Chaos dans le Parlement à Budapest ce vendredi matin (21 juin 2013) : depuis plusieurs semaines, la gronde du Jobbik était annoncée concernant la nouvelle loi agraire en Hongrie. Celle-ci – conformément aux directives européennes que les États membres doivent intégrer dans leurs législations nationales – prévoit l’ouverture totale des marchés de l’achat des terres agricoles.
Les parlementaires du Jobbik ont occupé le siège du président du Parlement en déployant une banderole “A magyar föld átjátszása idegeneknek: hazaárulás !” (“La transmission frauduleuse de la terre hongroise au profit des étrangers : haute trahison !”). Ils ont fini par être évacués et exclus du vote, qui a eu lieu et validé la loi.
László Kövér a par ailleurs fait exclure de l’enceinte du parlement l’ensemble des députés du Jobbik et de leurs assistants, qui ne peuvent plus y retourner (y compris dans leurs bureaux). D’autres sanctions pourraient tomber. En attendant, le Jobbik appelle à manifester rue Alkotmány, non loin du Parlement.
Les raisons d’une opposition radicale
La Hongrie, vieille nation de paysans et déjà autrefois réserve agricole de l’Empire Habsbourg, a déjà particulièrement souffert dans ce domaine de son intégration à l’Union Européenne avec la mise en concurrence avec la production agricole d’autres pays bénéficiant de larges subventions de la PAC (en particulier la France, dont les subventions permettent aux agriculteurs de produire moins cher que les agriculteurs hongrois pourtant autrement moins bien rémunérés), et ayant derrière eux des décennies d’investissements dans des équipements agricoles de pointe, tandis que les économies socialistes étaient autrement moins développées.
Ainsi, bien qu’elle dispose de terres agricoles particulièrement fertiles, la Hongrie voit un certain nombre de ses terres inutilisées en raison de situations de concurrence déloyales. Le Jobbik considère que la possibilité pour tout citoyen ou entreprise de l’Union Européenne d’acheter sans restriction des terres agricoles en Hongrie et de les exploiter reviendrait à peu de choses près à réduire la paysannerie hongroise à un état de servage médiéval.
La Hongrie, qui n’a pour ainsi dire quasiment plus d’industrie (par tradition, mais aussi par volonté du Comecom, ou Conseil d’assistance économique mutuelle, qui organisait la vie économique des pays du Pacte de Varsovie sous tutelle soviétique) se verrait ainsi très gravement affaiblie en perdant le contrôle sur son agriculture.
L’autre critique fondamentale sur cette loi agraire concerne ses imprécisions par rapport au modèle agricole voulu et en ce qui concerne l’utilisation des fonds européens. À titre de comparaison, dans les années 1960, la France a fait le choix de développer une agriculture puissante autour du modèle de l’exploitation familiale à responsabilité personnelle, et a accompagné la volonté de développer ce modèle avec la création des SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), qui ont la capacité d’acheter à l’amiable ou de préempter des terrains agricoles au profit des candidats suivant le modèle voulu par le législateur.
L’opposition à cette loi agraire n’a pas fait des mécontents qu’au sein du Jobbik. Elle avait motivé József Ángyán – agronome de profession et député dans le groupe du Fidesz depuis 2006 – à démissionner de son poste de Secrétaire d’État en janvier 2012. Il a d’ailleurs voté contre cette loi et avait annoncé sa démission du Fidesz en cas de vote de la loi.
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