Royaume Uni, à plus forte raison qu’en France, le système politique est normalement organisé autour de deux grands partis, qui incluent en leur sein des tendances très diverses, qui ne recoupent pas de façon pertinente la donne politique qui prévaut en France. En gros, le Parti Conservateur ratisserait de la droite du PS, tendance Manuel Valls, au Front National, tendance catho tradi. On y retrouve en effet des sociaux démocrates, des proeuropéens, des militants laïcistes mais aussi des associations influentes de parlementaires, comme le Cornerstone Group, qui milite ouvertement pour un retour aux valeurs traditionnelles (leur devise étant Foi, Famille, Drapeau).

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