Plusieurs milliers de Turcs ont effectué la prière du matin, samedi 31 mai (anniversaire de la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453), devant Sainte-Sophie à Constantinople (Istanbul), pour réclamer sa transformation en mosquée. La prière était dirigée par le cheikh saoudien wahhabite Abdallah Basfar. Cette manifestation était organisée par l’Association de la Jeunesse d’Anatolie, qui constitue la branche jeune du Parti de la Félicité. Ce parti a été dirigé jusqu’à sa mort en 2011 par Necmettin Erbakan, éphémère Premier ministre de la Turquie en 1996 et 1997 déposé par l’Armée. En 1989, dans un discours demeuré célèbre, ce personnage déclarait : « Les Européens sont malades. Nous leur donnerons des médicaments. L’Europe entière deviendra islamique. Nous conquerrons Rome. »
Siège patriarcal de l’orthodoxie pendant neuf siècles, puis mosquée turque durant cinq siècles, la basilique Sainte Sophie est officiellement un musée depuis 1934. Le fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk, souhaitait imposer la neutralité du lieu de culte afin de l’ériger en symbole de la sécularisation de l’État. La transformation de Sainte-Sophie à nouveau en mosquée avait été évoquée en novembre 2013 par Bülent Arinç, le vice-Premier ministre turc: « Une mosquée ne peut servir à autre chose qu’au culte. Nous voyons une Sainte-Sophie triste. Nous prions pour que les jours où elle retrouvera le sourire ne tardent pas, si Dieu le veut (Inch Allah) ».
Le gouvernement du Parti de la justice et du développement a clairement manifesté son intention de reconvertir en mosquées les anciens lieux de culte byzantins, convertis en mosquées par les Ottomans puis en musées par la république kémaliste. Deux anciennes églises orthodoxes, Sainte-Sophie de Nicée (Iznik en turc) et Sainte-Sophie de Trébizonde (Trabzon en turc), devenue des musées sous Atatürk, sont redevenues des mosquées, respectivement en 2011 et 2013. Rappelons que le Credo est aussi connu sous le nom de « symbole de Nicée », car adopté au premier concile de Nicée en 325. Le monastère Saint Jean Prodromos, plus ancien édifice chrétien subsistant à Istanbul, a lui aussi été ouvert au culte musulman en 2013.
À l’évocation de ces villes et lieux de culte, fleurons de la civilisation hellénique byzantine, on mesure ce que signifie le concept de « Grand remplacement ». Aujourd’hui il n’y plus que quelques milliers de Grecs et d’Arméniens, peuples autochtones, en Turquie. Kémal Atatürk, conscient du handicap que constituait l’islam pour son peuple, a voulu séparer la religion et l’État, mais aussi conduire une désarabisation radicale en adoptant l’alphabet latin et en remplaçant les mots arabes qui défiguraient la langue turque. Il est vrai qu’on lui attribue des mots définitifs contre la religion musulmane, qualifiant les imams et autres oulémas de « crasseux enturbanés » et Mahomet de « bédouin pervers ».
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