La Cour suprême dirige l’Amérique vers le «mariage» gay

Le mariage gay gagne du terrain grâce aux tribunaux : hier, la Cour Suprême a invalidé la Loi fédérale, dite « Doma », définissant le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. Le juge Scalia s’est fait remarquer pour son opposition à la décision de la Cour. La plus haute juridiction américaine a aussi débouté les pétitionnaires de la « Proposition 8 » qui avait annulé le mariage gay en Californie.

Par Emmanuel Arthault — Dans deux décisions distinctes, toutes deux tranchées à cinq juges contre quatre, la Cour Suprême a facilité la cause des mouvements LGBT. La guerre culturelle a investi, une nouvelle fois aux Etats-Unis, le pouvoir judiciaire.

United States v. Windsor : 

Dans une première décision, la plus haute juridiction américaine a permis aux homosexuels légalement mariés dans l’un des 13 Etats fédérés autorisant de telles unions d’obtenir les mêmes droits que les couples hétérosexuels. En pratique, ces couples pourront bénéficier des aides et avantages fiscaux fédéraux alloués aux familles. En l’espèce, une veuve homosexuelle de New York, Edith Windsor, qui avait épousé Thea Spier au Canada, avait porté l’affaire devant la Cour, réclamant que le Defense of Marriage Act soit invalidé. Cette octogénaire avait dû s’acquitter de 363.000$ de droits de succession à la mort de son épouse, ne pouvant bénéficier du même régime fiscal que le dernier survivant d’un couple hétérosexuel. Elle réclamait ainsi un remboursement à l’IRS, le fisc américain.

La fureur du juge Scalia

La décision a été lue par le juge Anthony Kennedy. Pourtant nommé par Ronald Reagan, celui-ci a basculé du côté des quatre juges progressistes. Le président de la haute Cour John Roberts et ses trois autres collègues conservateurs ont voté contre. Pour Kennedy, DOMA violait le 5ème Amendement à la Constitution [1] et la Due process clause : DOMA a donc été jugée anticonstitutionnelle, considérée comme une privation de l’accès à la liberté des personnes. Plus encore, le juge a estimé que la loi était sous-tendue par un « désir de [faire du mal aux couples homosexuels mariés] », de les « avilir », de les considérer « indignes » d’une reconnaissance fédérale et « d’humilier » leurs enfants.

Le juge Scalia a admonesté ses confrères progressistes : « Gardez à l’esprit que le but de cette terrible condamnation n’est pas une législature ou un gouverneur plongé dans les ténèbres de l’ignorance », a t-il dit, faisant référence à la posture moralisatrice des progressistes, « mais nos branches coordonnées et respectées, le Congrès et la présidence des Etats-Unis ». « C’est une chose pour une société de choisir le changement » a t-il déclaré, renvoyant à l’élection de Barack Obama, « c’en est une autre d’imposer le changement en déclarant ses opposants hostes humani generis, ennemis de l’espèce humaine ».

Il s’est en outre inquiété du militantisme des juges : « affirmer de telles accusations affaiblit avec nonchalance cette institution« . «Jeter de telles accusations (…) devrait exiger la preuve la plus solide [extraordinary], et j’aurais pensé que tous les efforts seraient faits pour livrer une explication plus anodine de cette loiL’opinion de la majorité fait l’opposé [maintenant le lecteur dans l’ignorance], ne mentionnant jamais les arguments qui existent pour justifier [DOMA] » a t-il poursuivi.

Bien entendu, la Cour ne s’est pas prononcée sur la nécessité de légaliser le mariage. Aux yeux de Scalia, la plus haute juridiction américaine outrepasse ses prérogatives en se prononçant sur le sujet. Une telle décision devrait selon lui être prise par les électeurs.

Hollingsworth v. Perry : « Prop 8 »  brisée

Le deuxième recours portait sur la Proposition 8 en Californie. En 2008, le mariage homosexuel avait été brièvement autorisé par la Cour Suprême de l’Etat, avant que les opposants, par leur droit d’initiative (démocratie semi-directe) ne parviennent à reverser cette décision, à 52,2% des suffrages, inscrivant ainsi l’union d’un homme et d’une femme dans la constitution de l’Etat.

Un couple lesbien de Californie, Kristin Perry et Sandra Stier, qui ont aujourd’hui quatre fils, et un couple gay, Katami et Jeffrey Zarillo, qui n’avaient pu se marier à la suite du vote de la Proposition 8, intervinrent pour remettre en cause cette nouvelle norme. L’administration californienne refusant de défendre celle-ci, les pétitionnaires choisirent de le faire, en lieu et place de l’Etat fédéré. En 2010, la proposition a été jugée inconstitutionnelle par la Cour fédérale de San Francisco et les pétitionnaires firent alors appel. Or, la question sur laquelle la Cour Suprême s’est aujourd’hui prononcée est autre : les pétitionnaires avaient-ils capacité et intérêt pour agir devant la Cour Suprême afin de défendre la constitutionnalité de la loi dont ils étaient à l’origine ? Pouvaient-ils être les agentsdu peuple californien devant la plus haute juridiction américaine ?

La Cour Suprême a répondu par la négative, estimant que leur intérêt à agir était trop général, au regard des jurisprudences antérieures — qui définissent celui-ci comme un préjudice concret et particulier. Ainsi a t-elle considéré que les pétitionnaires peuvent, en vertu de la Constitution californienne, agir en lieu et place de l’État devant les tribunaux californiens. Il en est tout autre devant les juridictions fédérales, appliquant les lois fédérales.

Cette fois, le juge Scalia s’est rangé parmi la majorité et le juge Kennedy a exprimé un avis divergent — accompagné des juges Thomas, Alito et Sotomayor. La majorité a refusé de se prononcer sur le mariage gayper se, renvoyant le problème à l’Etat californien, dans l’attente d’un nouveau jugement de la justice inférieure (fédérée), qui sera sans aucun doute favorable à la cause progressiste.

En définitive, les jugements de la Cour Suprême ouvrent la porte à toutes sortes de plaintes. Le Professeur Hadley Arkes s’est offusqué de la charge du juge Kennedy, dans « l’affaire DOMA », visant explicitement les 85 sénateurs ayant voté cette loi. Avec un tel argumentaire de la part de la Cour Suprême, il sera désormais aisé de briser toute loi promouvant le mariage entre un homme et une femme dans les tribunaux. Ces plaintes seront rendues plus faciles grâce au second jugement, relatif à la « Prop 8 » : désormais, les citoyens des Etats opposés au mariage gay ne pourront plus se constituer partie civile : « avec une telle combinaison, n’importe quel gouverneur libéral peut virtuellement défaire tout amendement à la Constitution relatif au mariage dans son Etat » : en effet, si le gouverneur en question refuse de défendre un amendement, celui-ci sera abrogé par les tribunaux.

Les opposants n’ont ainsi plus qu’une alternative : parvenir à inscrire dans la Constitution fédérale l’union d’un homme et d’une femme.

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1. « Nul ne sera tenu de répondre d’un crime capital ou infamant sans un acte de mise en accusation, spontané ou provoqué, d’un Grand Jury, sauf en cas de crimes commis pendant que l’accusé servait dans les forces terrestres ou navales, ou dans la milice, en temps de guerre ou de danger public ; nul ne pourra pour le même délit être deux fois menacé dans sa vie ou dans son corps ; nul ne pourra, dans une affaire criminelle, être obligé de témoigner contre lui-même, ni être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière ; nulle propriété privée ne pourra être réquisitionnée dans l’intérêt public sans une juste indemnité. »

Cet article est publié en partenariat avec Le Bulletin d’Amérique.

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15 Comments

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  • 0 / 10
  • hermeneias , 28 juin 2013 @ 15 h 29 min

    Marius

    Merci de nous ressortir la grosse tarte à la crème bien niaise et bien lourde du relativisme le plus plat qui est le degré zéro de la pensée.
    Merci car vous mettez bien en évidence les ultimes conséquences de la destruction , déconstruction , de notre culture splendide et laborieusement construite par nos “pères” et mères . Vous mettez en évidence , bien involontairement , les conséquences de la destruction de siècles d’art , de science et de pensée , bref de civilisation selon laquelle il existe un vrai et un faux , un bien et un mal….et qu’il faut défendre l’un et combattre l’autre .

    Le politique est en charge du bien commun et la famille relève du bien individuel et commun dans la mesure où elle forme une “communauté” et “élève” des enfants.
    De plus vos propos sont contradictoires car puisqu’il existe un mariage civil , le politique ne saurait ériger une déviance en norme….

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