À la suite d’une citation tirée hors de son contexte, Larry Arnn, Président de Hillsdale, une université du Michigan, s’est vu accuser de racisme. À travers lui, c’est toute une institution qui est visée.
Par Emmanuel Arthault — Larry Arnn, Président de Hillsdale, a-t-il eu le mot de trop ? Ce qui devait être, le 31 août, une bénigne audition devant un comité du Congrès du Michigan a viré au drame, alors que les Démocrates préparent actuellement une réforme uniformisant dans cet État du Mid-Ouest les programmes en mathématiques, lecture et écriture.
« Pas assez d’étudiants à la peau sombre »
Un tel dirigisme n’était guère du goût de l’intéressé qui, pour illustrer la réalité de l’immixtion des autorités fédérées, a évoqué une lettre qu’il avait reçue en 1998 du Département pour l’éducation de l’État qui reprochait à Hillsdale, selon ses propres mots, de « violer les standards de diversité parce que nous n’avions pas assez d’étudiants à la peau sombre » [dark ones]. Immédiatement critiqué par les parlementaires pour avoir usé de ce vocabulaire pour qualifier les « étudiants issus des minorités », le Président n’a rien voulu lâcher : « l’Etat du Michigan a envoyé un groupe de personnes sur mon campus, avec des blocs-notes, pour relever la couleur des gens ».
Depuis, les remarques les plus indignées n’ont pas cessé de pleuvoir. Pour le représentant démocrate David Knezek, « ses commentaires étaient incroyablement ignorants, inappropriés et véritablement détachés du sens des conversations sur [la réforme d’uniformisation des programmes]. Le groupe de pression Progress Michigan a aussi lancé une pétition en ligne pour exiger la démission de Larry Arnn. Tim Greimel, leader des démocrates à la chambre du Michigan, s’en est donné à cœur joie : « C’est choquant qu’un individu supposément éduqué, d’une institution d’enseignement supérieur, utilise de manière répétée une rhétorique enflammée et sectaire. Je l’appelle à présenter ses excuses aux étudiants de Hillsdale et aux habitants du Michigan ».
Mais les étudiants en question ne l’entendent pas ainsi. Étudiante en deuxième année de Science politique, Matelyn Vander Bleek est ulcérée : « quand on lit les remarques [de Larry Arnn] dans leur contexte, on comprend qu’elles sont une critique de notre Etat et de la manière par laquelle les bureaucrates jugent les individus selon leur couleur ». Pour elle, le motif est politique : « les progressistes sont inquiets. Il ne faisait qu’exprimer son désaccord. Ils font de lui un raciste pour discréditer notre institution ». Son amie Anna Pflaff, citée par le quotidien Detroit News, la rejoint : « Hillsale est un établissement qui refuse toute discrimination et des gens viennent pour en relever la diversité, » dit-elle. « Vous ne pouvez rien trouver de plus ouvert [diverse] que le fait d’accepter tout le monde en se fondant sur le seul parcours éducatif », poursuit-elle, expliquant, non sans fierté, les principes de son Université.
Le Département pour l’éducation du Michigan a tout d’abord nié avoir envoyé un groupe d’étude à Hillsdale, avant de se rétracter 48 heures plus tard. Mais la polémique n’étonne guère : Larry Arnn est en effet conservateur : Docteur en science politique, administrateur de la Fondation Heritage et membre de la Société du Mont Pélerin, il a rédigé en 2006 la proposition d’amendement constitutionnel interdisant la discrimination positive dans le Michigan. Aujourd’hui en vigueur grâce à la procédure de démocratie semi-directe, l’amendement devrait faire l’objet d’une décision de la Cour Suprême en octobre prochain. En effet, le groupe de pression BAMN [By All Means Necessary — Par Tous les Moyens Nécessaires] a porté le litige devant la plus haute juridiction américaine.
Pour George Washington, l’avocat représentant cette organisation progressiste, Arnn « est simplement un raciste, c’est tout ». Tâchant de développer cet argument pour le moins succinct, celui-ci ajoute : « Dire ce genre de choses en 2013 est simplement raciste. C’est tout ce dont il est question. Il refuse qu’on vienne vérifier ses affaires et il a du mépris pour les étudiants noirs et latinos. S’il avait dit cela quelque part comme à Detroit, il aurait pris un pain dans le nez ».
À Hillsdale, le caractère prime sur la couleur de peau
Pourtant, Hillsdale n’a guère de leçons à recevoir de quiconque en la matière. Cette université ne conserve aucune statistique ethnique. Sa charte fondatrice, écrite en 1844, refuse toute discrimination fondée sur la race, le sexe ou la religion. Hillsdale se voulait au-dessus de cela, et montrer l’exemple de la méritocratie, vingt ans avant l’abolition de l’esclavage (1865) et plus d’un siècle avant Brown v. Board of Education — l’arrêt de la Cour Suprême ayant mis fin en 1954 à la ségrégation dans les écoles primaires.
Plus encore, cet établissement d’enseignement supérieur n’accepte aucune subvention fédérale, par souci d’indépendance. Son programme de science politique ? La lecture des grands classiques de la pensée politique, de Platon à Nietzsche, en passant par Le Fédéraliste — une manière de faire mentir la domination progressive de la sociologie dans les universités. Évidemment, cette institution attire à elle des adolescents soucieux d’y trouver une éducation plus traditionnelle. Ils y approfondissent l’histoire de l’Amérique plutôt que la théorie du genre, la pensée constitutionnelle des Fondateurs plutôt que leurs critiques progressistes. Et sur le campus, les statues de Ronald Reagan, Margaret Thatcher, Winston Churchill et Abraham Lincoln sont là pour le rappeler.
En fin de compte, cette polémique dévoile toute l’absurdité de l’idéologie anti-raciste. Face à cette dernière, l’éthique de « l’aveuglément racial » [color blindness], qui conduit à admettre chaque personne selon son seul caractère, n’a plus lieu d’être. Les étudiants cèdent la place aux statistiques.
Cet article est publié en partenariat avec Le Bulletin d’Amérique.
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