Détente. “Après avoir été ordonné prêtre, nombreux sont ceux qui me demandent comment m’appeler… Il est certain que cette question épineuse peut parfois poser un certain nombre de problèmes.
Tenez, par exemple : tandis que je me promenais dans la riante campagne bretonne, je vis qu’un couvent organisait des portes ouvertes. À l’instant même où j’entrai, je vis Monseigneur l’évêque entrer en compagnie de la Mère Saydesse. J’eus la surprise de voir que le Père Méable facilitait l’entrée d’ordinaire tenue bien close par le Père Sohn. Entré dans le parc où régnait un parfum rappelant l’antique Eden, je me dis que l’entretien du jardin ne pouvait être que l’œuvre du Père Vanche. Je m’en ouvris au Père Plaix qui me dit qu’il s’agissait plutôt de l’abbé Gonia, qu’il avait vu discuter avec le Père Syl, préposé au potager. Il faisait très chaud ce jour-là, et la Mère Cantile vendait une limonade bien trop chère à mon goût. Me voyant, la doyenne du couvent d’à côté, la Mère Hovain-Gienne, me proposa d’aller voir le Père Naud qui tenait un stand un peu plus loin. Tandis que je me dirigeais vers cet oasis anisé, j’entendis la cloche de la vénérable église conventuelle sonner vêpres. J’entrai alors, mais j’ouïs une véritable cacophonie à l’orgue : l’abbé Mohl et l’abbé Quart se querellaient sur une question obscure de dièse à la clé. En avançant dans l’allée centrale, je vis que le Père Turbateur appuyait tantôt les arguments de l’un, tantôt ceux de l’autre, invoquant l’autorité de Saint Phony, patron des musiciens. La situation était assez cocasse, et je me mis à rire avec le Père Pendiculair, littéralement plié en deux. Alors intervint le Père Sécuteur. Le visage empourpré, il sépara les deux musiciens, et confia la musique à l’abbé Thoven, qui avait cet avantage d’être sourd à ce genre d’arguments. Les vêpres purent commencer. Les antiennes, chantées par le Père Cyfleur montaient vers le ciel avec l’encens du Père Lin Pinpain. Monseigneur prêcha fort bien et fort longtemps, mais l’abbé Rhassion, qui avait des options théologiques divergentes, se chamaillait avec l’abbé Liqueux. À l’issue du sermon brillant de notre Pasteur, le Père Cepteur fit la quête, mais il faisait si chaud que notre évêque se sentit mal et dût être conduit à la sacristie. L’abbé Nittier donna alors la bénédiction. Nous sûmes ensuite qu’il y avait eu plus de peur que de mal et que l’évêque se remettait grâce aux bons soins du Père Hidural, prêtre basque qui longtemps avait travaillé dans une maternité. Après l’office, je pris congé du couvent en saluant la sœur Thy, résistant à la tasse de café que me proposait le Père Kohlater.
Pour ce qui regarde la façon de m’appeler, nous en parlerons sur le parvis après la messe.”