Le College Republicans National Committee est aujourd’hui dirigé par une jeune femme, Alex Smith. Pour mieux reconquérir les jeunes Américains ayant récemment permis l’élection de Barack Obama, celle-ci fonde son action sur un rapport très détaillé de l’opinion de la nouvelle génération.
Par Emmanuel Arthault — Un large sourire, des lèvres aussi rouges que ses ongles et un brushing parfait. Alex Smith, la Présidente du College Republicans National Committee, sait qu’elle n’aura pas de seconde chance pour faire une bonne première impression. Tout juste élue à la tête du CRNC, celle-ci est formelle : les « primovotants » sont aujourd’hui le défi premier du Grand Old Party : « contrairement aux idées reçues, un électeur ayant voté deux fois consécutives pour le même parti lui restera fidèle« .
Les jeunes américains, défi pour le GOP
Elle déduit de cette vision de long terme le rôle décisif de son organisation, qui tâche tant bien que mal de convaincre les jeunes, sur le terrain particulièrement hostile des campus universitaires américains. Tandis que Ronald Reagan avait pu compter sur 59% des voix des électeurs de moins de trente ans, le parti à l’éléphant est aujourd’hui dans une position difficile : Mitt Romney n’est parvenu à séduire que 37% d’entre eux. Aujourd’hui, les jeunes de 18 à 30 ans représentent désormais près d’un cinquième de l’électorat.
C’est ce défi qui a poussé Alex Smith à abandonner l’école de droit pour se présenter à la présidence de son organisation. Après avoir traversé tout le pays durant sa campagne, elle gère maintenant 1800 chapitres et 250 000 membres à travers les cinquante Etats. « Nous laissons beaucoup d’autonomie à nos chapitres. Nous sommes Fédéralistes en somme. » En effet : elle peut être renvoyée du jour au lendemain par les délégués des Etats fédérés — un mode de fonctionnement inconnu des partis en France, aux structures centralisées — et le CRNC fonctionne grâce aux dons de milliers de mécènes, et non par financement public.
Son premier combat ? Les prêts étudiants : aujourd’hui, les emprunts étudiants non remboursés pèsent un milliard de dollars et, depuis le 1er juillet, les taux d’intérêt des prêts étudiants publics ont doublé. « Cela ajoute aux charges auxquelles ils font face, alors que le taux de chômage des jeunes de moins de 29 ans atteint 16,2% aujourd’hui. » Opposée à une telle incertitude arbitraire, elle rappelle que les Représentants républicains à la Chambre ont plaidé pour ajuster le taux d’intérêt à celui du marché.
Elue pour deux ans, Alex Smith est la première femme à occuper ce poste. Parmi ses prédécesseurs, on compte notamment Karl Rove, le stratège de George W. Bush, et Grover Norquist, aujourd’hui à la tête d’une coalition de la société civile libertarienne et conservatrice à Washington. Déjà aussi professionnels que leurs aînés, les dirigeants du CRNC ont commandé et publié en juin un rapport disséquant les opinions de la nouvelle génération à l’égard du parti républicain. Sans surprise, le résultat n’est guère encourageant.
Rhétorique libérale et réalité économique
Le retard de la droite partisane au niveau technologique — notamment sur les réseaux sociaux, — n’est pas compensé par leur image. Par exemple, même si la « génération du millénaire » n’aime guère l’étatisme (72% de celle-ci estime que l’Etat dépense trop), ils n’apprécient pas davantage les grandes multinationales avec lesquelles le G.O.P leur semble acoquiné. Ils ne pensent pas non plus que le parti républicain serait en mesure de réduire le fardeau fiscal des petites et moyennes entreprises. La crise d’image se double d’une crise de confiance. Si Alex Smith refuse de penser que son parti ne s’adresse pas aux jeunes, elle admet que ceux-ci en ont le sentiment.
Au contraire, Obama avait rappelé, durant sa campagne, avoir levé les réglementations empêchant les petits investisseurs d’investir en ligne, permettant ainsi à des sites comme Kickstarter d’émerger et d’aider les start-ups.
Par ailleurs, le rapport note que l’idée de « big government« , ou étatisme, reste peu parlant. Ainsi, « plutôt que de se concentrer sur la réduction de l’Etat omnipotent, les Républicains devraient se concentrer sur les conséquences : la réduction des dépenses, une croissance économique plus forte, réformer les systèmes de pension et sociaux« .
Immigration et mariage gay
Côté problèmes sociétaux, Alex Smith est catégorique : le problème de l’électorat est indissociable de celui de l’immigration. Celle-ci semble craindre que la faiblesse des républicains dans les communautés non blanches est le résultat de leur position face à l’immigration. Le rapport multiplie ainsi les citations de personnes interrogées, souhaitant une différence de traitement entre immigrés illégaux ayant commis des crimes et immigrés illégaux sans histoires.
Jusque-là, la position du G.O.P. était claire, soulignaient la différence entre immigrés entrés légalement et ceux ayant outrepassé la règle de droit — la sacro-sainte « Rule of Law« . Sans plaider pour que les Etats-Unis accordent des papiers à tout immigré, les jeunes du parti souhaiteraient faciliter les démarches administratives et différencier les immigrés illégaux des enfants d’immigrés illégaux.
C’est sur la question mariage gay que les jeunes semblent vouloir se démarquer du parti républicain, notamment chez les indépendants — bien que le sujet leur apparaisse, dans l’ensemble, moins important que l’emploi ou l’économie. Ainsi 44% des Américains de moins de 30 ans estiment que le mariage homosexuel devrait être autorisé à échelle nationale, tandis que 26% pensent que la situation devait être tranchée au niveau local. Enfin, 30% jugent que le mariage devait être défini comme l’union d’un homme et d’une femme. [à lire : La Cour Suprême dirige l’Amérique vers le mariage gay].
Ainsi les jeunes républicains s’orientent-ils pour la « position intermédiaire » [middle ground] : laisser le peuple trancher au niveau fédéré et promouvoir la « diversité » des opinions sur le sujet dans ses rangs. Car « la nouvelle génération n’a guère d’enthousiasme pour une croisade contre le mariage gay« .
Les lecteurs francophones pourront s’étonner des positions pour le moins tempérées d’Alex Smith et de son équipe. Car indéniablement, celle-ci semble éloigner son parti, ostensiblement mais sûrement, du conservatisme que l’on pourrait croire omniprésent au sein du camp républicain. En définitive, la lecture du rapport devrait rappeler aux conservateurs combien les partis sont des machines électorales, faisant primer les tendances de l’opinion sur les principes. Et aux plus optimistes, que l’opinion précède le vote… et ainsi que l’impact sur cette dernière précède la victoire.
Cet article est publié en partenariat avec Le Bulletin d’Amérique.
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