La théorie du genre : Symptôme d’une société narcissique, manipulée et fascisante ? (2/2)

Suite de la tribune libre de Yann Carrière*

L’ensemble constitué par ces buts militants voire haineux et ces méthodes de destruction intellectuelle à sens unique offre aux tenants de cette idéologie la possibilité de flotter indéfiniment dans un nirvana de considérations plaisantes mais déconnectées de la vie, parfois brillantes mais toujours inconclusives et même stériles, qui caractérise les écrits de Judith Butler, souvent illisibles pour le commun des mortels, et pour les personnes attachées au sens concret des choses.

Reconnaissons et admirons cependant une certaine habileté intellectuelle dans ces exercices gratuits de destruction. Cette habileté permet à Butler de passer à volonté d’un conditionnel prudent lorsqu’elle s’exprime sous forme d’hypothèses honorables en elles-mêmes, à des affirmations gratuites ou pétitions de principes plus révolutionnaires sans aucun argument. À l’inverse, ce flou lui permet de revenir en arrière lorsqu’on l’accuse de positions extrêmes, voire de dénoncer les militants naïfs ou les manipulateurs cyniques qui ont cru pouvoir utiliser ses propos. (cf. ses retours critiques dans les livres qui ont suivi Trouble dans le genre, ou dans certaines de ses interventions orales). Mais au-delà de l’aspect gratuit, c’est là qu’il convient de rappeler que ces idéologies et jeux brillants et parfois pervers peuvent avoir des conséquences désastreuses et cruelles lorsqu’ils font irruption dans la réalité, un peu à la manière des utopies communistes des siècles passés.

Car c’est la poursuite d’idéologies sous forme d’utopie violemment imposée au réel qui créée des dégâts. Du rêve d’un être humain nouveau, affranchi des limites de la sexuation, on passe aisément au forçage dans ce moule des personnes réelles, et c’est alors de la violence pure et malfaisante, qu’elle soit psychique ou physique.

On peut dès aujourd’hui déplorer l’absence de respect de la personnalité sexuée des enfants dans les écoles où l’on les « encourage » dans des activités inversées par rapport aux stéréotypes, un peu à la manière des rééducations culturelles de sinistre mémoire. Ce n’est pas une éducation unisexe à prétention neutre, ce qui serait sans doute défendable, mais un conditionnement violent et violant l’identité naturelle des enfants. C’est l’équivalent psychique de certaines expériences physiques, notamment de castration, qui peuvent avoir lieu au nom de la théorie du genre.

“C’est la poursuite d’idéologies sous forme d’utopie violemment imposée au réel qui créée des dégâts.”

Édifiante est à ce titre l’histoire de David Reimer, racontée par John Colapinto, survenue au tout début des applications de cette théorie sous l’égide d’un des tout premiers inventeurs du terme et de la théorie du genre, le professeur John Money, dans les années 60. À la suite d’une circoncision ratée, les organes génitaux d’un tout jeune garçon furent gravement endommagés. Face à la détresse des parents, le corps médical de l’époque leur expliqua qu’une solution consistait à lui ôter complètement l’appareil génital masculin et à l’élever comme une fille. Vu son jeune âge (moins de 2 ans), son identité de genre n’était pas construite, expliquait-on aux parents, et l’adaptation à sa nouvelle identité devait s’effectuer sans problème. Les parents y ont naturellement vu une issue préférable aux souffrances assurées qu’aurait eu à subir leur enfant dans son identité de garçon mutilé, et l’expérience fut tentée. Ce fut un fiasco, raconté dans le livre As Nature Made Him. Le garçon n’admit jamais le rôle de petite fille qu’on chercha à lui imposer et grandit dans la rébellion et la souffrance. Jeune adulte, il se fit opérer dans l’autre sens et se maria. Cette nouvelle vie ne fonctionna pas non plus et il finit par se suicider.

Un détail révèle la perversité intrinsèque de la démarche, c’est le mensonge qui entoura l’ensemble de l’expérience. Le professeur John Money proclamait en effet qu’elle était un succès complet, ouvrant ainsi la voie à la perpétuation d’autres drames cruels. Mensonge et violence malfaisante accompagnent ainsi infailliblement les entreprises de rage narcissique en révolte contre le réel lorsqu’elles échouent.

Et malheureusement, même si c’est à bas bruit, ces phénomènes perdurent et se répandent avec le succès de la théorie. Ils illustrent comment l’absence d’auto-restriction à la toute-puissance narcissique de l’humain produit nécessairement une tyrannie fascisante et cruelle. Et c’est cependant le chemin que prend résolument notre civilisation avec des décisions politiques qui endossent ces théories délirantes, comme la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe signée en 2011, qui prévoit d’éradiquer les stéréotypes de genre  dans le cadre de la lutte contre le sexisme misogyne.

Pour illustrer ces dangers, je retiendrai quatre anecdotes tirée des media, toutes à propos d’enfants élevés par des couples de lesbiennes, fait plus courant, semble-t-il, que l’élevage par des parents gays ; et peut-être plus facilement toxique également, si l’on en croit l’étude du professeur Regnerus. En tout état de cause, l’investissement de la théorie du genre par des lesbiennes est patent, à commencer par la grande prêtresse Judith Butler. Dans la lignée du féminisme radical, à l’intersection des discriminations injustes qui ont pu frapper femmes et homosexuel(le)s, il est compréhensible de trouver des lesbiennes en première ligne, pour le pire comme pour le meilleur.

– Le premier cas gênant m’est apparu lors d’un reportage télévisé diffusé il y a déjà quelques années. On y voit une des deux mères lesbiennes répondre à une question de son fils, âgé d’environ 5 ans. « Où il est mon papa, à moi ? ». La mère lui répond qu’il n’en a pas, tout en se tournant en souriant vers le journaliste qui l’interviewe, sans se soucier davantage du désarroi de son fils, pourtant tout à fait perceptible. Mensonge et indifférence à la souffrance de sa progéniture, c’est déjà fort, mais ce n’est qu’un début.

– En second, citons le déni de réalité (ou sa relativisation, selon l’habileté de l’argumentation) de la différence des sexes, qui permet de nier l’importance du père et facilite la démarche de deux lesbiennes autrichiennes qui veulent exclure le père de tous droits dans l’élevage de son enfant (arrêt du 19 février 2013 de la Cour européenne des droits de l’homme).

“Le thème de la diversité, avec ses échos sentimentaux puissants (l’amour universel), est un outil rêvé pour manipuler les masses et « diviser pour régner », substituant une lutte des sexes/genres à la lutte de classes.”

– C’est clairement la théorie du genre qui facilite aussi l’entreprise de changement de sexe de leur garçon que deux lesbiennes poursuivent, au motif que c’est plus facile à faire avant l’âge adulte. Notons, il est vrai, que la difficulté du garçon englobé dans un environnement trop féminin peut d’elle-même conduire à des troubles de genre (cf. le psychanalyste Robert Jesse Stoller et les témoignages d’enfants élevés dans un tel contexte).

– Enfin, c’est un excès de narcissisme tout puissant qui a conduit une lesbienne à battre à mort le fils de sa compagne qui refusait de l’appeler papa (affaire Gendre Botha, Afrique du Sud). Comme beaucoup d’idéologies utopistes et déconnectées du réel, la mortifère théorie du genre tue.

Lorsqu’on lit ce qui précède, on se demande comment de tels mouvements d’idées réussissent à se propager en dépit de leurs évidentes failles et malfaisances. C’est peut-être l’occasion de prendre conscience qu’au-delà des services rendus à certains groupes réputés (à tort ou à raison) opprimés, il y a une autre explication à prendre en compte, et que les postures les plus perverses ne sont pas forcément celles que le l’on croit discerner de prime abord chez les idéologues.

Pour faire simple, le sociologue et théologien Jacques Ellul a montré combien la propagande était nécessaire au fonctionnement de nos sociétés. Manipuler les gens est la grande affaire du gouvernement invisible des démocraties, tant vanté par le publiciste Edward Bernays, double neveu et disciple de Freud. Or, de ce point de vue, les idéologies progressistes (« religion du progrès ») sont facilement récupérées et utilisées dans l’intérêt des puissants de ce monde.

Ainsi le thème de la diversité, avec ses échos sentimentaux puissants (l’amour universel), est un outil rêvé pour manipuler les masses et « diviser pour régner », substituant une lutte des sexes/genres à la lutte de classes (avec le but d’une société où le sexe/genre est aboli, comme autrefois la société sans classe). En témoigne notamment une confidence faite par Nick Rockefeller au metteur en scène Aaron Russo, rapportée par ce dernier : la libération des femmes, au-delà de son bien-fondé, fut encouragée dans la mesure où l’affaiblissement de la famille sert les intérêts du capitalisme de consommation : les enfants, moins éduqués et donc moins structurés, deviendraient de ce fait des adultes plus manipulables. Dans une telle perspective, une approche aussi destructrice de la personne humaine qu’est la théorie du genre constitue une véritable aubaine.

Pour des raisons techniques qu’avaient identifiées Jacques Ellul, notre société semble préférer la propagande mensongère à la vérité. L’évolution narcissique de la mentalité contemporaine offre à cette propagande un véritable boulevard. Mais il n’est jamais trop tard pour se réveiller. Le salut (du respect au bonheur en passant par la santé) des humains, hommes, femmes ou transgenres, est à ce prix.

> Lire la première partie de cette tribune libre.

*Yann Carrière est Docteur en Psychologie et membre du réseau Homme, Culture & Identité. Il a écrit Du sexisme au fascisme, lettres à un jeune père sur la misandrie contemporaine.

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23 Comments

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  • Tarantik , 5 avril 2013 @ 11 h 02 min

    Drôle de genre

    On ne change pas la Nature… [Voltaire]

    Du temps que Monsieur de La Fontaine vivait,
    On glosait fort autour de lui
    De certaine philosophie, qu’il qualifiait,
    Non sans ironie, de subtile et hardie :
    «Iris 1 s’exclamait-il, la savez-vous ? On dit
    Cette philosophie nouvelle :
    La bête est une machine ! Et en elle,
    Point d’âme et point de sentiment. Tout n’est que corps,
    Rouages, mécanismes et ressorts.»
    C’est la très insolite thèse cartésienne
    De l’animal-machine, qu’il fait sienne…
    Pour mieux la récuser ! Tout bien considéré
    On doute que Descartes ait un jour approché
    Un chat, un chien ou même un perroquet ?
    Allons, chacun voit bien que sottise et génie,
    Cohabitent très bien dans un même cerveau !
    Vous en doutez ?
    Voyez encor le grand Rousseau
    Qui, au siècle suivant, accouche d’un traité
    Savant sur l’éducation des enfants,
    Non sans avoir abandonné les siens avant !
    Et la grande affaire qui aujourd’hui
    Agite nos nouveaux génies,
    C’est cette gender theory
    Qu’on dit chez nous : théorie du genre.
    – Ah oui ? et de quel genre
    Je vous prie… – D’un genre absolument pervers :
    Apte à dénaturer la Société entière !

    ……………………… fables d’hier et d’aujourd’hui ………………………
    D’après ces docteurs singuliers,
    Notre espèce n’est pas sexuée ;
    Sa nature est inachevée !
    Heureusement l’éducation y pourvoira :
    On ne naît pas femme on le devient 2, voire…
    Essayez donc pour voir,
    Abreuvez-vous à la Beauvoir :
    Chargez votre vache d’un bât,
    Agrémentez quelque vieux bouc de falbalas,
    Et voyez si vous obtenez à votre gré,
    Un cheval de selle, une ânesse ou un onagre.
    Esprits pervers, cerveaux podagres,
    Qui trop pensez avec les pieds,
    Vous ne savez plus qu’inventer pour extirper
    Ce qui nous reste encor d’humanité !
    Le pire est que l’on enseigne cette foutaise
    Dans des écoles où nul n’apprend plus à lire
    Mais où les crétins pantouflent à l’aise.
    Et s’il leur arrive de réfléchir,
    Au bout de dix ans d’un semblant d’études 3,
    Ils s’apercevront avec inquiétude
    Qu’ils ignorent toujours à quel genre se vouer !

    Vanité, laideur et scandale,
    Menacent tous les jours la Vérité.
    C’est l’éternelle lutte du Bien et du Mal :
    Nos félons politiques, ombres auxiliaires 4
    Laissent faire, nous préparant l’enfer sur terre !

    02 2013

    1. Iris est Madame de La Sablière, bienfaitrice de La Fontaine qu’elle hébergea durant 20 ans. Il rencontra chez elle savants et érudits.

    ……………………… fables d’hier et d’aujourd’hui ………………………
    2. «La France était fière de son système éducatif. Elle l’est moins lorsqu’elle observe son recul dans les classements internationaux (…) voire le niveau de l’illettrisme.» [Un député de l’ex-majorité]
    3. La femelle humaine ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat (sic). [In, Le deuxième sexe. S. de Beauvoir].
    Ndlr : De toute évidence elle n’avait pas une haute opinion de son sexe la Beauvoir. Les féministes apprécieront ! Et dans ce cas ne faudrait-il pas relire ses assertions à l’aune de sa frustration ?
    4. Remercions particulièrement M. Luc Chatel, ex-ministre de la Destruction nationale pardon… de l’Education, à qui nous devons l’inscription de la foutaise en question dans les programmes scolaires. La Gauche recrute ses sinistres auxiliaires dans toutes les mouvances politiques.

  • isidore , 5 avril 2013 @ 13 h 17 min

    Merci pour cette savante analyse,Monsieur Carrière.
    Merci Tarantik pour cette épatante versification polémique.
    suivie des citations.

    Pour ma part,esprit assez primaire,ce que je déduis de toute théorie tordue,c’est que 1°)ou bien leur auteur est un homme de cabinet ne connaissant rien à a vie et qui s’amuse,et c’est alors un simple imbécile savant; ou bien de par ses moeurs et tendances il ou elle a un intérêt à imposer son point de vue,mais c’est alors encore plus grave,avec l’acharnement qu’il ou elle y mettra,et c’est de leur part,à lui ou elle,une volonté de malfaisance universelle,destructrice de toute vraie culture.
    (Vraie culture: terme résumé qui serait à développer).
    2°)Ce que je comprend de la théorie du “genre”,c’est que selon cette théorie,l’être humain naissant dans son animalité,de l’union de deux animaux aléatoirement masculin et féminin,nait,lui-même, avec un principe d’incertitude à propos de ce qu’on appelle généralement le sexe,jusqu’ici supposé coïncider avec le sexe physique,car il peut,sans qu’on le sache,avoir dans la tête un autre sexe,ou genre grammatical, que son sexe visible.
    Evidemment que face à une théorie de ce genre,sans calembour,la première question à se poser est de savoir si c’est du lard ou du cochon,i.e.si c’est un simple canular intellectuel ou si c’est tendancieux
    On peut en sourire,si l’auteur n’insiste pas,c’est tout ce que je vois.Sinon,gare !

    Au cas où ce serait une vérité profonde,bien que non scientifique au sens poppérien puisque non démontrable,ni de ce fait,réfutable,ce serait une théorie extrêmement idéalisto-spiritualiste,démontrant
    la supériorité de ce qu’il faut bien appeler esprit puisque invisible.C’est au moins osé,mais cela ressort plus à une foi irrationnelle qu’autre chose.Ce serait une nouvelle secte,du genre scorpion,vous savez celui qui agit selon sa nature contre toute convention,si on considère comme simple convention,décor inutile,ce qu’un nouveau-né a entre les jambes à l’instant de sa naissance.

    Evidemment que,s’il y a une once de vérité ici,ça devient un problème pour toute l’humanité: rendons-nous compte que depuis des millénaires,on a obligé des individus a des pratiques sexuelles pour lesquelles ils n’étaient pas prédestinés ! c’est horrible !
    On les a forcés,contre leur véritable nature aussi profonde qu’invisible,à un déterminisme par l’éducation qu’on leur a donné,les vêtements qu’on leur a fait porter,et rien que par la différenciation qu’on leur a imposée en théorie.

    Que faire ? (comme disait,du coup,je ne sais plus qui).

  • Gisèle , 5 avril 2013 @ 15 h 03 min

    Merci !!!! Envoyez cette fable à tous ces ” frustrés ” qui nous gouvernent !
    Les oiseaux du ciel vivent leur vie , leur nid est construit , leurs chants embellissent nos jours gris , car eux ne cherchent pas à savoir et à contrer ….ils prennent ce que Dieu leur donne .

  • Gisèle , 5 avril 2013 @ 15 h 17 min

    Que deviennent Adam et Eve ????? Que deviennent les hommes préhistoriques qui ne vivaient qu’ au contacte dune nature vierge ??????
    Pourquoi toutes ces différences physiques et psychologiques ? pourquoi Dieu a t il fait compliqué alors qu il aurait pu faire simple ???
    Pourquoi ne pas revenir à la perruque poudrée et aux dentelles pour les hommes alors ??????? posez donc la question aux garçons et aux filles dans la rue …..

  • Paule C , 5 avril 2013 @ 16 h 05 min

    Les porteurs de dentelles et de perruques poudrées suivaient la mode de leur époque, et ils ne se posaient pas de questions sur leur “genre” !

  • Paule C , 5 avril 2013 @ 16 h 14 min

    Plus sérieusement, bravo et merci pour ce texte profond et brillant qui démonte les ressorts de cette théorie.

  • Tarantik , 5 avril 2013 @ 17 h 12 min

    A Isidore

    Que faire ?

    Peut-être de se fier à la Nature, c’est à dire au bon sens…
    Les “intellectuels” sont capables de nous entraîner dans les arcanes du diable (ou du Mensonge, si vous réfutez le diable) en nous expliquant qu’il n’y a pas d’autre issue.
    Voyez ce sinistre milliardaire qui s’agite comme un beau diable pour tenter de justifier ses goûts de dépravé !
    L’homosexualité ? Le mieux est de n’en pas parler, disait Jean Cocteau qui avait un peu plus d’entregent que ce pauvre type.

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