(Cathédrale Saint-
Chaque année l’Annuaire pontifical, recueil statistique de l’Eglise, publie des chiffres de baptisés en croissance plus importante que l’accroissement naturel de la population mondiale, des vocations religieuses qui augmentent, des nouveaux diocèses créés, etc. Mais où se cachent ces prêtres et ces nouveaux fidèles ? Pas en Europe, en tout cas, ça se saurait. Sur le vieux continent, en dépit de noyaux jeunes et vivaces c’est la lente chute qui continue. En Amérique disons que les positions sont stabilisées après les coupes sévères de l’évangélisme au sud et la déchristianisation au nord. On a même de beaux exemples de renaissance aux Etats-Unis, mais rien de bien important quand on prend du recul. Restent l’Afrique et l’Asie. C’est là que se situe la croissance la plus forte de l’Eglise.
Le cas asiatique est le plus intéressant. Si le pape visite la Corée en ce moment, ce n’est pas un hasard. Le pays comptait quelques dizaines de milliers de catholiques en 1945 après une période missionnaire timide et beaucoup de persécutions dans les siècles précédents. Aujourd’hui il y a plus de 5 millions de catholiques, 100 000 baptêmes d’adultes par an. Le nombre de prêtres est passé de 2800 à 4000 en dix ans. Dans le même temps les religieux sont passés de 1 280 à 2 000 et les religieuses de 8 000 à 10 000. Cette progression impressionnante ne devrait pas trop s’infléchir dans les années à venir.
Mais la Corée n’est pas seule. A Taïwan l’Eglise est présente depuis à peine plus d’un siècle et compte plus de 300 000 fidèles. Surtout, c’est une Eglise qui compte de nombreux missionnaires étrangers, présents pour approfondir l’évangélisation. Sur les 900 prêtres du pays, 450 sont des missionnaires venus de l’extérieur. On mesure le travail qui est fait par les congrégations religieuses dans le pays. Même si de l’aveu de celles-ci, les conversions sont désormais moins nombreuses.
En Chine tout est opaque, et il faut compter à la fois l’Eglise officielle et l’Eglise souterraine. Mais là encore la progression est patente et se mesure à la croissance du nombre de prêtres et d’évêques. Les statistiques officielles donnent un chiffre de 12 millions de fidèles catholiques, stable depuis le début des années 1980. Mais la raison est la crainte de la persécution du pouvoir qui considère notamment que la pénétration des missionnaires étrangers dans le territoire de la République populaire fait partie de ses quatre principaux sujets de préoccupations. Parallèlement au catholicisme, c’est le protestantisme qui progresse également rapidement en Chine, à tel point qu’un universitaire sino-américain a prétendu récemment que d’ici 2030 la Chine serait le principal foyer de christianisme protestant et catholique du monde. Evidemment, ce discours est à prendre avec prudence, mais il permet, de la part d’un universitaire connaisseur du pays, de mesurer la réalité qui se cache sans doute derrière ces 12 millions de fidèles toujours fixes.
Mais le plus surprenant se passe au Vietnam où, en dépit des persécutions, l’Eglise catholique engrange baptêmes d’adultes et entrées en vie religieuse. Le pays comptait 1 500 séminaristes en 2005, ils sont 3 000 aujourd’hui, à tel point que des tests d’aptitudes ont été instaurés à l’entrée au séminaire, faute de places suffisantes. Outre la vie sacerdotale, la vie religieuse contemplative attire. Ainsi les bénédictins du Vietnam se sentent désormais suffisamment solides sur leurs bases pour essaimer. En janvier 2014 ils ont fondé leur premier monastère en Thaïlande. La Thaïlande, justement, qui ne possède une hiérarchie catholique indigène que depuis la fin des années 1980, s’est lancée dès 1993 dans un vaste programme d’évangélisation dont le but était, en dix ans, de faire connaître Jésus Christ à chaque thaïlandais. Les catholiques sont toujours minoritaires, mais entre les fondations d’écoles, de séminaires, de maisons religieuses, ils quadrillent le pays et ont envoyé quelques groupes missionnaires au Cambodge. Il n’y a guère que le Laos où les persécutions sont telles que la minuscule communauté catholique peine à se développer. Mais même dans cette situation délicate, le séminaire compte suffisamment d’étudiants pour qu’il y ait un manque de… professeurs.
On pourrait élargir le tableau aux communautés qui demeurent fidèles en dépit de l’absence de prêtres, comme les catholiques du Népal privés de prêtre depuis des années, ou les Hmongs du Laos, persécutés dans le nord du pays.
Seule ombre à ce tableau asiatique, le Japon, où les évêques de la petite communauté catholique viennent de se lancer dans une nouvelle démarche de nouvelle évangélisation, preuve à la fois du dynamisme épiscopal certes, mais aussi de la fragilité d’une communauté ébranlée par la sécularisation.
Achevons ce tour d’horizon sur une note positive cependant avec la petite dernière, la Mongolie, dont la communauté catholique est née en 1993 et qui compte désormais un petit millier de fidèles.
Ces événements de l’Extrême-Orient sont à rapprocher de ceux de l’Asie centrale où, dans la plus grande discrétion se multiplient les vicariats apostoliques, preuve que l’implant catholique y a pris et que la première étape vers la création de diocèses a pu être entamée.
Revenons à l’Extrême-Orient. La raison de ce succès de l’Eglise catholique y est lié à des causes précises qu’il convient d’étudier. D’une part l’Eglise est, dans presque tous ces pays, assimilée à la lutte contre les anciennes dictatures ou les dictatures encore en place. D’autre part elle réalise une oeuvre charitable et d’éducation importante en entretenant orphelinats, hôpitaux, centres d’accueil pour les plus démunis, centres d’écoutes pour les marginaux, aumôneries de jeunes, écoles et universités. Une université catholique ne vient-elle pas d’ouvrir ses portes à Saïgon ? Les populations sont très sensibles à cet enracinement social de l’Eglise. De plus, elle s’appuie sur la ferveur de familles souvent nouvellement converties et formant des communautés structurées, priantes, sources de vocations religieuses.
Tout cela est fragile, bien sûr. Ainsi, en Corée, l’engagement social très fort des années 1980-1990 a eu tendance à diminuer dans l’Eglise.
Mais ce phénomène de naissance d’une chrétienté asiatique qui regroupe des dizaines de millions de fidèles et s’inscrit dans une croissance forte est un signe merveilleux. Outre les baptisés c’est une pratique, une culture, une science, une foi qui s’exporte et se fond dans le paysage local. C’est la prière des psaumes, la lecture de saint Augustin et de saint Thomas d’Aquin, l’exégèse et l’enseignement du magistère qui se répandent par-delà les limites du monde occidental.
Alors que la chrétienté se rétracte en Orient, cette dilatation asiatique ne peut que réchauffer le cœur.
Si on se place dans une perspective à une ou deux générations, en tenant compte de la croissance actuelle de l’Asie de l’Est comme pôle de puissance mondial, le monde et l’Eglise ont tout à gagner à une croissance du catholicisme dans ces régions, pour tempérer le matérialisme sans scrupule des nouveaux puissants de ces Etats émergents (il n’y a eu guère que l’Eglise pour s’opposer aux manipulations génétiques ou à la GPA ces dernières années dans ces pays, tout comme pour y défendre les autres minorités et les droits des travailleurs), et pour trouver des Etats forts capables, dans l’avenir de défendre la liberté chrétienne dans le monde alors que l’Occident s’efface.
> Gabriel Privat anime un blog.
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