Le vendredi, c’est Zemmour. “On se souvient que Bill Clinton s’était moqué de son adversaire George Bush, vaincu à la présidentielle de 1992 alors qu’il était pourtant auréolé de sa glorieuse campagne militaire en Irak par un sarcastique, ‘L’économie, stupide !’
Vingt ans après, Barack Obama pourrait paraphraser son ami démocrate en lançant à son adversaire malheureux : ‘La démographie, imbécile !’
Jamais l’Amérique n’a été aussi coupée en deux, jamais une élection américaine n’a été aussi communautariste; on pourrait presque dire racialiste. 93% des Noirs ont voté pour leur candidat, 71% des Latinos ont fait de même. En revanche, les Blancs ont voté massivement pour Romney, surtout les hommes blancs qui n’ont été que 25% à donner leur suffrage au Président sortant.
Les seuls à transgresser cet enfermement communautaire furent les jeunes éduqués et surtout les femmes célibataires, très nombreuses dans les grandes villes de la côte est, qui ont sanctionné les Républicains qui défendaient trop vivement à leurs yeux la famille traditionnelle.
Cette alliance des minorités et des femmes seules est hautement symbolique : la défaite de Romney est la défaite de l’Amérique blanche, rurale, patriarcale, l’Amérique de Reagan et de John Wayne, celle qui a historiquement fait et dirigé l’Amérique.
Les Républicains ne l’ont pas volé : depuis les années 1980, le Big Business a favorisé une immigration massive pour améliorer ses profits. Il a gagné toujours plus d’argent mais a perdu l’Amérique, son Amérique. Car l’immigration appelle l’immigration. Jadis, l’immigrant rêvait de fermer la porte derrière lui pour mieux s’assimiler. Désormais, il souhaite que sa famille, au sens toujours plus large, vienne le rejoindre pour continuer à vivre comme là-bas, pour faire nombre, pour faire peuple…
“Jamais l’Amérique n’a été aussi coupée en deux, jamais une élection américaine n’a été aussi communautariste; on pourrait presque dire racialiste.”
Pour les Latinos, l’immigration est le moyen d’une revanche historique sur ces colons venus du Nord de l’Europe qui leur avaient arraché au XIXe siècle la Californie, le Texas, etc. La revanche du catholicisme sur le protestantisme, qui est en train de changer l’Amérique en lui imposant une culture moins individualiste, plus solidaire diront les optimistes, une mentalité d’assistés, a décrété rudement durant la campagne Mitt Romney.
En France, la ligne stratégique qui a permis à Obama d’être réélu a été théorisé il y a quelques années déjà par le cercle de réflexion de Terra Nova. Hollande a, lui aussi, bénéficié d’une coalition de jeunes des universités, de femmes et d’enfants de l’immigration, les musulmans votant selon un sondage Sofres à 93% pour lui.
On comprend pourquoi de nombreux élus socialistes sont favorables au droit de vote des étrangers et pourquoi, Manuel Valls, qui voit plus loin et plus haut, a remis en marche la machine à naturaliser qu’avait un peu enrayé Claude Guéant.
Mais la France n’est pas l’Amérique. Depuis la victoire d’Obama, une double image est largement reprise sur tous les réseaux sociaux : on y voit une jeunesse américaine bigarrée se réjouir de la victoire de son champion, dansant au milieu des bannières étoilées. Dans l’autre moitié de la page, on reconnaît les jeunes gens qui célébrèrent à la Bastille l’élection de François Hollande, arborant fièrement des drapeaux marocains, sénégalais, algériens, égyptiens ou encore palestiniens.
La question posée est d’une redoutable simplicité : où sont les drapeaux français ?”
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