Tribune libre de Pierre-François Ghisoni*
Pour détruire un pays il existe une recette éternelle : le diviser contre lui-même.
La division française en partis dits « de droite » et « de gauche » est une fumée qui nous aveugle et nous mène à l’abîme.
Pourquoi ?
Tout est presque dit dans le mot « division ». Tout se confirme dans la longue histoire du pays avant même qu’il ne s’appelle France… Par Toutatis ! Il n’est pas frais mon poisson ?
Alors, un retour s’impose pour comprendre les bases de l’histoire :
- La division en droite et gauche a commencé lors de la Constituante de 1789, en fonction des positions des députés dans la salle. C’est un réflexe de groupement territorial.
- Des idées différentes sur les relations humaines et sociales se sont développées. C’est une séparation intellectuelle et morale, croissant sur les difficultés sociales du XIXe siècle.
- Les différents conflits internes et externes ont exacerbé les passions françaises. Citons, non exclusivement, la fameuse affaire Dreyfus.
- La « gauche », spécifiquement au XXe siècle, a dominé la droite en employant contre elle toutes les armes de sa propagande affûtées dans les laboratoires du communisme.
- Son premier coup de maître a été de s’accaparer injustement de mots-valeurs comme « liberté », « humanisme », « cœur », etc. Rappelons-nous ces phrases comme : « La France a le cœur à gauche et le portefeuille à droite », et ce débat où pour une fois une réponse porta : « Vous n’avez pas, M. Mitterrand, le monopole du cœur. » (1)
- Son deuxième coup de maître a été de lancer des rêves idéologiques fondées sur une égalité tous azimuts et jamais accessible. La réalité n’apportant que des désillusions, elle se réfugia dans les épurations diverses contre les « vipères lubriques », « sociaux-traîtres » et autres dissidents.
- Son troisième et plus extraordinaire coup de maître a été de persuader le monde, et jusqu’à la droite qu’Hitler était « de droite ». Il fallait pour cela masquer les origines de la NSDAP, (2) masquer que le mot « nazi » signifie en allemand « socialiste national » et non « national socialiste » ce qui change tout, et masquer aussi toutes les collusions entre Hitler et Staline avant leur choc frontal.
- Cette perversion des relations humaines et des mécanismes intellectuels a poursuivi son chemin en France, indépendamment des scores du PC et autres mouvements dits « de gauche » aux élections.
- Pendant tout ce temps, la « droite » s’est désintéressée de la culture, de sa puissance stratégique et tactique. Elle s’est trouvée acculée dans un coin comme un boxeur groggy, incapable de parer le moindre coup ni de remonter à l’assaut, battue d’avance dès la moindre accusations de « fascisme ». Elle a cru, par compromissions successives, s’acheter une bonne conscience et a glissé sur cette pente. Elle est devenue « l’allié objectif » de la gauche, dont Lénine disait qu’on allait lui vendre la corde avec laquelle on la pendrait.
Le résultat : nous y sommes : l’UMPS et partis apparentés, la France au bord du chaos, des hommes politiques de tous bords incapables de comprendre le bon sens du peuple, et, pour être franc, de braves gens du peuple encore abusés par des bateleurs professionnels.
Mais aucun des éléments précédents n’est compréhensible si l’on s’en tient aux descriptions historiques classiques, même passionnantes, comme les travaux de René Rémond (Les Droites en France) et de Jacques Julliard (Les Gauches françaises). Et encore moins si on oublie trois questions fondamentales :
1/ Qu’est une pensée de droite ? Qu’est une pensée de gauche pour un homme à qui on présente une affiche électorale, un parti, un programme ? Comment cette pensée travaille-t-elle sur le chemin cahotant de l’isoloir ? Comment a-t-elle évolué depuis la Constituante à nos jours ?
2/ Qu’est une action de droite ? Une action de gauche ? Existe-t-il des critères permettant de les différencier ? Pour un homme politique ou pour un citoyen quelconque ?
3/ Existe-t-il une somme actions + pensées à partir de laquelle le qualificatif « de droite » ou « de gauche » pourrait s’appliquer à un homme ou à un parti ?
Il s’ensuit qu’aucun des partis dits « de droite » ou « du centre » ne correspond vraiment à une pensée et à des actions de droite, et qu’au bal des cocus, leurs électeurs auront toujours des tickets d’avance.
Mais nous allons bientôt changer de musique. Vous ferez entendre votre voix, car nous préparons la partition.
*Pierre-François Ghisoni (blog) est écrivain et éditeur.
1. Débat VGE/Miterrand, 10 mai 1974
2. NSDAP : Nationalsozialistische deutsche Arbeiterpartei : La traduction française qui respecte la grammaire et la pensée allemandes apparaît lourde, mais elle est plus précise : Parti allemand socialiste national des travailleurs. Sur Wikipédia France, le NSDAP « souvent dénommé simplement Parti nazi, était un parti politique allemand communément classé à l’extrême droite et rattaché à la famille politique du fascisme ». Mais en lisant Wilipédia Allemagne, son idéologié (der Nationalsozialismus) était déterminée par l’antisémitisme radical, le nationalisme, ainsi que par le rejet de la démocratie et du marxisme. (traduction personnelle). Cela évoque, plutôt que la droite, les querelles internes à la gauche, leurs purges musclées, comme la guerre d’Espagne, entre autres, nous l’a amplement démontré.
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