Le romancier et chanteur Jack-Alain Léger s’est donné la mort en se défenestrant cette semaine à l’âge de 66 ans.
Ce n’est pas seulement un écrivain renommé qui disparaît mais aussi un atypique, un anticonformiste discret mais tenace comme on n’en voit plus aujourd’hui. Grand amateur de musique rock, il a écrit plusieurs critiques de disques dont certains seront publiés dans le mensuel Rock and Folk et a même entamé une carrière d’auteur-compositeur dans les années 1960, son premier album, La devanture des ivresses, recevant le grand prix de l’Académie Charles-Cros et le second, Obsolete, demeurant confidentiel. Mais c’est surtout comme romancier qu’il s’est connaître, sa vie privée et ses positionnements se confondant souvent avec son œuvre. À une époque où il vaut mieux être tiède et bêtement consensuel, Jack-Alain Léger détonnait dans le petit monde littéraire français et cultivait ses contradictions. Lui qui avait rendu publique son homosexualité dans Autoportrait au loup paru en 1982 condamnait franchement le militantisme gay et la gay pride. Lui qui avait adopté le point de vue d’un jeune immigré marocain dans Vivre me tue (parution sous le pseudonyme de Paul Smail qui fera scandale au début des années 2000 quand son vrai auteur sera révélé) adapté au cinéma par Jean-Pierre Sinapi, il conspuait sans retenu l’antiracisme et l’apologie de l’immigration. En 2003, à l’occasion de la sortie de Tartuffe fait Ramadan, il ira plus loin en se déclarant islamophobe et refusera de faire la distinction entre islam modéré ou extrémiste. Des déclarations insupportables en cette ère de consensus islamophile. Parmi ses autres œuvres marquantes, signalons également Monsignore, grand succès littéraire paru en 1976 et adapté au cinéma en 1982 par Frank Perry, ou encore Ali Le Magnifique, paru en 2001, inspiré de l’affaire du tueur en série Sid Ahmed Rezala. Il fut également un traducteur de Bob Dylan, Leonard Cohen et J. R. R. Tolkien. À cause de son caractère fantasque, de son individualisme forcené et de son habitude de se fâcher avec tout le monde, il épuisa plusieurs maisons d’édition successives : Balland, Denoël, Flammarion, Gallimard, Grasset et bien d’autres. Atteint depuis son enfance de troubles bipolaires et sujet à des phases de dépression aiguës, il ne parvenait plus à écrire depuis 2009.
Sa maladie l’a malheureusement emporté et nous perdons ainsi sans doute l’un des derniers écrivains audacieux et pamphlétaires dans le vrai sens du terme de notre époque.
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