Les patriarches orientaux réunis à Bkerké demandent “l’éradication” de l’EIIL

Crédit : L’Orient-Le Jour

Réunis samedi 27 août à Bkerké, autour du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, les chefs de sept autres Eglises orientales (Mgr Nersès Bedros XIX (arménien-catholique), Mgr Ignace Youssef III Younan (syriaque-catholique), Mgr Louis Raphaël Ier Sako (chaldéen), Mgr Ephrem II Karim (syriaque-orthodoxe), Aram Ier Kéchichian (arménien-orthodoxe), Grégoire III Laham (grec-catholique), le pasteur Sélim Sahiouni (Église évangélique) et un représentant de l’Église grecque-orthodoxe) ont lancé un appel commun qui condamne les “crimes contre l’humanité” commis par l’EIIL. Les gouvernants doivent assumer la “responsabilité” “d’éradiquer” cette organisation terroriste.

En voici un long extrait (la traduction s’appuie quasi-totalement sur celle, partielle, de L’Orient-Le Jour). L’original est disponible, en arabe, ici.


À Bkerké, le 27 août 2014

[dropcap]”I[/dropcap]l est désormais clair et bien documenté que l’agression contre les chrétiens dans notre monde aujourd’hui prend une tournure grave qui menace la présence chrétienne dans plusieurs pays, notamment le monde arabe, et plus particulièrement l’Égypte, la Syrie et l’Irak. Les chrétiens de ces pays sont victimes d’agressions et de crimes odieux qui les poussent à émigrer arbitrairement de leurs pays, dont ils sont des citoyens de souche depuis deux mille ans. Les sociétés islamiques et arabes sont ainsi privées d’une richesse humaine, culturelle, scientifique, économique et nationale importante. Cela est fort douloureux, mais ce qui l’est encore plus reste le silence face à ce qui se produit et l’absence d’une position unifiée au plan régionale de la part des autorités de référence influentes dans le monde, notamment islamiques, spirituelles, politiques, ainsi que la position internationale tiède vis-à-vis de ces événements.

La mission Pour Qu’ils Vivent ne s’autorisera aucun repos dominical. Les besoins s’accumulent et l’urgence ne cesse d’être de plus en plus criante sur le terrain. Aujourd’hui ce sont les habitants de Kerlemnès qui appellent nos bénévoles. Ils vivent entassés dans un immeuble en construction à proximité de Mar Youssef. Ils manquent de tout mais une crise grave se profile : l’eau vient à manquer pour les jours à venir. Fidèle à sa réputation de réactivité, SOS Chrétiens d’Orient parvient à organiser la livraison de 1300 douzaines de bouteilles d’eau d’un demi litre pour le mardi suivant. 200 autres iront pour le centre de réfugiés yézidis.” – SOS Chrétiens d’Orient

La grande catastrophe s’est abattue aujourd’hui sur les chrétiens d’Irak, ceux de Mossoul et les 13 villages de la plaine de Ninive, ainsi que sur les yézidis et d’autres minorités. Tous ont été déracinés de leurs maisons par ce qui est appelé “l’État islamique – Daech” et les ont quitté terrorisés, laissant tout derrière eux. Le sanctuaire de leurs églises, leurs mosquées et leurs lieux de culte a été violé, leurs maisons dynamitées, leurs routes pavées de mines. Leur nombre avant l’exode était de 120 000, et 60 000 d’entre eux sont aujourd’hui déplacés dans le mohafazat d’Erbil et 50 000 dans le mohafazat de Dohouk. Nous exprimons nos remerciements profonds à ceux qui les ont accueillis dans la région du Kurdistan (…) et qui leur ont offert une aide humanitaire, morale, spirituelle et matérielle (…).

Nous appelons avec insistance la communauté internationale à déployer ses efforts, l’hiver frappant aux portes, afin de leur trouver un logement, les aider à retrouver le chemin de l’école et de l’université, libérer leurs maisons et leurs biens pour qu’ils puissent y retourner en toute dignité, et protéger leurs droits et leur sécurité de citoyens.

La tragédie humaine qui a frappé les chrétiens d’Irak, les yézidis et les autres parmi ceux qui ont été chassés de leurs maisons devrait pousser la communauté internationale et l’Union européenne, en coordination avec le gouvernement central irakien et celui de la région du Kurdistan à :

  1. conduire une action efficace et urgente pour libérer les villes de la plaine de Ninive
  2. faciliter le retour des déplacés dans leurs villages et leurs maisons à Mossoul et Ninive,
  3. dispenser la sécurité à ces villages avec des garanties internationales et locales des deux gouvernements de Bagdad et du Kurdistan pour qu’ils ne soient pas évincés de leur terre, et pour que leur identité historique et leur culture glorieuse ne disparaisse pas.

La mise au pas des fondamentalistes terroristes takfiristes

[dropcap]L[/dropcap]es États, surtout arabes et islamiques, ne peuvent pas rester silencieux et sans bouger face à “l’État islamique -Daech”, et les organisations terroristes et takfiristes similaires qui portent une atteinte considérable à l’image de l’islam dans le monde. Ils sont appelés à émettre des fatwas religieuses rassembleuses qui interdiraient le fait d’apostasier l’autre, quelles que soit sa religion, sa communauté ou sa croyance, et condamneraient l’agression contre les chrétiens, leurs biens, et leurs églises dans leurs législations nationales. Ils sont également appelés à dynamiser la communauté internationale et les instances pour éradiquer ces mouvements terroristes par tous les moyens autorisés par le droit international.
C’est là le double devoir de l’Onu, du Conseil de sécurité et du CPI. La communauté internationale est elle aussi responsable du développement de “l’État islamique – Daech” et autres mouvements takfiristes terroristes. À ces deux devoirs s’ajoute la nécessité de faire pression par la force, de la part de la communauté arabe et internationale, sur les bailleurs de fonds de ces groupes, les trafiquants d’armes et ceux qui les entraînent, États et groupes, pour couper les sources de la violence terroriste takfiriste.

La solution aux drames du Proche-Orient

Des familles de Mossoul arrivent au checkpoint avant de gagner Erbil, capitale du Kurdistan irakien, le 12 juin 2014.” – Crédit : RFI

[dropcap]C[/dropcap]hrétiens et musulmans ont vécu ensemble durant 1 400 ans. Les chrétiens ont toujours été les vecteurs de la renaissance, des bâtisseurs (…) et ont diffusé une culture de la diversité, de l’ouverture et du respect de l’autre, de la coopération avec lui, ainsi que les valeurs de la citoyenneté, et ont consolidé les libertés publiques et les droits de l’homme. Ils ont vécu dans leurs patries avec sagesse et perspicacité, et ont respecté les autorités politiques et se sont soumis aux Constitutions et aux lois. Ils ont été des citoyens modèles et se sont gagné le respect des rois, des princes et des dirigeants.

En dépit de tout cela, les chrétiens restent attachés à leur terre, leur patriotisme, leur liberté en tant que citoyens de souche dans leurs pays. Ils sont attachés aux valeurs de l’Évangile et aux enseignements du Christ par le biais desquels ils règlent leurs relations avec les autres, notamment leurs frères musulmans, qui vivent avec eux au sein des mêmes nations. Les chrétiens sont attachés au partenariat dans la formation d’une identité nationale sur base de l’égalité et de la coopération avec l’ensemble des composantes de la société, sur base de la diversité dans l’unité, sans aucune distinction raciale ou religieuse. Ils sont attachés au fait de témoigner à travers leurs efforts marqués pour la paix et la stabilité, la consécration des libertés publiques, notamment d’opinion et d’expression, de religion et de croyance. Ils aspirent en permanence au respect de l’autre, et considèrent que la diversité est une source de richesse et un moyen de complémentarité et d’enrichissement mutuel.

(…)

Séparer la religion de l’État

[dropcap]L[/dropcap]es solutions doivent résoudre les causes des malheurs des pays du Proche-Orient, et parvenir à une paix juste, globale et permanente. Il faut ressouder les liens entre les composantes de ces pays, et œuvrer en faveur d’une réconciliation au sein de la même religion et cesser d’utiliser les extrémistes, les terroristes et les mercenaires, et de les soutenir, les financer et les armer, eux qui commettent des crimes contre l’humanité et Dieu, et au nom de la religion (…).

Pour permettre aux pays du Proche-Orient de bénéficier d’une paix juste, globale et permanente, ces derniers doivent, avec le soutien de la communauté internationale, séparer la religion de l’État et aller vers l’édification de l’État civil. Ce n’est qu’à ce moment-là que la religion ne régnera plus sur la politique, et que l’autorité politique ne sera plus exploitée au service de la religion et ses intérêts, et le corpus religieux ne pourra plus dominer les exigences de la modernité. L’esprit de corps religieux s’est réalisé par un État propre à lui, mais il ne peut pas assurer sa sécurité, sa stabilité et sa paix, quels que soient ses fonds, ses armes, son influence et ses astuces. L’esprit de corps qui mange ses ennemis finit pas se manger lui-même. Il est donc nécessaire de diffuser la philosophie de l’État moderne fondé sur l’égalité, la justice, le respect de la dignité du citoyen, la liberté d’expression, de culte et de croyance, et la préservation des lieux sacrés et du patrimoine.”

La Syrie et l’élection présidentielle au Liban

Crédit : L’Orient-Le Jour

Les patriarches ont aussi parlé “d’hémorragie” au sujet de la Syrie, qui doit être traitée par « le dialogue et une solution politique. » Les Syriens  ont trop longtemps été ignorés par la communauté internationale. Ils rappellent que deux évêques sont prisonniers des terroristes depuis plus d’un an : Mgr Yohanna Ibrahim et Mgr Paul Yazigi.

Le dernier paragraphe évoque la situation libanaise : les patriarches appellent « les blocs politiques et les députés à séparer l’élection du président des conflits régionaux et internationaux », et à « se concerter et s’entendre pour élire un président dans les plus brefs délais » afin de relancer la dynamique institutionnelle et nationale. Le communiqué conclut : « L’élection présidentielle est un devoir, avant de prendre une décision concernant l’échéance législative »

Mgr Yohanna Ibrahim et Mgr Paul Yazigi. ©AED

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34 Comments

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  • hermeneias , 4 septembre 2014 @ 11 h 36 min

    Pascal il faut sortir du blabla théorique et de l’auto-enfumage addictif répété dans certaines “écoles cathédrales” républicaines bon teint d’une église honteuse regardant ses pompes et battant sa coulpe pour plus de 1000 ans de chrétienté !
    Avant la “laicité” ré-public-haine nous n’avions rien compris !
    Gloire à la sainte révolution qui nous a tous sauvés de l’ignorance et de l’obscurantisme ….Amen ….

    Après ce genre de bouffées d’encens avec substances euphorisantes associées , RETOUR au réel terreux et glaiseux qui colle aux semelles ! Cela dégrise ! Et l’air pur fait du bien !
    Vous n’avez toujours pas dit , probablement pas réfléchit beaucoup , ce qui appartient à César … Rien ! Absolument Rien ! Car César est un bouffon , il est nu comme les autres même s’il s’enfle et se met des plumes d’autruches où je pense cela n’y change rien ! Nu il est sorti du seing maternel nu il repartira ….La réponse du Christ sur l’impot à César est très subtile et elle renvoie les tordus dans leurs buts et ils n’ont probablezment pas compris la réponse….
    La réponse viendra …..plus tard quand Pilate demandera au Christ s’il est roi et quand Il lui dira qu’il n’aurait aucun pouvoir s’il ne lui avait été donné d’en-haut . Cela signifie qu’il n’a pas tout les pouvoirs et que son pouvoir est reçu ! Mais le “brave” Pilate , tout comme César ou Hollande , n’en a aucune idée et n’en croit rien ….

    La laicité dont vous parlez est théorique et rhétorique

  • Pascal , 4 septembre 2014 @ 12 h 29 min

    Vous me faites dire des choses que je n’ai pas dites. Mon propos n’est pas polémique, il se veut rassembleur.

    Il est vain de combattre une République qui n’est plus, une démocratie en congé, d’appeler laïcité un islam religion d’Etat, sauf à servir la soupe à nos ennemis qui ne s’y trompent pas. Laïques, agnostiques, athées, démocrates, républicains ou monarchistes, nous sommes tous des chrétiens à combattre.

  • hermeneias , 4 septembre 2014 @ 15 h 19 min

    Euuh Pascal

    c’est que je ne saisis pas bien et que je ne crois pas au grand rassemblement dont vous parlez .

    Certains “laics” sont des dhimmis honteux et les strauss-kahn et autres roués ont clairement fait le choix de l’islam .
    Déjà le petit corse mégalo , buanaparte , en égypte probablement illuminé par les lumières des loges obscures et républicaines , se prenait pour Alexandre et se prenait en même temps pour un grand musulman . Il croyait en tout le q-n et surtout il s’y croyait .

    Donc ça n’est pas d’aujourd’hui !

    Et sans diagnostic il n’y a pas de remède

  • Pascal , 4 septembre 2014 @ 16 h 12 min

    Encore une vielle lune que ces francs-maçons. L’un des plus éminents d’entre eux est le pape de la contre-révolution, Joseph de Maistre. Le vice-pape de la contre-révolution est un autre franc-maçon, Edmund Burke.

  • louis , 4 septembre 2014 @ 21 h 31 min

    La France a toujours été laïque, toujours.

    Les premiers païens qui se sont convertis au christianisme étaient aryaniste : chef religieux et chef de guerre étaient confondu dans la même personne parce qu’ils considéraient que c’est Dieu qui donne la victoire.

    wiki : http://fr.wikipedia.org/wiki/Clovis_Ier
    ” les familles royales sont censées descendre des Ases. De ce fait, les rois barbares ont une origine sacrée faisant d’eux à la fois des chefs de guerre mais aussi des détenteurs d’un pouvoir spirituel. Aussi, lorsqu’un chef « barbare » se tourne vers le christianisme pour tenter un rapprochement avec les populations autochtones romanisées, il opte plutôt pour l’arianisme, qui permet au roi de s’identifier au Christ surhomme et de devenir le chef de l’Église, et ainsi de conserver son pouvoir religieux”

    Dans le catholicisme, le chef religieux, spirituel, c’est le pape, le chef civil, terrestre, de guerre, c’est une autre personne, c’est la laïcité.

  • hermeneias , 4 septembre 2014 @ 22 h 24 min

    Euh Pascal vous avez du mal à comprendre ou vous le faites exprès ?

    Le point essentiel ici c’est que buonaparté , l’exportateur de la ré-publique ad gentes s’est pris pour Alexandre le grand , et un grand admirateur du coran

  • Pascal , 4 septembre 2014 @ 23 h 54 min

    Il était surtout opportuniste et rusé.

    L’exportation de la révolution c’est principalement l’exportation de l’idée de nation. Robespierre avait déclaré que la démocratie n’est pas un article d’exportation et un siècle plus tard Gambetta répondra aux esprits obtus qui s’opposaient au financement des établissements des jésuites au Liban que l’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation.

    Avec l’exportation de l’idée de nation nous avons déstabilisé l’islam comme nous n’avions jamais réussi à le faire de toute notre histoire, même durant les croisades. Nous avons indirectement contribué à l’abolition du califat (632-1924) et plus directement à la création d’Etats-nations qui sont de véritables hérésies pour l’islam.

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