Si le massacre de 147 personnes, dont de nombreux étudiants, à l’Université de Garissa (Kenya) par le groupe islamique Al-Shabaab (ou, plus exactement, ḥarakat aš-šabāb al-muǧāhidīn, mouvement des jeunes moudjahidin), a suscité un certain émoi à l’international (mais assez peu de réactions officielles pour le moment), il faut néanmoins rappeler qu’il n’est que le dernier d’une longue liste pour cet important mouvement salafiste originaire de Somalie (on dénombrait environ 5000 terroristes shebabs en 2013) : chacun se souvient par exemple de l’attentat contre un centre commercial à Nairobi par les mêmes « shebabs ». En mars, un attentat contre un hôtel faisait vingt morts, dont un responsable politique, en Somalie.
Comme le note Roland Marchal sur les ondes de Radio Vatican, les attentats perpétrés par le groupe djihadiste se sont faits de plus en plus nombreux jusqu’à cette dernière attaque.
À noter que si la présence kényane en Somalie contribue à alimenter le discours anti-kenyan du groupe terroriste Al-Shabaab, celle-ci est due à l’intervention de l’Union africaine en soutien au gouvernement légitime de la Somalie, dirigé par Sharif Ahmed, agressé en 2009 par les djihadistes qui étaient parvenus à prendre contrôle d’une partie du pays. Cette coalition a d’ailleurs permis de les forcer à quitter nombre de leurs positions. En octobre 2014, Al-Shabaab était ainsi chassé de Brava, un important port somalien.
L’édition italienne de Radio Vatican interrogeait hier Carmine Curci, le directeur de l’agence d’information Misna (Missionary Service News Agency). NdF vous propose la traduction originale suivante de l’entretien radiophonique (en italien) :
Carmine CurciDevons-nous considérer ce groupe comme un mouvement en soi, ou comme l’un des nombreux visages du « califat » qui s’étend sur d’autres parties de l’Afrique et du Moyen-Orient ?
Je pense que al-Shaabab, tout comme Boko Haram, ou comme l’État Islamique portent tous l’idée d’un islam violent. Il existe des contacts entre ces différents groupes, nous le savons, et il est par conséquent évident qu’il ont une stratégie commune de déstabilisation de certains pays.
Avez-vous eu des contacts avec la communauté chrétienne de Garissa ?
Photo : Info-AfriqueOui, nous avons entendu l’évêque coadjuteur de Garissa, Mgr Joseph Alessandro, qui nous a dit que la situation est effectivement encore très tendue. Rappelons que l’université est le foyer de 800 étudiants, et qu’actuellement seuls 560 à 570 d’entre eux sont encore vivants : 200 à 250 étudiants manquent donc à l’appel. Jusqu’à ce matin, on dénombrait 147 morts… et il n’est pas exclu de monter jusque 200 à 220 morts [NdlR : Selon certains quotidiens kenyans, dont The Nation, le bilan pourrait être plus grave encore, soit le double des chiffres officiels].
Mais, pourquoi avoir attaqué l’université ? Parce que la majorité des étudiants de l’université de Garissa ne sont pas originaires de la région, mais proviennent de tout le Kenya. Ainsi, cette attaque semble être un message adressé [par les djihadistes] à tout le pays.
La communauté chrétienne a-t-elle peur ?
Photo : Le Pays, « Les shebabs s’illustrent par leur lâcheté »En effet, et notamment à cause des récits qui ont circulé peu de temps après l’attentat, qui rapportaient que les premiers à être assassinés n’étaient que des chrétiens. La tension monte. Les pasteurs [NdlR : 83% de la population est actuellement chrétienne, dont 38% de protestants de diverses Églises et 33% de catholiques] et les évêques ont demandé au gouvernement de prendre des mesures afin de protéger non seulement les lieux, mais aussi les chrétiens. La tension va continuer à augmenter, en particulier dans les prochaines semaines.
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