Le pape François va-t-il révolutionner l’Église ?

Il y a un an personne n’en parlait ! Et voilà qu’aujourd’hui, il fait la Une des magazines. Il est la vedette des réseaux sociaux, en tête des recherches sur Google et des mentions sur la toile mondiale ; la personnalité politique la plus populaire du web et la personnalité de l’année, élue par le magazine Time. Un engouement qui a commencé il y a un an, le 13 mars 2013.

Ce mercredi, la place Saint-Pierre mouillée par la pluie est noire de monde. Entre les parapluies et les drapeaux qui flottent au vent on aperçoit l’homme en blanc, « l’évêque de Rome que les cardinaux sont allés chercher au bout du monde ». À 76 ans, Jorge Mario Bergoglio devient le 265e successeur de Pierre, mais le premier Pape jésuite et sud-américain. Le premier pontife à porter le nom « François », s’exposant aux yeux du monde sans ornement liturgique au soir de son élection. Le ton est donné. François impose un nouveau style à la papauté. C’est le début d’un changement…pas d’une rupture !

Il veut réformer la structure de l’Église. Rêve d’une « Église pauvre pour les pauvres ». Se dépouille et s’abaisse pour laver les pieds des prisonniers. Se déplace en auto pour visiter les malades. Il plaide en faveur des migrants et des réfugiés et prône la « culture de la rencontre ». Il nous appelle à « protéger la création toute entière ». Il dénonce la « culture du rejet » et la « mondialisation de l’indifférence ». Il fustige la « tyrannie des marchés » et la « dictature de l’économie sans visage ». Il prêche pour un monde plus tolérant et adopte lui-même une attitude plus ouverte à l’endroit des homosexuels et des divorcés-remariés.

Par son exemple et ses déclarations le Souverain Pontife dresse le portrait d’une Église plus miséricordieuse. Une Église accueillante, à l’image d’un « hôpital de campagne après une bataille ». Beaucoup y voient là une « révolution » en marche dans l’Institution. Gare aux fantasmes !

“Dire que le pape François est le Pape de la rupture est une ineptie, car il ne changera pas la doctrine de l’Église.”

Lorsque le pape est proche des plus vulnérables ; lorsqu’il plaide pour une « Église ouverte à tous » ; lorsqu’il exhorte à la charité et appelle à la tolérance ; lorsqu’il condamne la culture du rejet et les injustices en tous genres, il ne fait rien de plus qu’appliquer l’enseignement du Christ et la doctrine catholique. Le pape François dit ce qu’affirme le Catéchisme de l’Église catholique. « Il n’est ni progressiste ni conservateur » tient à souligner Antonio Spadero, directeur de la revue jésuite Civiltà Cattolica, à qui le Pape accordait de longues entrevues en août dernier.

Dire que le pape François est le Pape de la rupture est une ineptie, car il ne changera pas la doctrine de l’Église. À ceux qui regrettent qu’il n’insiste pas assez sur la défense de la vie, contre l’avortement et l’euthanasie, le père Spadero assure que « c’est pour le Pape un thème très important. Toutefois il ne doit pas être énoncé comme principe abstrait, mais placé dans un contexte ».

Du reste, « le pape a clairement parlé de la défense de la vie dans tous ses aspects » ajoute le directeur de la revue jésuite. En janvier dernier, le Saint-Père dénonçait « l’horreur de l’avortement ». Il déclarait devant le corps diplomatique invité au Vatican que « les êtres humains sont souvent jetés comme s’ils étaient des choses non nécessaires. La seule pensée que des enfants ne pourront jamais voir la lumière, victimes de l’avortement, me fait horreur », disait-il en appelant les gouvernements à défendre la famille. En septembre, lors d’une audience accordée aux médecins catholiques le Pape condamnait aussi l’euthanasie : « chaque personne âgée, même si elle est malade ou en fin de vie, porte en elle le visage du Christ. On ne peut les éliminer ! ». En juin, alors que le « mariage pour tous » venait d’être voté en France, le Souverain Pontife invitait les parlementaires français à « ne pas hésiter à abroger les lois si nécessaires, pour leur apporter l’indispensable qualité qui élève et anoblit la personne humaine ». L’attention à la vie humaine est depuis toujours une priorité du magistère de l’Église. Aucune raison qu’elle change aujourd’hui. Elle est inscrite au cœur de l’Évangile.

Reste que le pape François a opéré un changement : de l’intérieur il réforme la Curie, préconisant lui-même une « conversion de la papauté ». De l’extérieur il simplifie les protocoles et change l’image de l’Institution pour une « Église aux portes ouvertes », plus proche du monde. Mais sur le fond il n’y aura pas de changement dogmatique ou doctrinal, car l’Église n’est pas une institution inventée pour plaire. Elle est, comme l’expliquait le philosophe et théologien Romano Guardini « une réalité vivante qui vit au long des siècles et grandit comme tout être vivant, en se transformant tout en restant elle-même, car son cœur est le Christ…Vivant dans le monde, elle n’est pas du monde, mais de Dieu, du Christ et de l’Esprit ».

S’il est vrai que le pape François veut du changement dans l’Église, il n’entend pas pour autant changer l’Église. En tant que successeur de Pierre, il est le dépositaire d’un enseignement et d’une tradition apostolique. Un trésor vieux de 2000 ans. Un héritage sacré qu’il entend « rafraîchir », tout simplement.

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35 Comments

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  • 0 / 10
  • hermeneias , 13 mars 2014 @ 22 h 47 min

    Gisèle

    le chroniqueur religieux atitré du Figaro , J.M. Guénois , donne à ce pape du “François” en veux tu en voilà . “François” par ci “François” par là ….

    Si les médias se servent de ce pape pour pousser leur avantage et pour essayer d’infléchir le discours de l’Eglise et d’entretenir la confusion , ce pape s’y prête .
    On dirait qu’il s’agit d’un plan com’ . Et que ce pape confond popularité passagère , avec un certain narcissisme , et annonce de la Bonne nouvelle du Salut en Jésus-Christ .

    J.Paul 2 était très médiatique en raison d’une force de conviction et de cohérence qui émanait de lui , avec un courage physique et moral , mais il faisait grincer des dents les médias pendant qu’il drainait des foules enthousiastes .

    Donc j’observe ce pape avec l’oeil du maquignon…..Car derrière la démagogie , la tyrannie

  • eric-p , 14 mars 2014 @ 0 h 59 min

    Vous parvenez à lire dans les pensées du Pape, vous ?
    Vous êtes très forte !!!
    Je pense qu’il est impossible de savoir ce que pense réellement le Pape.

    En ce qui me concerne, il a soulevé plusieurs sujets qui fâchent:

    1-La levée de l’excommunication aux divorcés-remariés (qui choque tant notre ex-première dame de France, Cecilia Ciganer-Martin-Sarkozy-Attias !!!),
    ce qui est déjà une hérésie !

    2-Le mariage des prêtres !

    Ensuite, le Pape s’est fait remarqué par quelques déclarations
    PUBLIQUES malheureuses
    apparemment passées inaperçues:
    “Nous sommes tous des fils de Dieu” d’après sa sainteté !!!
    Mais alors ?Le Christ ne serait-il qu’un fils de Dieu parmi d’autres ???
    Etc…

    Le Pape a également eu des déclarations démagogiques à l’égard des homosexuels : ” Qui suis-je pour les juger ?”
    Phrase qui semble les absoudre de leurs responsabilités…et naturellement largement exploitée par la presse gauchiste !
    C’est un peu oublier que le Pape s’est publiquement prononcé CONTRE
    le mariage gay…ce qui lui a d’ailleurs valu quelques accrocs avec
    Christina Kirchner lorsque la loi a été votée en Argentine.

    Pour l’instant, le Pape n’a rien accompli de décisif.
    Je sais que sa tâche est extraordinairement difficile mais les réformes qui ont été évoquées ne vont pas dans le sens de certains catholiques.

    Je souhaite pour ma part effectivement des contre-réformes qui à mes yeux
    se sont avérées catastrophiques.
    Par exemple, certaines réformes de Vatican II !

    Comment expliquer que l’église permette des mariages de catholiques avec des
    “athées” …alors qu’ils ont bien souvent des convictions “philosophiques” aux antipodes du christianisme ???
    Autant marier un catholique avec une musulmane dans une église en invioquant un simple “décalage” culturel !

    Quand l’exclusion des ecclésiastiques-déviants (pédophilie en particulier mais aussi homosexualité découverte tardivement,etc… ) sera-t-elle
    inscrite dans le droit canon ?
    Au lieu de celà, on envoie les prêtres homosexuels se faire “exorciser” chez les psychiatres laïcs !!!
    On marche sur la tête….

    Sans vouloir être médisant et en faisant preuve d’une indulgence maximale, tout se passe comme si l’église soulevait le couvercle de réformes impossibles
    (Sauf scandale considérable, la levée de l’excommunication des divorcés-remariés ne sera JAMAIS prononcée, disons les choses clairement !)
    …pour mieux masquer des réformes dont elle ne veut surtout pas entendre parler car impopulaires auprès des pécheurs URBI ET ORBI !

  • eric-p , 14 mars 2014 @ 1 h 09 min

    Jean-Paul II a également été critiqué par les lefévristes !
    Il a carrément excommunié la fraternité St Pie X (non sans raison !).
    Les critiques adressées contre Vatican II ont été passées sous silence,
    Jean-Paul II n’a pas non plus soulevé le couvercle des scandales de pédophilie…

    Jean-Paul II avait d’immenses qualités mais il n’était pas parfait.
    Amha, il n’a jamais eu le courage de dénoncer le mode de vie occidental
    qui tend à éloigner les fidèles du christianisme.
    Si la perte de la foi se poursuit en Europe occidentale, c’est peut-être un peu par sa faute et ses demi-mesures.

  • zab3115 , 14 mars 2014 @ 14 h 54 min

    Si le Pape était parfaitement clair et sans ambigüité, les médias ne pourraient pas transformer ses paroles. C’est tout le problème de l’Église depuis Vatican II, à commencer par la Messe…

  • Kamy , 14 mars 2014 @ 15 h 17 min

    Encore faut-il qu’il y ait péché, or on a inventé des tas de péchés qui n’en sont pas! Disons même que la fabrique de péchés, c’est la plus grande faute de l’Église!
    L’Église doit aussi reconnaître ses erreurs et évolue dans le bon sens.

  • Kamy , 14 mars 2014 @ 15 h 20 min

    De toutes façons, les instances idéologiques sont trop lourdes pour changer quoi que ce soit dans le fond.
    On changera à la surface, dans le style, les déclarations, un rapport plus humain, plus ouvert: très bien, à défaut d’aller plus loin… M’enfin, l’Église est en crise et c’est pas la faute aux autres mais à elle-même.

  • Kamy , 14 mars 2014 @ 15 h 22 min

    Il faut espérer un Vatican III! C’est le minimum.

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