Tribune libre de Robert Ménard*
J’ai passé les vacances d’été, chez moi, à Puisserguier, un petit village à une douzaine de kilomètres de Béziers. On y vivait de la vigne. Je ne sais plus de quoi l’on y vit. Ce n’est plus vraiment un village. Il faudrait plutôt parler d’une zone péri-urbaine, comme disent les sociologues, en clair d’un territoire regroupant une population qui ressemble d’avantage à celle d’une banlieue qu’à ces hommes et ces femmes associés dans mon esprit à nos clochers de France. Les commerces du centre se meurent au profit de grandes et de moins grandes surfaces. Pas vraiment une cité dortoir. Déjà plus un bourg de campagne.
À Béziers, le centre ville est lui aussi en perdition. Les commerçants l’ont déserté. Les professions libérales ont migré vers des « zones franches », en périphérie, où ils sont exonérés de taxes. L’habitat est délabré, squatté par des marchands de sommeil. Les paraboles punaisent les façades d’immeubles occupés par des pauvres, des maghrébins, des gitans. Les bourgeois ont fui. Les Biterrois ne reconnaissent plus leur ville.
Et pourtant que cette cité est belle. Que son histoire est riche, de l’épopée cathare aux révoltes viticoles du début du XXe siècle. Elle n’est pas une belle endormie. Elle a été comme vidée d’elle-même. Un trou noir où viennent se réfugier bénéficiaires des minimums sociaux en quête de logements bon marché, immigrés toujours plus nombreux, plus visibles.
De droite comme de gauche, les personnes que je rencontre ne me parlent que de ça. Elles se vivent en insécurité, étrangères à leur propre ville. Ni racistes ni xénophobes. Elles veulent juste se sentir chez elles, voir les nouveaux venus se plier à ces règles de civilité qu’a inventées le Pays d’Oc. Un pays de tout temps ouvert au monde, ouvert aux autres.
Leur colère n’est pas tant dirigée contre cet islam qu’elles sentent, qu’elles craignent conquérant – au fond, pourquoi reprocher aux mosquées de prospérer quand nous désertons nos églises ? – mais vers ces politiques qui, des deux bords, font comme si de rien n’était, jouent sur les mots, fuient leurs responsabilités. Au fond, elles ne veulent qu’une chose : qu’on se soucie d’elles. Quant aux nouveaux arrivants, venus pour la plupart de l’autre rive de la Méditerranée, une fois installés, insérés tant bien que mal, ils revendiquent la même attention. Et refusent, à leur tour, qu’on ouvre nos portes – et les leurs – à tout vent. Les entendra-t-on ?
*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières.
> Son blog : robertmenard.fr
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