Roumanie : mobilisation de la minorité hongroise contre le projet de redécoupage des régions et pour l’autonomie du «Pays sicule»

Dimanche 27 octobre 2013 ont eu lieu de nombreuses manifestations, en Transylvanie et ailleurs, pour demander l’autonomie du « Pays sicule » (Székelyföld en hongrois, Ținutul Secuiesc en roumain, Szeklerland en anglais), une région montagneuse située au cœur de la Roumanie et peuplée par une très grande majorité de Hongrois (les Sicules constituent un groupe particulier au sein de la nation hongroise ; ils jouissaient historiquement de libertés fiscales importantes au sein du Royaume de Hongrie en contrepartie du sang versé par leur fonction de garde-frontière).

Il s’agissait également et surtout pour les Sicules de protester contre le projet de redécoupage administratif des régions de Roumanie de telle sorte que plus aucune région ne compterait de majorité hongroise (un découpage administratif similaire a été réalisé en Slovaquie). La tension est vive depuis plusieurs mois et la volonté des autorités roumaines d’interdire l’usage du drapeau sicule sur les bâtiments publics en Roumanie, ce qui avait fait réagir les autorités hongroises qui l’ont hissé sur le Parlement de Budapest.

Le drapeau sicule sur le Parlement de Budapest

Les Hongrois en Roumanie : au cœur de la Roumanie, en foncé, le Pays Sicule

Brève remise en contexte : à la suite de la Première Guerre mondiale, l’empire des Habsbourg a été morcelé en de nombreux États. La Hongrie – autonome au sein de l’empire Habsbourg depuis 1867 – a été amputée par le Traité de Trianon (4 juin 1920) de plus des deux tiers de son territoire, le bassin des Carpathes, conquis à la fin du 9ème par les tribus magyares. Le tracé des frontières de Trianon a non seulement retiré à la Hongrie des territoires sur lesquels vivaient des minorités non-magyares, mais également des territoires (souvent adjacents aux nouvelles frontières) peuplés très majoritairement de Hongrois. Il a résulté de cette situation une blessure qui n’est toujours pas guérie chez beaucoup de Hongrois, un révisionnisme et un irrédentisme extrêmement vivace dans la Hongrie de l’entre-deux-guerres, et la présence de nombreuses minorités hongroises dans les pays voisins de la Hongrie. Le vote en 2010 par le gouvernement de Viktor Orbán d’une loi de restitution de la citoyenneté hongroise aux minorités hongroises des pays limitrophes s’inscrit dans cette volonté de surmonter le traumatisme de Trianon.

Minorités hongroises de nos jours (jaune entre 10 et 50% ; violet + de 50% de Hongrois)

Pour s’opposer au projet de redécoupage administratif de la Roumanie, le Conseil National Sicule (Székely Nemzeti Tanács) a organisé une grande marche de près de 50 kilomètres au travers du pays sicule.

Le parti nationaliste Jobbik a très activement soutenu les manifestations, puisque son président Gábor Vona – tout juste investi par son parti comme candidat au poste de Premier ministre pour les élections du printemps 2014 – s’est rendu en personne avec une importante délégation à Kézdivásárhely / Târgu Secuiesc.

Gábor Vona à Kézdivásárhely

L’enjeu politique et électoral de la question des minorités hongroises s’est considérablement accru en Hongrie puisqu’avec l’acquisition de la citoyenneté hongroise, les minorités hongroises auront désormais la possibilité de voter aux élections législatives en Hongrie. Lorsque l’on sait que la Hongrie est peuplée de 10 millions d’habitants et qu’il y a approximativement 2 millions de Hongrois dans les pays limitrophes, on comprend aisément que ce potentiel électoral (très favorable au Fidesz) n’est absolument pas négligeable.

Soutien de Hongrie et d’ailleurs

À Budapest, une manifestation de soutien était organisée par le Forum d’Union Civile (Civil Összefogás Fórum), proche du Fidesz de Viktor Orbán, et a rassemblé près de 10 000 personnes.

Budapest

Les minorités hongroises de Serbie et de Slovaquie se sont également mobilisées, avec un rassemblement organisé par le Magyar Remény Mozgalom (www.mrm.rs) à Bačka Topola (Voïvodine ; Serbie) et une action devant l’ambassade de Roumanie à Bratislava, où des étudiants de la minorité hongroise de Slovaquie ont formé avec des bougies un drapeau sicule qu’ils ont allumé (avant que la police slovaque ne vienne les tracasser).

Bačka Topola

Bratislava

Dans d’autres villes d’Europe, des rassemblements de soutien ont été organisés par la diaspora hongroise, notamment en Allemagne ou aux États-Unis.

Un rassemblement à Stuttgart (Allemagne)

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47 Comments

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  • Aimegeaielle , 2 novembre 2013 @ 10 h 55 min

    Grave erreur : la continuité entre le peuple dace et le peuple roumain est prouvée par l’archéologie.
    Par ailleurs le fait d’avoir envahi et conquis une région par les armes ne doit pas faire oublier qu’il y avait des habitants autochtones et légitimes avant ; demandez en effet à des Berbères d’Afrique du nord, ou à des Coptes chrétiens d’Egypte s’ils ne pensent pas que les Arabes sont des envahisseurs et des occupants, et qu’ils sont depuis colonisés, brimés, opprimés, discriminés et persécutés. Ils n’ont qu’une seule expression : “l’invasion arabo-musulmane” !

  • Aimegeaielle , 2 novembre 2013 @ 11 h 26 min

    Ceaucescu est “le très cher camarade” de qui ? admiré par qui ? C’est à moi que vous vous adressez ?? Le fait que nous ne soyons pas d’accord sur l’histoire et sur la géopolitique ne vous donne aucunement le droit de m’insulter gratuitement sans me connaître, et de douter de mon anti-communisme. Je suis plus anti-communiste que vous, cher monsieur. Rien dans mon post n’est favorable à Ceaucescu. Je dis seulement qu’il est faux que les Hongrois ont été plus brimés par lui que les Roumains, c’est une forgerie. Ils ont au contraire beaucoup collaboré avec le régime communiste qui les a largement favorisés, c’est un fait même s’il est aujourd’hui camouflé par les Hongrois.
    Vous mélangez tout : ce qui a été totalement interdit par Ceaucescu, c’est la confession gréco-catholique qui ne concerne QUE les Roumains de Transylvanie. AUCUN Hongrois de Transylvanie n’était et n’est gréco-catholique (catholique de rite byzantin) ; ils sont TOUS romano-catholiques, c’est-à-dire catholiques de rite latin, ou protestants. Or la confession romano-catholique n’était pas interdite sous Ceaucescu, elle était, comme les autres, tolérée à condition de discrétion et de docilité. Les romano-catholiques ont été autant et pas plus persécutés par Ceaucescu que les orthodoxes et les protestants.

  • MCS , 2 novembre 2013 @ 12 h 14 min

    Notez que le peuple dit roumain est très très récent … Vérifiez dans des livres d’histoire non roumains. Ce n’est pas quelques paysans dans des montagnes désertiques qui font un peuple.

  • MCS , 2 novembre 2013 @ 13 h 51 min

    Merci de me tendre la perche. Je parle de l’université Bolyai du nom d’un grand et célèbre mathématicien hongrois et de l’université crée à Kolosvar appelée Cluj aujourd’hui,enseignement purement en hongrois à sa fondation hongroise évidemment. Ceauscecu interdit l’usage de la langue hongroise dans cette université. Je dois dire que la renommer Babès-Bolyai est une autre manière de se l’approprier sous couvert d(une romanisation.

  • MCS , 2 novembre 2013 @ 13 h 58 min

    Ils ont tellement “pactisés” comme vous dites avec le régime comuniste roumain que Imre Nagy après la révolution de 56 a été livrés par les soviétiques aux roumains et assassiné (c’est à dire exécuté sommairement) sur le territoire roumain.

  • MCS , 2 novembre 2013 @ 14 h 02 min

    Cela m’étonnerait que les hongrois aient été “contre”. Vous savez,l’intégration dans l’UE des pays limitrophes a été la meilleure chose qui puisse arriver aux env.. 5.000.000 de hongrois détachés de la mère patrie,avec l’ouverture de Schengen et la libre circulation. Restent nos Ukrainiens (200.000) qui attendent tjrs.

  • MCS , 2 novembre 2013 @ 14 h 10 min

    La langue des Sicules est apparentée au vieil hongrois et est finno ougrienne comme le finnois et le hongrois. n’oubliez pas que même les différentes tribus hongroises ont fait une incursions en Europe aux alentours du ? 5 ième siècle,certains remontant vers le nord pour devenir les finnois d’aujourd’hui.
    Nous avons aussiet sachez une fois pour toute que les hongrois(y compris ceux de la région Székely) sont ‘finno -ougriens ‘ et ne revendiquent aucune origine latine.

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