Pierre Albaldejo, ancien joueur international de rugby et commentateur pour la télévision et sur Europe 1, a été surnommé « Monsieur drop » pour son remarquable jeu au pied. Il livre ses impressions sur le XV tricolore aux Nouvelles de France.
Pourquoi les joueurs de rugby font-ils des haies d’honneurs à leurs adversaires à la fin de chaque match ?
Le foot est un sport d’artiste où le contact est une faute. Le rugby est un sport de contact au contraire. C’est peut-être le sport de contact le plus dur au monde. Je suis allé voir le football américain, ça n’a rien à voir. Là bas, les joueurs sont protégés alors que nous on joue le cœur plein le maillot. Alors les haies d’honneur que les joueurs font à leurs adversaires n’est-ce pas exemplaire ? Ils le font car ils se respectent. Dans le rugby, on s’engage, on se flanque des caramels, on se plaque comme ce n’est pas permis et on s’estime pour ça. C’est d’ailleurs beaucoup plus loyal que cela n’était il y a 50 ans ou même 30 ans. A l’époque où je jouais, nous étions sournois et nous n’hésitions pas à nous mettre des coups sur la tête dans les regroupements. Aujourd’hui les garçons qui jouent au rugby sont bien éduqués. Au passage, l’équipe de France a été la moins sanctionnée de la coupe du monde.
Vous sentez une différence entre le football et le rugby au niveau des valeurs ?
Le rugby est un sport d’éducation, un sport de droiture où mes petits peuvent mettre les grands sur le c…. Les 400 000 licenciés qui sont passés par les écoles de rugby se souviennent de tout ce que les éducateurs ont pu leur apporter. Le football devient trop grisant avec tout cet argent.
Ne manque-t-il pas au XV de France un grand buteur à la Wilkinson ou à la O’Gara ?
Parra et Yachvili ont réalisé un superbe travail à l’occasion de cette coupe du monde. Ils sont appliqués. Moi quand j’étais buteur, je ne m’entrainais jamais ou alors un quart d’heure après l’entrainement grand maximum. Aujourd’hui les buteurs s’entraînent 1 heure par jour tout seul, ce sont des professionnels. Moi quand je tentais un drop je ne réfléchissais pas. Quand le joueur m’arrivait du côté droit, je tirais du côté gauche et quand il arrivait du côté droit, je tirais avec le pied gauche. Après je lisais le lendemain matin dans les journaux que j’avais tiré deux drops du pied gauche mais je ne m’en souvenais même pas.
Voici une anecdote: j’ai connu Wilkinson quand il avait 19 ans. Un matin de match où je commentais, j’allais à Twickenham chercher mon accréditation. Un anglais m’a dit « viens voir ce joueur ». Je l’ai regardé botter et quant l’entraîneur m’a vu il, m’a viré, il avait peur que j’aille tout raconter au XV de France. Ce jour-là, j’ai vu ce jeune joueur de 19 ans qui avait une concentration intense, une manière très particulière de se poser, j’avais vraiment découvert un style.
Lire aussi la première partie de l’entretien :
> Pierre Albaldejo : « l’exploit de cette coupe du monde, c’était la finale, même si nous ne l’avons pas gagnée » (1/2)