La semaine dernière, à Ghardaïa, oasis de la région du Mzab avec 100 000 habitants, les confrontations ont duré quatre jours, et des dizaines de familles ont dû fuir leurs quartiers. Deux jeunes mozabites ont été assassinés, faisant monter le nombre des morts de la communauté à 14 depuis le début des événements à la mi-décembre 2013, durant lesquels de jeunes arabes qui contestaient des attributions de logements devant la préfecture avaient bloqué les rues, et s’en étaient pris à des commerces mozabites. Puis, le 26 décembre, des tombes et le mausolée d’une figure mozabite historique avaient été profanés. Depuis lors, les épisodes de violences se multiplient.
Les oasis du Mzab sont la patrie des Mozabites, berbérophones de religion ibadite. Les ibadites sont issus du premier schisme au sein de l’islam: le kharidjisme. Aujourd’hui, ils constituent des communautés berbérophones en Algérie (au Mzab), en Tunisie (à Djerba) et en Libye (au Nefoussa). La dynastie régnante et la majorité de la population de l’Oman sont ibadites. Dans toute l’Algérie, la minorité mozabite compte environ 600 000 âmes, pour 38 millions d’habitants. Longtemps majoritaires à Ghardaïa, ils ne constituent désormais guère plus de la moitié de la population, victimes par conséquent d’un Grand remplacement pour parler comme Renaud Camus. Des populations arabes sunnites se sont installées, notamment la tribu des Chaambas, profitant du dynamisme économique de la région. Les Mozabites étaient déjà considérés par les Français comme les plus travailleurs et entreprenants des musulmans d’Algérie. En Algérie, ils sont doublement minoritaires : Berbères et non Arabes, ibadites et non sunnites.
Si le conflit qui mine Ghardaïa remonte aux discours du FLN stigmatisant la société mozabite dès l’indépendance, il s’est exacerbé, ces derniers temps, réveillant les revendications identitaires d’un peuple qui ne sent plus chez lui. A l’échec des pouvoirs publics à rétablir l’ordre, s’ajoute le sentiment d’impunité des criminels arabes protégés par les représentants de l’Etat sunnite/FLN. Cette impunité qui règne en maître est encouragée par une administration locale laxiste et souvent de connivence avec les réseaux maffieux et les trafiquants de drogue. Alors que les violences ont fait jusque-là 14 victimes, des centaines de blessés et des dégâts matériels considérables, aucun des auteurs de crimes n’a été jugé. “Les criminels en liberté et les innocents emprisonnés”, crient les mozabites.
En ces jours de manifestations ethniques contre les 300 morts arabes de Gaza, vieille cité des Philistins de Goliath, on peut légitimement se demander pourquoi il n’y a pas de protestations de rue contre les 170 000 morts arabes et araméens chrétiens de Syrie et même contre les (seulement) 14 morts berbères du Mzab algérien. En fait on ne se demande rien, car on sait.
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