Tribune libre de Marc Crapez*
Les sanglots filmés sont ceux des obligés du régime, qui doivent leur statut social au bon vouloir du chef, aux subsides clientélistes versés à des missions bolivariennes.
Corruption accompagnée de stagnation économique, baisse de la production industrielle, hausse des importations et triplement du nombre de fonctionnaires… À l’heure où Cuba libéralise, Chavez ne lègue rien de durable. Tout reposait sur le coup d’œil du « comandante ». L’omniprésence du leader charismatique. Qui régente son pays comme sa chose. Distribue des largesses. Le populisme postule la scélératesse des opposants et l’immédiateté des solutions. Fonctionne sur une rhétorique de confrontation.
Ce colonel putschiste auto-promu général fut un caudillo, un thaumaturge des blessures de la nation, qui conçoit l’histoire comme le théâtre d’un affrontement de titans, l’armée comme la productrice de l’épopée nationale, et les opposants comme des obstacles au peuple.
Les historiens sud-américains qualifient de césarisme démocratique ce régime belliqueux, où la carrure d’un chef est censée protéger le peuple contre des « agressions incessantes » (Vallenilla Lanz), où des oligarques proclamés bolivariens ressemblent à « ceux qui se croient meilleurs sous prétexte qu’ils descendent d’un comte ou d’un marquis » (Briceno), où règne une caste politique « générant une société de complices » (Miguel Albujas).
Certains milieux, en France en particulier, restent sous le charme. Car sous Chavez, un « socialisme du 21e siècle » et une démocratie « sociale et participative » sont censés générer un « véritable transfert de pouvoir vers les mouvements sociaux organisés ». Chavez disserte sur le « peuple conscient et organisé unique combustible de la machine de l’histoire », ou encore sur le « caractère socio-historique de l’être vénézuélien ».
Récemment réélu sans trop tricher avec près de 60% des suffrages, Hugo Chavez représentait tout de même quelque chose : une forme d’indigénisme contre l’arrogance des « gringos » et une aspiration à la dignité dans un pays où existe encore réellement des « possédants » qui méprisent le peuple. Mais il a trahi ces attentes dans la couleur kaki des régimes militaires, en s’acoquinant avec des dictateurs, dans une solidarité anti-occidentale sans lien historique avec l’histoire du Venezuela.
*Marc Crapez est chroniqueur et chercheur en sciences politiques.
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