C’est entendu : les gouvernants ne gouvernent plus, ils offrent un spectacle entre cinéma et cirque. Aujourd’hui, on dirait plutôt « cirque », si ce n’était pas vexant pour les artistes qui s’y produisent. Un gouvernant perçoit un problème, une difficulté pour le corps social dont il est responsable. Il en étudie les causes en faisant appel à des experts. Après s’être entouré de conseils, il prend des mesures afin de les résoudre. Les modalités de mise en oeuvre dépendront ensuite du fonctionnement propre des institutions du pays, du décret autoritaire jusqu’à la proposition d’une consultation populaire. Les gens qui s’agitent inutilement sur la scène politique française font toute autre chose. Ils sont mis en difficulté sur un sujet par l’opposition ou plus souvent par la presse et de plus en plus par des mouvements organisés ou non de la société civile. Ils réagissent dans le court terme de la communication, dans la journée pour la presse écrite, dans l’heure pour les médias audiovisuels, notamment les chaînes d’information, et dans la minute pour internet. Ils n’étudient rien, ne trouvent aucune solution à long terme. Ils communiquent. Les gouvernants ne sont plus que des sémaphores qui envoient des signaux, parfois des SOS, dans la panique et l’improvisation. Le détenteur apparent du pouvoir se réduit à n’être qu’un émetteur de symboles. On attend du pouvoir une action efficace. On n’a qu’un geste, parfois maladroit, une parole, de plus en plus souvent mensongère. Au lieu d’apporter un remède réel à la population concernée, le politicien ne pense qu’à mettre du baume au coeur de celui qui l’a interpellé. Au lieu de réformes nécessaires, on n’a plus que des messages ciblés.
Trois exemples parmi beaucoup d’autres nous ont été offerts récemment. La championne de cette nouvelle forme de politique est Madame Taubira. Engluée dans une affaire que l’opposition a habilement transformée en grave dysfonctionnement judiciaire, elle a improvisé une mise en scène maladroite à la sortie du Conseil des ministres, en brandissant un document qui démentait ce qu’elle clamait. Mais, pour effacer le mensonge découvert et infamant, l’image que le public retiendra est celle d’une ministre casquée et habillée de rose, entrant à l’Élysée sur un vélo, entourée de deux gardes du corps cyclistes, précédée de sa voiture, et semble-t-il accompagnée d’une voiture et d’une moto également chargées de sa protection. On ne lui reprochera pas. Le quartier n’est pas sûr. On ne cesse de cambrioler les bijoutiers autour du ministère de la Justice. Mais ce grotesque équipage arrivant à l’Élysée dans le but de rassurer l’opinion sur la sérénité de la ministre prend manifestement les Français pour des imbéciles.
Les Français n’ont pas tous la possibilité d’aller au travail à vélo, tandis que leur chauffeur les accompagne en voiture. Pourtant, un automobiliste francilien sur deux devra se priver de sa voiture lundi pour faire preuve de civisme face au pic de pollution. Cette mesure prend à nouveau les Français pour des idiots. A vrai dire, elle ne s’adresse pas à eux, et vise encore moins la pollution. Elle cherche à satisfaire les pastèques. Elle se plie à une revendication de ces ennemis obsessionnels de la liberté. Leur discours pathologiquement anxiogène débouche systématiquement sur des restrictions et des contraintes, des taxations et des contraventions. Dénoncer le citoyen normal comme un criminel potentiel, l’automobiliste roulant au diesel par économie et pour son travail comme un coupable, porter atteinte à l’usage de sa propriété, pourtant financé quotidiennement, rien de plus jouissif ! Ces enragés ne songent qu’à inhiber et à punir ! Or le ciblage politique sur le diesel, comme sur la vitesse, ou le réchauffement climatique ne sont que de bonnes vieilles méthodes totalitaires : il faut toujours pointer du doigt l’ennemi public pour justifier la Terreur. La pollution en Île-de-France a de multiples causes. Le dioxyde de souffre, par exemple, est d’origine industrielle. Les particules fines désignées comme le mal, ciblées, elles aussi, dans un souci de communication, sont pour un tiers produites par l’industrie et pour un quart seulement par le trafic. Les incitations, la carotte plutôt que le bâton, et les progrès techniques sont plus efficaces que des dispositions coercitives et inégalitaires d’un jour ou deux d’interdiction. Pour l’oxyde d’azote, sa production a régressé dès la prise de conscience du problème, grâce à l’amélioration des véhicules, depuis 1990. Une partie non négligeable de la pollution est apportée par les vents du Nord et de l’Est, depuis l’Allemagne, notamment, qui vient d’abandonner brutalement le nucléaire dans un geste de communication politique et fait appel aux très polluantes centrales au charbon.
Plus sympathique, plus rigolo est Arnaud Montebourg, l’inutile ministre d’un redressement productif, qui s’effondre, produit de moins en moins et n’exporte plus. Lui aussi réduit son rôle à de la figuration. On pense au comédien condamné aux petits boulots d’animateur dans les supermarchés : Arnaud et sa marinière, Montebourg et sa Zoé. Tandis que les chiffres soulignent le recul de notre industrie et la perte d’emplois que cela entraîne, le Ministre, qui n’a aucun levier budgétaire efficace à sa disposition, se mêle de tout et se ridiculise tant on néglige ses avis. Il voulait Bouygues et c’est Numéricable. La fusion entre deux opérateurs concurrents aurait cependant eu un effet néfaste sur l’emploi. Mais le ministre de s’en prendre à la désertion fiscale du Pdg, à son holding au Luxembourg, à sa localisation boursière aux Pays-Bas, aux paradis fiscaux etc… Comme si les responsables économiques étaient tenus par masochisme à subir les effets fiscaux et financiers de la mauvaise gouvernance française. S’en tenant aux symboles, faute de la moindre parcelle de pouvoir, il a stigmatisé le maillot de l’équipe de France, fabriqué pour Nike en Thaïlande. Sympathique, mais dérisoire. À la fin d’un mauvais spectacle, le public applaudit parfois par politesse et compassion. Applaudissons Montebourg pour son patriotisme affiché et impuissant.
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