Pédophilie : l’Église polonaise sur le banc des accusés

L’église de la Sainte-Croix à Varsovie

L’Église polonaise avait été jusqu’ici plutôt épargnée par les affaires pédophiles qui ont secoué il y a quelques années l’Église catholique aux États-Unis et en Irlande, mais les scandales qui ont éclaté ces deux derniers mois sont venus montrer qu’elle n’est pas totalement à l’abri des agissements de prêtres déviants, du manque de réaction appropriée de la part de certains évêques et du deux poids deux mesures des médias dominants.

Un missionnaire et un archevêque polonais accusés en République dominicaine

C’est en fait par la République dominicaine que le scandale est d’abord arrivé, avec l’histoire d’un archevêque polonais, nonce apostolique dans cet État des Caraïbes, suspendu de ses fonctions par le pape François après un reportage d’une télévision locale le montrant en train de se promener en civil dans un quartier connu pour la prostitution de mineurs. Les journalistes ont également interrogé des gens qui affirmaient que le nonce était un client régulier des bars du quartier. Si Mgr Józef Wesołowski n’a pas été filmé avec des prostitué(e)s mineur(e)s ni même accusé par qui que ce soit de détournement de mineur ou d’actes pédophiles, la procédure mise en place par le Vatican pour prévenir les problèmes rencontrés dans le passé imposait de rappeler l’évêque jusqu’à ce que cette affaire soit tirée au clair.

Plus graves encore sont les accusations portées contre un missionnaire polonais en République dominicaine : le père Gil, prêtre michaëlite, est accusé par trois enfants et par les autorités dominicaines d’actes pédophiles avec violences sur les enfants qu’il était censé aider. Outre les accusations, une perquisition réalisée à son domicile en République dominicaine aurait permis de trouver sur son ordinateur de nombreuses photos à caractère pédophile et également une arme à feu détenue sans permis. Cette perquisition a eu lieu alors que le père Gil se trouvait en vacances en Pologne. Recherché par Interpol, le père Gil a pour le moment choisi de rester dans son pays qui n’a pas d’accord d’extradition avec la République dominicaine. Il rejette les accusations en bloc et affirme qu’il s’agit d’un coup monté motivé par le fait que son activité de missionnaire gênerait les trafiquants de drogue locaux. Le père Gil affirme avoir reçu des menaces de gens qui lui auraient dit qu’ils allaient le détruire. Le parquet polonais n’ayant pas encore reçu les preuves que les autorités dominicaines disent détenir, le père Gil a simplement été informé des accusations portées contre lui. Son ordre religieux l’a toutefois suspendu lui aussi en attendant de voir si les accusations étaient confirmées ou levées. Les médias l’ont eux déjà condamné et, même s’il s’avérait innocent, le père Gil ne pourra plus, de son propre avis, continuer à vivre en République dominicaine ou en Pologne.

L’attitude désinvolte d’une partie de la hiérarchie ecclésiastique polonaise

Si dans ces deux cas l’Église polonaise n’est pas en cause en tant qu’institution, deux autres affaires dévoilées récemment par les médias ont au contraire montré qu’une partie de la hiérarchie ecclésiastique au pays de Jean-Paul II n’a toujours pas compris les consignes très strictes délivrées pour ce genre de cas par le pape polonais et par son successeur Benoît XVI. La première affaire, c’est celle d’un curé de Tarchomin, dans le diocèse de Varsovie-Praga, condamné en mars dernier pour des faits commis sur un jeune adolescent servant d’autel il y a 12 ans. Ce qui désole et scandalise à la fois, c’est la réaction de l’évêché lorsque des journalistes ont demandé comment il se faisait qu’un curé condamné pour harcèlement sexuel sur mineur puisse être resté encore de longs mois en exercice alors que les accusations étaient connues et, pire encore, après sa condamnation en première instance à un an de prison avec sursis pour « autres actes sexuels » sur un mineur de moins de 15 ans. En substance, il a été expliqué aux journalistes que les faits remontaient à 12 ans et qu’il n’y avait eu depuis aucun « signal » permettant de penser que le curé pouvait vouloir récidiver. Quant à la condamnation de mars, elle n’était pas encore définitive puisque le curé avait fait appel. Le curé n’a finalement été suspendu qu’une fois sa condamnation devenue définitive !

C’est une dénonciation du psychologue de la victime qui avait permis d’engager des poursuites contre le délinquant sexuel en soutane.

Une autre affaire du même type est venue ternir l’image de l’Église dans la région de Wrocław lorsque la presse a dévoilé l’histoire d’un curé condamné à un an de prison avec sursis en 2003 pour des attouchements sur un mineur. Ce curé avait été réaffecté à une paroisse par son évêque une fois la période de sursis écoulée, ce qui est aussi une violation manifeste des règles mises en place par l’Église. Ce sont les paroissiens qui ont écrit directement au Vatican pour demander la suspension du religieux.

Les amalgames et le deux poids deux mesures des médias

Si les médias parlent souvent de pédophilie dans toutes les affaires où les victimes sont des mineurs, surtout lorsque les agresseurs sont des prêtres, la loi polonaise ne considère qu’il y a acte pédophile que lorsque les victimes ont moins de 15 ans et les condamnations sont moins lourdes dans les affaires de détournement de mineur et de harcèlement sexuel contre des victimes de 15 ans ou plus. Les contacts sexuels avec des enfants de moins de 15 ans sont passibles de 12 ans de prison et il y a eu en Pologne l’année dernière 614 condamnations prononcées par les tribunaux pour des actes pédophiles. Près d’un tiers des condamnés avaient entre 17 et 21 ans au moment des faits et d’une manière générale les délits sont commis le plus souvent dans le cadre familial mais également dans tous les lieux où les enfants côtoient des adultes : écoles, clubs sportifs, camps de vacances, etc. Les médias parlent rarement de ces cas, à quelques exceptions près comme le cas il y a quelques années d’un psychologue célèbre en Pologne, auteur d’ouvrages de référence, Andrzej Samson, condamné en 2004 pour les actes pédophiles commis sur ses jeunes patients, ou encore le chef de chœur d’une chorale de garçons renommée, « Les Rossignols de Poznań », condamné en 2003 à 8 ans de prison pour sexe anal et oral avec des garçons de moins de 15 ans.

Deux affaires dévoilées à peu près en même temps mettent à nu la double attitude des journalistes suivant que les accusations concernent des prêtres ou d’autres professions où les adultes sont en contact avec des enfants. D’un côté la télévision publique polonaise nous informait la semaine dernière qu’un ancien prêtre avait eu un enfant avec une adolescente de 14 ans. Les médias ont immédiatement repris l’information en présentant cet ancien religieux comme un prêtre pédophile de plus et en oubliant de préciser qu’il avait quitté le sacerdoce. Parallèlement, la même semaine, des journaux révélaient l’histoire d’une enseignante ayant accouché d’un enfant conçu avec son élève de 14 ans, et les titres évoquent majoritairement une aventure, soulignant le caractère romantique de la situation.

Inversement, quand des prêtres sont en cause, certains médias vont même jusqu’à voir la pédophilie là où il n’y en a pas. Ainsi, des photos d’un bizutage stupide, mais ne sortant pas de la norme des bizutages en Pologne ni même du cadre de la loi, ont été présentées à l’automne dernier par certains médias polonais et étrangers comme une affaire pédophile pour la simple raison que le bizuteur était un prêtre et les bizutés les élèves d’un collège salésien de Lublin. Ces derniers ont eu beau déclarer devant les caméras de télévision qu’il n’y avait eu aucun acte à caractère sexuel et que personne n’était forcé de passer les « épreuves » du bizutage, suppliant les médias de cesser leurs attaques contre leur école, et le parquet polonais a eu beau renoncer à toute poursuite contre le père directeur de l’école en raison de l’absence de délit, les journalistes étaient trop heureux de tenir enfin le prêtre pédophile qu’ils recherchaient depuis des années et ils se souciaient bien peu du tort qu’ils causaient eux-mêmes aux jeunes collégiens.

Comment l’Église réagit-elle ?

Le fait est que les accusations à l’encontre d’hommes d’Église restent très rares par rapport aux quelque cinq mille mineurs victimes d’agressions sexuelles chaque année en Pologne. Mais ce qui inquiète aujourd’hui, c’est la capacité des évêques polonais à se conformer aux instructions du Vatican désormais très strictes et très claires et à ne pas exposer les enfants et adolescents à des déviants sexuels connus ou présumés dans un souci d’étouffer le scandale comme c’est déjà arrivé dans d’autres pays, notamment aux États-Unis et en Irlande.

Rappelons aussi que les agressions sexuelles contre des mineurs par des hommes en soutane sont souvent le fait d’homosexuels. Ce n’est pas accuser tous les homosexuels que de le dire, comme dénoncer les crimes et délits sexuels commis par des prêtres ne doit pas se transformer en accusation portée à l’encontre de l’ensemble de l’Église. Dans le cas américain, une étude réalisée par le John Jay College of Criminal Justice (1) après les scandales qui ont secoué l’Église, portant sur toutes les accusations d’agressions sexuelles sur mineurs formulées contre des membres du clergé catholique entre 1950 et 2002, a montré que dans plus de 80% des cas les victimes étaient, comme leur agresseur, de sexe masculin et que dans une majorité de cas il s’agissait d’adolescents. C’est la raison pour laquelle l’Église n’accepte plus les homosexuels dans les séminaires et les ordres religieux même lorsque les candidats font vœu de chasteté.

De son côté, la Conférence des Évêques polonais a exprimé ses profonds regrets pour les affaires décrites plus haut, affirmant vouloir appliquer avec rigueur les règles de l’Église qui prévoient de suspendre immédiatement tout religieux accusé ou soupçonné d’acte sexuel sur des mineurs (ce qui ne présume pas de sa culpabilité ou de son innocence), de collaborer pleinement avec les autorités pour favoriser la recherche de la vérité et de venir en aide aux victimes présumées. Parallèlement, les évêques polonais ont rappelé que la pédophilie est un problème de la société tout entière et pas seulement de l’Église, et qu’il faut aussi s’interroger sur la fragilisation des enfants et des adolescents dans un contexte de désintégration de la famille, sur la responsabilité des médias où le sexe est omniprésent et sur le rôle destructeur de la pornographie. Mais beaucoup de médias ont préféré ne s’intéresser qu’à une unique phrase extrêmement maladroite prononcée par Mgr Michalik, président de la conférence des évêques polonais, et interprétée comme faisant porter une partie de la responsabilité aux victimes. Une phrase de trop pour laquelle l’évêque a très rapidement présenté ses excuses et qui ne reflète pas, contrairement à ce qu’ont pu en dire certains journaux français, la position de l’Église polonaise.

1. The Nature and Scope of Sexual Abuse of Minors by Catholic Priests and Deacons in the United States 1950-2002, The John Jay College of Criminal Justice, The City University of New York, février 2004

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33 Comments

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  • 0 / 10
  • Djahiz , 31 octobre 2013 @ 11 h 22 min

    dignes, pas *digne, désolé.

  • remigius , 1 novembre 2013 @ 17 h 56 min

    Fatima, vous avez dit, propatria ? Désolé, je respecte ceux qui y croient ; mais il ne faut pas oublier que c’est quand même la plus énorme supercherie “mariale” jamais créée. Jésus a annoncé dans son Évangile beaucoup de choses qui nous arrivent aujourd’hui. Et il avait aussi annoncé les “faux prophètes”, et demande instamment de veiller et prier. Cela devrait nous suffire.

  • Robert , 3 novembre 2013 @ 17 h 39 min

    Charles,
    Prouvez vous-même vos assertions.
    On trouve ce genre d’arguments sur les sites sédévacantistes.
    C’est un grand moment de délire pour ceux qui ont du temps à perdre.

  • Robert , 3 novembre 2013 @ 17 h 48 min

    Marie,
    D’accord avec vous, j’en témoigne.
    De plus, “l’hérésie”, mais il faut être catholique pour le savoir, n’est pas du domaine de la faiblesse humaine, mais des erreurs dans la doctrine.
    J’apprécie toujours quand certains prétendent nous donner des leçons concernant notre religion.
    Les rabbins et les imams sont très touchés par la pédophilie, affaires encore aujourd’hui très souvent étouffées y compris par les médias et les politiques, mais ne connaissent pas la chasteté, alors pourquoi ?
    Ah, c’est pas bien, faut pas le dire !
    Pourquoi seule l’Eglise, malgré ses faiblesses et ses incohérences dans ces affaires, est la seule institution au monde à regarder son problème du clergé avec la pédophilie?
    Parlons du clergé, si on peut dire, juif ou musulman et même protestant.
    Rien à dire ?

  • hermeneias , 3 novembre 2013 @ 18 h 56 min

    Si Me M

    C’est énorme . Les journalistes , voix de leurs maitres , et leurs maitres , les politiques et les officines où ces gens se rencontrent seront tous à juger avec repentance publique pieds nus avec le sac et la cendre.

    Les religieux ont le droit et le devoir d’aller partout et chez tout le monde , chez les prostituées etc ….comme le Christ , par exemple , même au risque de s’y perdre…
    Cela a toujours été . Le problème est qu’aujourd’hui une certaine Eglise semble ne plus se battre contre un certain esprit du monde , accusateur , persifleur , menteur et tentateur….et même en nier l’existence.

    Ceci dit la prudence serait d’y aller accompagné

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