Alors que ledit “mariage” des paires homosexuelles ainsi que l’adoption par des homosexuels viennent d’être votés par le régime socialiste en France, il peut sembler intéressant de tracer un panorama de la situation dans d’autres pays d’Europe. Qu’en est-il donc plus particulièrement chez notre principal partenaire économique, l’Allemagne ?
Eingetragene Partnerschaft
En Allemagne, les homosexuels ont depuis 2001 la possibilité de faire reconnaître leur couple aux yeux de la loi au sein d’un “partenariat enregistré” 1, c’est-à-dire l’équivalent du PACS en France. La loi qui créa cette possibilité (Gesetz über die Eingetragene Lebenspartnerschaft, loi sur le partenariat enregistré, traduit littéralement) fut votée au Bundestag par la coalition rouge-verte, soit le SPD (à peu près équivalent au PS français) et les Verts 2. Elle a donné divers droits (dont la liste s’est depuis enrichie au fil des ans, parfois sous la pression de l’Union Européenne) à ces personnes : le droit de porter le nom de l’autre membre du partenariat, les mêmes droits de succession que pour les couples mariés, une obligation de se porter une assistance mutuelle, un droit à une pension alimentaire lors d’un divorce, la PMA dans certains Länder depuis 2006 3, les mêmes droits fiscaux en partie (depuis 2010). Des dispositions spéciales pour les “trans-sexuels” ont été adoptés en 2008. En revanche, l’homophobie n’est pas explicitement punie par la loi ; il n’est en général pas considéré que l’article 130 du code criminel relatif à l’incitation à la haine puisse s’appliquer aux homosexuels, qui ne forment pas une une partie de la population.
Le mariage néanmoins avait été refusé car jugé inconstitutionnel (article 6 du premier paragraphe de la loi fondamentale, équivalent de notre constitution). Aujourd’hui, après de nombreuses lois qui ont peu à peu réduit l’écart avec le mariage, la seule différence ou presque réside désormais dans la possibilité ou non d’adopter 4.
Une propagande toujours plus affirmée
Les juges de la cour constitutionnelle allemande (BVerfG) qui siège à Karlsruhe depuis 1951. Photo : REUTERSCes derniers temps en Allemagne, la propagande LGBT s’est fait plus prégnante ; on peut notamment penser à la télévision (avec la série Paysan cherche homme lancée en 2011). Cependant selon le blog de gauche Rue 89, les campagnes sont restées peu perméables à cette idéologie. Le site rapporte le tour d’Allemagne de minibus de l’association Lambda, qui incite les mairies à arborer le drapeau LGBT, ce qu’accepterait la plupart des maires selon l’organisatrice Kathrin Schultz.
Plus récemment, la section saxonne du parti d’extrême-gauche Die Linke (littéralement, “la gauche”, issue de l’alliance du parti communiste et d’un autre parti) a affirmé vouloir que l’homosexualité fasse partie de l’enseignement à l’école primaire (chaque état allemand décide en effet de sa politique en matière d’éducation). Les enfants seront ainsi censés connaître la “vie sexuelle des lesbiennes, des androgames [NdA : homosexuel masculin] , des bisexuels, des transsexuels et des intersexuels“. Le projet indique : “la vision actuelle de la position des femmes et des hommes est régressive“. Le journal Junge Freiheit rappelle à ce propos la proposition faite en mars par les Verts d’un Plan national d’action contre l’homophobie et la transphobie.
Le 19 février, les juges de la cour constitutionnelle allemande ont décidé d’accorder aux paires homosexuelles enregistrées d’adopter l’enfant qui aurait été adopté par son partenaire, ce qui a créé d’importantes dissensions au sein de la droite allemande.
Pour ou contre la dénaturation du mariage ?
Klaus Jetz, le directeur du LGBT allemand – Source : Chrismon (journal des évangéliques)L’actuelle coalition au pouvoir — l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le l’Union chrétienne-sociale (CSU) 5 — a indiqué être contre la création d’un “mariage” pour les paires de mêmes sexes. À l’inverse, les verts, le SPD et le parti extrémiste “Die Linke” sont pour 6. Une loi pour la légalisation a ainsi déjà été refusée en septembre 2010 7, puis à nouveau en juin 2012. Le 22 mars 2013, le Bundesrat propose à nouveau une loi de dénaturation du mariage.
Le FDP (Freie Demokratische Partei, libéral-libertaire) affirme quant à lui être pour une “égalité” totale des droits. Ainsi le ministre fédéral de la justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger (FDP) affirme dans Bild :
“Nous avons besoin d’un rythme pour passer à la pleine égalité des partenariats enregistrés avec le mariage — depuis les droits fiscaux jusque l’adoption”
Le FDP avait déjà essayé de séduire l’électorat LGBT en 2009 (ce qui d’ailleurs ne semble pas les avoir beaucoup aidé à remonter les sondages depuis).
Querelles au CDU
Néanmoins, jusqu’ici le CDU et surtout le CSU, plus conservateur, s’y opposaient, malgré quelques voix discordantes au CDU, comme celles de Wolfgang Schäuble qui estime que le CDU devrait “prendre compte de l’évolution des réalités [sic] afin de rester populaire”, ou encore celles de Ursula von der Leyen ou de Volker Kauder (le président du groupe parlementaire de la CDU). Cependant le chef du groupe parlementaire CDU au Bundestag rappelle que le CDU n’accordera pas “d’égalité totale“.
L’actuelle chancelière a concédé : “personnellement, je me fais difficilement à l’idée de l’adoption et de l’égalité fiscale pour les homosexuels“. Elle a pourtant décidé de plaider un élargissement des droits, après le jugement de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui a accepté les adoptions des enfants biologiques de l’autre membre d’une union homosexuelle. Le secrétaire général du CDU, Hermann Gröhe, a cependant aussitôt rappellé la position de son parti : contre l’adoption et l’égalité fiscale. Entre autres arguments juridiques, “l’ouverture” du mariage imposerait une révision de la loi fondamentale (équivalent de la constitution), tout particulièrement l’article 6 de la première partie. Katherina Reiche s’est emportée :
“Sans union homme-femme, pas d’enfants. Sans enfants, pas d’avenir pour ce pays. Il ne s’agit pas ici de réparer une inégalité. Certains activistes veulent tout simplement saper le modèle de la famille”
Malgré ce qu’affirme Klaus Jetz 8, secrétaire des associations L.G.B.T. allemands (le L.V.S.D.), la majorité des allemands n’est pas nécessairement 9 pour : selon un sondage paru en mars 2013 dans le journal Die Welt, 42% pensent que deux personnes de même sexe, unis par le partenariat enregistré, et avec des enfants à charge, constituent une famille.
Quelle opposition face aux lois LGBT ?
[pullquote_right]”Les gens ne veulent pas d’un changement de la société, dans laquelle le mariage et la famille ne seraient plus la normalité.” selon Alexander Dobrindt, secrétaire général du CSU, in : Welt am Sonntag[/pullquote_right]
Pour le secrétaire général des associations L.G.B.T. allemands, “il n’y aura pas des manifestations contre le mariage pour tous comme en France”, car les lois se succèdent depuis une dizaine d’années. Une mobilisation en Allemagne sur ce sujet est-elle inimaginable ?
Les oppositions existent en effet. Du côté des politiques, le CSU, mais aussi le CDU, sont particulièrement engagés contre ladite “ouverture du mariage“. Ainsi Alexander Dobrindt affirme :
Bernd Lucke, cofondateur de l’Alternative pour l’Allemagne et professeur de macroéconomie à l’Université d’Hamburg (source : Junge Freiheit)“L’Union [CDU et CSU] doit donner une parole à la majorité silencieuse contre une minorité tapageuse. […] Les gens ne veulent pas d’un changement de la société, dans laquelle le mariage et la famille ne seraient plus la normalité. […] Celui qui veut assimiler l’union civile au mariage et abolir le fractionnement des impôts [les impôts sont actuellement séparés pour chacune des personnes liées par un partenariat enregistré – NDLR], poursuit l’hostilité envers la famille 10. […] la majorité des gens ont une vision bourgeoise conservatrice”.
À considérer aussi, l’avis d’un tout nouveau parti de droite, Alternative für Deutschland, qui selon un sondage établi début mai serait déjà accrédité d’environ moins de 5% de voix aux prochaines législatives (dans lequel la coalition CDU/CSU reste majoritaire largement devant la gauche 11). Le parti, fondé en février 2013, comprend trois présidents : M. Konrad Adam, journaliste et éditeur, Mme Frauke Petry, ingénieur chimiste et entrepeneur, ainsi que M. Bernd Lucke, professeur d’économie. Le parti, surtout connu pour être le seul à demander une sortie de l’euro en Allemagne, semble émerger comme une nouvelle alternative pour les conservateurs ; certains pensent qu’il va obliger le C.D.U. a avoir une politique plus conservatrice qu’actuellement.
Le docteur Conrad Adam affirme en effet dans une interview pour le journal Junge Freiheit :
Des Allemands dans la manifestation du 26 mai Source : Salon Beige— L’AfD ne réalise dans les sondages jamais plus de deux à trois pour-cents. Pensez-vous que votre parti est maintenant considéré comme un parti à part entière ?
Adam — Quiconque se renseigne soi-même sur l’Alternative pour l’Allemagne, et non sur ce qu’on en dit 12 sait que l’euro n’est que l’un de nos nombreux sujets. Nous voulons renforcer la famille, créer plus de sécurité pour la vieillesse, répartir plus justement la charge fiscale (…). En ce qui concerne les résultats du sondage, leur résultats seront tout à fait différents en Automne.
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Notes
- Traduction la plus exacte de l’expression allemande. Au vue des nombreux “droits” accordés, on peut parler d’union civile. À ce jour, seule l’adoption reste réservée aux couples mariés (ainsi que des avantages fiscaux).
- La loi était portée par le vert Volker Beck.
- L’ordre des médecins de Hambourg et celui de Berlin laissent à leurs membres la possibilité de faire des PMA pour les paires homosexuelles liées par un partenariat (après délibération d’une commission au cas par cas à Hamburg, et à Berlin selon le choix du médecin uniquement).
- Les homosexuels peuvent en revanche adopter l’enfant biologique de leur conjoint, ou encore tout enfant adopté par leur conjoint de cette manière.
- Le CSU est présent principalement en Bavière, tandis que le CDU est présent dans tout les autres Länder. Ces deux partis sont très proches, et présentent un candidat commun pour le poste de chancelier ; Angela Merkel est membre du CDU, tandis que le précédent candidat (non-élu) appartenait au CSU. Le CSU semble néanmoins plus conservateur, et s’était illustré dans la défense de la présence des crucifix dans les salles d’école , permettant à la Bavière de les conserver, tandis qu’au CDU certains s’étaient affirmés contre, telle l’allemande musulmane d’origine turque Aygül Özkan qui avait déclaré : “Les symboles chrétiens n’ont pas leur place dans les écoles publiques (…) l’école doit être un lieu neutre“.
- Ainsi peut-on citer Irene Alt (Verts), ministre de l’intégration, des famille, des Femmes et de la Jeunesse : “Il est grand temps que les paires homosexuelles puissent aussi se marier et aient les mêmes droits et devoirs que les couples mariés hétérosexuels“. On notera que la non-rhétorique est la même qu’en France : “égalité”, progrès, sens de l’histoire, etc.
- Les Länder de Berlin, de Brandenburg, de Brême et de Rhénanie-du-Nord-Westpalie avaient voté “pour”.
- “La grande majorité de la population y est favorable, et également tous les partis représentés au Bundestag, sauf la CDU/CSU. À l’intérieur de la CDU, des voix s’élèvent pour soutenir l’égalité des droits pour les couples de même sexe.”
- Des sondages indiquent en effet que 72% des allemands seraient pour la dénaturation.
- Hostilité récemment soulignée par le cardinal Meisner dans une interview pour le Süddeutsche Zeitung.
- Un sondage plus récent accrédite l’AfD de 3% des voix pour les prochaines législatives ; le CDU reste largement en tête avec 40% de voix contre 38% pour la gauche (SPD et Verts), et 8% pour la gauche. Le FDP, membre de la coalition au pouvoir serait accrédité de 4% des voix. À noter que seuls les partis ayant fait plus de 5% auront des députés au Bundestag.
- Les médias tentent depuis sa création de faire passer ce parti pour un parti d’extrême-droite.
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