Rome-Écône : et si on arrêtait les bobards et autres désinformations ?

Une fois n’est pas coutume, il convient de se pencher non sur l’actualité française, mais sur les relations entre Rome et la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX). Depuis quelques jours, des informations font état d’une rupture imminente, si ce n’est de… sacres épiscopaux. Une tonalité se dessine : celle du pessimisme. Pourtant, l’information, comme on le sait, n’est jamais neutre. L’information conditionne le public, mais l’information est elle-même conditionnée. On le voit bien dans les affaires propagées médiatiquement. Raison de plus pour rester vigilants, y compris dans le milieu ecclésial.

Premièrement, si on examine les sources de ces informations, on s’aperçoit que les Cassandre ne sont pas forcément bien disposés à l’égard de la FSSPX. Ils ne sont pas réputés pour leur traditionalisme. C’est le moins que l’on puisse dire. Plus exactement, je dirais même qu’ils ne sont pas forcément considérés pour une certaine finesse ecclésiale. Qui sont ces Cassandre ? Il y a évidemment La Vie, l’agence APIC ou même, dans une moindre mesure, La Croix. Les informations viennent d’un « camp ». Pas d’un autre. Et certainement pas de la FSSPX. Première chose qui ne doit pas nous laisser indifférents. On peut se demander si « certains » ne rêvent pas d’une fin brutale dans le rapprochement entre Rome et Écône.

Deuxièmement, abordons le fond. On rapporte que le Vatican serait prêt à entériner la fin du dialogue. De quoi s’agit-il ? La Vie rapporte une information de l’agence Apic qui, elle-même, cite le magazine allemand Focus. Qui plus est, ce dernier fait lui-même état de l’intention de Mgr Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, de s’exprimer sur ce sujet « très prochainement ». Comme on le voit, outre la chaîne de transmission de l’information qui révèle une série d’intermédiaires (La Vie rapporte Apic qui elle-même rapporte Focus…), cette information est elle-même au conditionnel : Mgr Müller devrait s’exprimer. Mais pour dire quoi ? Le hic, c’est qu’il ne l’a pas fait, car, tout simplement, aucun propos officiel n’a été rapporté. Pour le moment, le prélat romain n’a rien dit. C’est tout. Au mieux, Focus annonce un comportement hypothétique, mais aucune annonce officielle. Par ailleurs, cette éventualité ne repose ni sur des propos, ni sur des faits. Quel scoop !

Troisièmement, parlons d’un fait précis. Un prêtre italien, responsable d’une communauté versée dans un œcuménisme assez avancé, annonce des ordinations épiscopales imminentes. Un remake du 30 juin 1988 ! Outre le fait que cela soit rapporté par La Vie, l’intéressé n’est certainement pas disposé pour sa bienveillance pour la FSSPX, même s’il dit tenir cette information « de bonnes sources ». Mais rien de plus. Sans être d’accord avec la FSSPX, il faudrait s’interroger sur les raisons qui la pousseraient à procéder aux sacres. Or, actuellement, elle dispose de trois évêques et semble en mesure de se « pourvoir » en ordinations en confirmations. Tout au moins dans les dix années à venir. Peu importe que l’on justifie des sacres sans mandat pontifical ou que l’on adhère à l’idée d’un état de nécessité : on devra reconnaître que les « ingrédients » qui conduiraient à de tels sacres n’existe pas. Mieux : ses trois évêques ont beau avoir vieilli depuis 1988, ils n’ont pas atteint un âge avancé. La FSSPX n’a pas d’évêque en fin de parcours et isolé, mais trois évêques qui restent encore sur le « marché ». Qui a informé le Père Bianchi ? Rome ? Des membres de la FSSPX ? Nul ne le sait.

Moralité de l’histoire : à défaut d’être fondées, les rumeurs, plus elles sont nombreuses, plus elles acquièrent une apparence de crédibilité. Plus c’est gros, plus ça passe, comme dit la formule. On comprend certaines stratégies qui fonctionnent comme dans le monde politique… La crise de l’Église de ses quarante dernières années s’est faite sur fond de rumeurs et d’insinuations. Certains rêveraient d’un pape désavouant son prédécesseur sur le dossier du rapprochement entre Rome et Ecône. Mais on se gardera d’oublier que ce dernier remonte à l’an 2000 et qu’il faut le mettre à l’actif de… Jean-Paul II. Cela ne semble pas facile sous François. Mais sous Benoît XVI, cela ne l’était pas non plus. Cela ne le sera peut-être pas sous le pape actuel tout simplement parce que cela n’a jamais été facile. Hier, comme aujourd’hui.

Un scoop passé sous silence : la déclaration du 27 juin 2013…

Dernier détail qui, lui, a échappé aux analystes et aux lecteurs : dans sa récente déclaration du 27 juin 2013, la FSSPX, par la voix de ses trois évêques, laisse ouvrir une intéressante alternative dans le processus de réconciliation avec Rome. En énonçant qu’elle souhaite « suivre la Providence en toutes circonstances, sans jamais se permettre de la devancer », la FSSPX décrit une alternative dont l’une des branches n’est plus un retour immédiat de Rome à la Tradition, mais une certaine liberté d’action reconnue à la FSSPX. Liberté qui, évidemment, ne saurait faire oublier l’objectif principal, mais qui laisse un certain espace de dialogue entre les protagonistes.

Lisons cet intéressant – réel, lui, et non imaginaire… – paragraphe 11 de la déclaration du 27 juin 2013: « Nous entendons faire de même, soit que Rome revienne bientôt à la Tradition et à la foi de toujours – ce qui rétablira l’ordre dans l’Eglise –, soit qu’elle nous reconnaisse explicitement le droit de professer intégralement la foi et de rejeter les erreurs qui lui sont contraires, avec le droit et le devoir de nous opposer publiquement aux erreurs et aux fauteurs de ces erreurs, quels qu’ils soient – ce qui permettra un début de rétablissement de l’ordre. » Autrement dit, une certaine porte ouverte est laissée à l’appréciation des autorités romaines. Une porte qui ne passe plus par une remise en cause du Concile Vatican II, mais par une solution pragmatique. Ce morceau contient une véritable révolution. Mais, curieusement, il a été passé sous silence. Dommage ! C’était peut-être le véritable scoop qui, malheureusement, échappe à des rédactions davantage versée dans le colportage des potins que dans l’étude de l’ecclésiologie…

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111 Comments

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  • Etienne , 11 juillet 2013 @ 20 h 37 min

    Ils sont 3 évêques dont deux ont 55 ans…
    En 1988, Mgr Lefebvre avait 83 ans…
    En comparant, vous comprendrez ce qu’est un état de nécessité et ce qui ne l’est pas. Notez aussi que Mgr Lefebvre hésitait à demander 2, 3 ou 4 évêques. Il avait vu large, prévoyant que l’un puisse défaillir. Tout ça pour dire que les sacres, ce n’est pas pour demain.

  • scaletrans , 11 juillet 2013 @ 21 h 30 min

    C’est assez subtil: selon la lecture qu’on en a, ça paraît parfaitement catholique… ou totalement hérétique. Autrement dit, les textes de Vatican II et qui en découlent répondent parfaitement à la description que Saint Pie X faisait des écrits libéraux: au recto, une page parfaitement catholique et au verso de parfaites hérésies. Comme dans tout ce qui inspiré du Malin, d’habiles mensonges cachent des blasphèmes.
    D’ailleurs, ne reconnaît-on pas l’arbre à ses fruits? Hé bien, jusqu’à Vatican II, nous avions encore ne France 45% de pratiquants réguliers, et maintenant ? Même pas 3% ! et en comptant la Tradition dans le total !
    Comme chantait Brassens “sans le latin, sans le latin, etc “

  • scaletrans , 11 juillet 2013 @ 21 h 36 min

    Depuis la suppression du crucifix en tête du journal La Croix, on a l’habitude dans ma famille de nommer ce torchon “La Croix Gommée”. Ça ne date pas d’hier…

  • scaletrans , 11 juillet 2013 @ 21 h 49 min

    Mieux vaut lire autre chose, car, pour avoir parcouru quelques uns des innombrables bouquins remplis des “révélations” de cette Maria Valtorta, j’ai trouvé que ça sentait le fagot. Comme il n’y a plus d’Index, malheureusement beaucoup d’âmes de bonne volonté se laissent prendre. La meilleure solution est de s’en remettre à des ouvrages sûrs, reconnus par l’Eglise au temps de sa splendeur. Le Père Du Pont, Dom de Monléon, Saint Louis Marie Grignon de Montfort, Saint François de Sales, Ste Thérèse d’Avila, Saint Jean de la Croix Mgr Gaume et tant d’autres.

  • C.B. , 11 juillet 2013 @ 22 h 08 min

    Pourriez-vous en dire plus?
    Ça devient intéressant…

  • C.B. , 11 juillet 2013 @ 22 h 09 min

    La mise en page n’étant pas forcément évidente, je précise que c’est à Yaki que s’adressait mon message. Peut-il développer son propos “C’est lors de la révolution que les choses se gâtent.”?

  • C.B. , 11 juillet 2013 @ 22 h 20 min

    Charles, à quelles sources vous référez-vous pour réfuter la remarque de ” Diex Aïe !
    11 juil 2013 à 14:33 “? Nombre d’historiens fournissent des références claires sont la nouveauté apportée par l’obligation d’une défense de l’accusé.

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