Tribune libre de Christian Vanneste*
Bernard Arnault, première fortune française et quatrième mondiale voudrait, comme Johnny Hallyday naguère, devenir belge. Après notre « idole des jeunes », le patron de la plus grande entreprise française du luxe, quel symbole ! Quelle aubaine aussi pour notre sport favori, la guerre civile froide, avec ses deux camps, et ses discours toujours prêts à la réchauffer. La balle de la nation était à droite sur l’immigration et le vote des étrangers. La voilà qui passe à gauche avec l’émigration et la trahison des milliardaires. L’histoire est riche de ces amputations appauvrissantes : la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV chasse les Huguenots, la révolution fait fuir les royalistes, la République radicale expulse les congrégations. Quel bonheur pour l’Allemagne, l’Afrique du Sud, ou la Belgique, déjà, mais qui n’a en rien diffusé notre culture ou notre puissance. De ce point de vue, les Anglo-Saxons ont eu plus de chance puisque les cavaliers de Charles Ier et les puritains de Cromwell ont, en émigrant, contribué à l’essor de la Virginie ou du Massachusetts. Des vaincus de nos guerres civiles, il ne reste rien, mais la guerre demeure.
Aujourd’hui, c’est donc la guerre des riches et des moins riches qui est à l’ordre du jour. Par démagogie, le Président a annoncé la taxation à 75% des hauts revenus qui s’ajoutera à l’imposition sur la fortune. Touchant peu de personnes et celles qui ont le plus de moyens d’y échapper, cette politique fiscale est absurde : confiscatoire et répulsive, elle décourage et fait fuir ceux que notre pays de cocagne devrait le plus attirer. La France est LE pays du luxe, comme en témoigne précisément une firme comme LVMH et il devrait s’attacher à cultiver cette image, à attirer le plus grand nombre de grosses fortunes dont la consommation avec une TVA scandinave à 25% serait la bienvenue en plus des emplois créés et de l’activité développée. On s’acharne au contraire par une taxation excessive du travail et de la propriété à faire partir l’une et l’autre au-delà de nos frontières, au nom d’une justice sociale, qui veut que les parts du gâteau soient égales, mais dans un gâteau de plus en plus petit. Le mandat présidentiel précédent a joué un rôle calamiteux dans ce débat : au lieu de participer à des repas, d’arpenter le pont des bateaux, de biaiser avec des dispositifs hypocrites comme le bouclier fiscal, il fallait, dès le début, supprimer l’ISF et instaurer la TVA sociale, et faire de la pédagogie : plus il y a de riches en France, plus la solidarité à l’égard des pauvres peut s’exercer avec une assiette fiscale plus large et des taux moins élevés. C’est Lincoln qui disait : « Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche ». La Suisse l’a bien compris qui est première au classement du Forum Économique Mondial.
“La France comme quelques autres nations, finalement peu nombreuses, n’est pas une construction artificielle et récente, mais une histoire riche et ancienne, inséparable d’une langue et d’une culture.”
Faute de solution intelligente, notre pays en est donc réduit à l’affrontement des discours et des impuissances. L’extrême-gauche exige qu’on punisse les exilés. Marat n’est pas mort ! Les yeux brillants de leurs propres espérances, les ténors de la droite « bourgeoise », comme diraient les Suédois, évoquent le mauvais signal donné à ceux qui réussissent. Comme si la sanction fiscale d’un multimilliardaire pouvait émouvoir les jeunes qui ont, certes, envie de réussir, mais ne s’identifient pas à ce type et à ce niveau de succès. Alors, certains sauvent l’honneur de la « droite » et parlent de fidélité à la nation. C’est le cas d’Henri Guaino que je soutiendrais sans doute, si je n’avais pas quitté l’UMP.
Car la vraie question est là : la nationalité ne vaut-elle pas plus aujourd’hui qu’une carte de crédit ? Ceux qui sont prêts à accueillir toute la misère du monde, à subventionner l’immigration sans limite, à accorder le droit de vote aux étrangers, avec le double avantage de gagner des électeurs et d’en procurer au Front national, ceux qui refusent de parler d’identité nationale sont les premiers à dénoncer le manque de patriotisme des Français qui cherchent à tirer un avantage fiscal de cette double nationalité si chère à leurs yeux. Leur attitude est, cependant, la même : elle consiste à prôner l’individualisme et à ramener la nation à une dimension purement juridique. La France, un papier et des droits ! Monaco, les Bahamas, d’autres papiers, d’autres droits…
À celui qui a la grande naïveté ou l’extrême ringardise de considérer la nationalité comme une appartenance affective et la nation, comme « un principe spirituel », « un riche legs de souvenirs » et « un désir de vivre ensemble » , pour reprendre les termes de Renan, faut-il jeter un regard plein de commisération ? Non ! Parce que ce serait insulter ceux qui ont donné leur vie pour elle. Non ! Parce que la France comme quelques autres nations, finalement peu nombreuses, n’est pas une construction artificielle et récente, mais une histoire riche et ancienne, inséparable d’une langue et d’une culture. Non ! Parce que son destin tourmenté est indissociable des choix politiques des dirigeants de son État, et cet aspect est éclairé d’un jour nouveau alors que la flotte européenne se trouve désemparée. Non ! Parce que celle qui fut la Fille aînée de l’Église sait qu’elle est une communauté naturelle indispensable à la réalisation du Bien Commun. Non ! Parce qu’enfin, la patrie, cette « grande solidarité », est le seul bien de celui qui n’a rien, comme le disait Jaurès et les politiciens des deux camps en lutte feraient bien de s’en souvenir.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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