1er août 1589 : Assassinat de Henri III par Jacques Clément

« Ce Roy étoit un bon prince, s’il eût rencontré un meilleur siècle. » disait de lui Pierre de L’Estoile.

Vision romantique de l’assassinat du duc de Guise, par Duprat, peintre du xixe siècle. Cette scène rassemble divers élément qui ont fait la “légende rose” d’Henri III. Sur la droite, se trouvent deux mignons rendus ridicules par leur attitude maniérée et leur costume de couleur jaune et rose. L’artiste n’a pas omis de mettre entre les mains de l’un d’entre eux un bilboquet, qui donne au personnage un caractère frivole. La scène n’a rien d’historique, d’une part à cause de la présence de ces deux figures théâtrales, pur produit de l’imagerie populaire, et d’autre part, par le mépris ici manifesté au cadavre du duc de Guise.

Né le 19 septembre 1551 à Fontainebleau, troisième fils de Henri II et de Catherine de Médicis, baptisé sous le prénom d’Alexandre-Edouard et dernier Souverain de la dynastie des Valois.

Il fut Roi de Pologne et Grand Duc de Lituanie élu par la Rada (1) en 1573-1574, avant de s’enfuir du Château de Wawel à Cracovie pour être sacré Roi de France en 1575 après la mort de son frère Charles IX (1574).

Souverain à la personnalité complexe, il est resté longtemps mal jugé du fait que son image est restée attachée à la propagande des ligueurs du clan des Guise. Celle-ci a notamment insisté sur une prétendue (fausse) homosexualité, pour dénoncer les « Mignons » c’est-à-dire les favoris de Henri III qu’étaient notamment les Ducs d’Epernon et de Joyeuse. Des écrivains comme l’Estoile et Brantôme ont même mis en avant la passion du denier Valois pour les femmes (chose très coutumière dans cette dynastie, excepté sans doute pour Charles V). Toutefois, les derniers travaux historiques telles les biographies que lui ont consacrées Jean-François Solnon et Michel Pernot, montrent un souverain, cultivé, intelligent, conscient de sa charge et de sa dignité.

Roi pieux (il apprécie les retraites au Couvent des Hiéronymites de Vincennes), humaniste, protecteur des arts et lettres, conscient de sa charge, soucieux de la grandeur de la France et jaloux de sa dignité de monarque, il arrive sur le trône alors que le Royaume est déchiré par les Guerres de Religions. Le règne de Henri III sera marqué par le sang.

Il choisit d’abord d’affronter par la force, les Armées de son cousin Henri de Navarre qui tient tout le Sud-Ouest (Poitou, Périgord, Quercy, Béarn, Gascogne, Navarre), tout en déjouant les complots de son propre frère François d’Alençon devenu ensuite Duc d’Anjou (titre octroyé par Henri III). La Paix est signée en 1577 par l’Édit de Poitiers. En1580, éclatera la brève guerre dite « des Amoureuses ».

En 1584, Henri III doit faire face à un nouvel adversaire ; la Ligue Catholique que commande le Duc François de Guise, épaulé par ses frères le Cardinal Louis II de Guise et le « Gros »  Charles de Mayenne Duc de Lorraine (2). En effet, François d’Anjou étant décédé de maladie sans enfant et Henri III n’ayant lui-même pas d’héritier, selon les Lois Fondamentales (et notamment la Loi Salique), la Couronne de France doit revenir à Henri de Navarre, le Calviniste.

Ne pouvant guère envisager qu’un Protestant devienne Roi de France, les Guise – qui bénéficient d’un très large soutien populaire et de celui des recteurs de la Sorbonne (notamment celui de l’implacable Père Jean Boucher) – déclenchent la Septième guerre de Religion. Sous la pression des Guise, Henri III doit signer le Traité de Nemours (1585) par lequel il s’engager à « bouter les hérétiques hors du Royaume ». Mais la désastreuse bataille de Coutras (1587) qui voit les armées de Henri de Navarre écraser les Royaux du Duc de Joyeuse, en plus de l’ambition hostile des Guise, conduisent Henri III à envisager une réconciliation avec son cousin Navarre.

Vont alors se dégager trois camps : les Ligueurs rassemblés autour des Guise et de la Sorbonne (soutenus par Philippe II d’Espagne), les Politiques (Calvinistes mais aussi Catholiques ralliés à Henri de Navarre) et les Royaux (peu suspects de sympathie pour les Protestants mais avant tout fidèles au Roi et hostiles à la puissance des Guise). Relevons dans cette dernière catégorie des noms comme François d’O « le Grand Économique » (celui que les Ligueurs appellent  « l’Archilarron » ), François du Plessis de Richelieu Grand Prévôt de Paris (père du futur Cardinal-Ministre de Louis XIII) et les très loyaux Alphonso d’Ornano et Jacques de Goyon de Matignon (à qui Henri III confie la mission de contenir le parti Protestant dans ses provinces sans l’anéantir). Cette période du règne du dernier Valois sera appelée  « Guerre des Trois Henri ».

Le 13 mai 1588, afin de soutenir le Duc de Guise qui a bravé l’interdit d’entrer dans les murs de Paris, la populace parisienne et la Sorbonne déclenchent la journée des Barricades qui force Henri III à quitter Paris pour Chartres. Une grande partie de la Province suit sauf des places comme Angers (tenue par un autre fidèle, le Maréchald’Aumont), Beaugency, Tours, Blois (où le Roi s’établit), Amboise et le Dauphiné (tenu par d’Ornano).
Mais à compter de cette date, Henri III a choisi sa politique ; débarrasser la France de la Ligue, quitte à ruser en louvoyant et en se courbant devant la famille de Guise. Dupant entièrement cette dernière par l’Édit de Rouen, il projette en coulisse de monter un  « Coup de Majesté » contre Henri de Guise.

Le 1er août 1588 aux États Généraux de Blois, appuyé sans retenue par François du Plessis, Henri III évince tous ses conseillers suspectés de sympathie envers la Ligue. Même Hurault de ChevernyPomponne de Bellièvre et d’Epernon, pourtant réputés fidèles, ne sont pas épargnés.

Louvoyant et rusant toujours, en décembre 1588, Henri III convie Henri de Guise à Blois pour des négociations. Ne se méfiant pas, le Lorraine est impitoyablement passé à la rapière par les gardes du corps du Roi le 23 décembre. Le lendemain, jour de la veillée de Noël, c’est le Cardinal Louis II de Guise qui tombe sous les coups des hallebardes. Cet acte provoque un soulèvement général et coûtera à Henri III l’excommunication par Sixte Quint, pendant que Jean Boucher et d’autres prêcheurs fanatisés appellent le Peuple à tuer le tyran Valois.

Que cela ne tienne, le 30 avril 1589, Henri III rencontre Henri de Navarre au Plessiz-lès-Tours (là où Louis XI résidait) et scellent leur réconciliation. Les deux armées fusionnent et emmenées par des chefs compétents comme Henri de Turenne (grand père du Maréchal de Louis XIV), François de Bonne de Lesdiguières, Jacques de Matignon, Jean d’Aumont, etc. elles battent les troupes du Duc de Mayenne pour aller assiéger Paris.

Mais le 1er août 1589, alors qu’il réside à Saint-Cloud, Henri III est approché par un jeune frère Dominicain répondant du nom de Jacques Clément qui le poignarde et le blesse gravement. Clément est littéralement haché menu par les gardes du corps du Roi. Malheureusement, Henri III expire le lendemain 2 août après avoir solennellement appelé ses conseillers les plus proches à se rallier à Henri de Navarre (qui selon certains témoins était en pleurs au chevet de son cousin). Du Plessis, Matignon et d’Aumont s’ y résoudront pendant que d’O militera pour que le Vert-Galant se convertisse au Catholicisme. Henri de Navarre accepte de se faire instruire dans la religion catholique et en vertu des lois fondamentales, devient Roi de France et de Navarre le 2 août 1589.

Avec la mort de Henri III, s’éteint la flamboyante et brillante dynastie des Valois, celle des Bourbon arrive.

En raison de la légende (bien souvent noire) qui l’entoure, Henri III apparaît bien souvent dans les productions naturelles françaises. En tant que Duc d’Anjou, on le retrouve dans la nouvelle de Madame de La FayetteLa Princesse de MontpensierAlexandre Dumas le présente sous un angle peu favorable mais non homosexuel dans la pièceHenri III et sa cour (1829), La Reine Margot et La Dame de Monsoreau. Plus récemment, Jean d’Aillon, spécialiste du roman policier à trame historique, présente un portrait plus objectif de Henri III dans sa trilogie La Guerre des Trois Henri.

Au cinéma, on le retrouve dans des œuvres de qualité inégale. Dans les deux adaptations de La Reine Margot (1954 et 1993), Jean Dréville et Patrice Chéreau insistent sur sa prétendue homosexualité, que Bertrand Tavernier met à bas dans La Princesse de Montpensier (2010). Plus léger, Hardi Pardaillan ! film de cape et d’épée de Bernard Borderie montre Henri III (joué par Jacques Castelot) devant faire face aux perfidies du Duc de Guise.

1. Assemblée de la Noblesse Polonaise qui élit les Rois de Pologne
2. La Ligue a été fondée par le père des trois personnages mentionnés, François II de Guise, Capitaine de Henri II.

Lire :
– SOLNON Jean-François : Henri III, un désir de Majesté, Perrin
– PERNOT Michel : Henri III, le roi décrié, Éditions de Fallois
– JOUANNA Arlette : Le devoir de révolte. La Noblesse Française et la gestation de l’État Moderne, 1559-1661, Fayard

* Pour la qualité de la reconstitution historique
D’AILLON Jean : La Guerre des Trois Henri, Jean-Claude Lattès
– Les Rapines du Duc de Guise
– La Guerre des Amoureuses
– La Ville qui n’aimait pas son Roi

> le blog d’Eudes Turanel

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36 Comments

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  • monhugo , 4 août 2013 @ 2 h 02 min

    “Sans parler de François 1er” (après avoir évoqué Henri III et Henri IV – étonnant). François 1er est le père d’Henri II, lequel est le père des trois derniers Valois : François II, Charles IX et Henri III.

  • hermeneias , 4 août 2013 @ 9 h 12 min

    François 1er est ce salopard qui a fait “l’alliance impie” avec le Turc , qui a permis à Barberousse , à la solde du sarrasin , et à ses sbires d’occuper et de saccager Toulon et Marseille …tout cela pour la petite gloriole d’un de ces roitelets infatués , aimant le luxe , l’apparat et la luxure….Bref , on était loin de St Louis et de Charlemagne . Depuis Philippe le bel et Anagni sans doute qqe chose était-il pourri au Royaume de France .

    Isidore de Séville évêque de Séville au 6°-7° siècle érudit et lettré , à la suite de son frère ainé St Léandre , définissant la royauté d’un point de vue chrétien après la conversion du roi wisigoth Récarède au catholicisme a dit depuis longtemps qu’en quelque sorte , un roi est révocable s’il ne régit pas bien son peuple…

    Cette réflexion qui vient de loin , donc dés l’apparition de “rois chrétiens” ou soi-disant tels , et que l’on retrouve chez Grégoire le grand , pape contemporain de Léandre et d’Isidore , puis reprise par d’autres théologiens …ont pu inspirer les régicides de rois scandaleux , voluptueux et cyniques à la fois.

    Henri III a fait assassiner Guise , il est assassiné point fermez le ban !
    Même topo à peu près pour le suivant Henri IV abjureur récidiviste qui a du faire le siège de Paris et a passé son temps à courir les tendrons quitte à déclencher des guerres tout en faisant la part belle aux protestants

  • Clément , 4 août 2013 @ 12 h 07 min

    Tout ce que vous venez d”écrire sont des “mots” qui ne cesseront jamais de l’être: “guerres fratricides”, quand il s’agit de l’essentiel, elles auront toujours lieue. L’important est de savoir pourquoi l’un ou l’autre franchit le Rubicon à partir de quoi la vie ne vaudra plus la peine d’être vécue, sauf à se convertir à ce que l’on exècre.

  • Clément , 4 août 2013 @ 12 h 13 min

    Je trouve cet article hagiographique. L’homosexualité d’Henri III peur se discuter, mais non s’exclure (Brantôme est tout de même suspect). Par ailleurs, le duc de Guise avait autant de fondement à son opposition au roi que Henri de Navarre à vouloir conquérir le royaume. Henri III au milieu était le marais.

    Quant à la solution; assassiner le duc et sa famille, elle celle d’un fourbe et d’un criminel.

    Quant au futur Henri IV, sa guerre contre le roi ne pouvait être légitimée que par le souvenir de la Saint-Barthélémy, mais elle reste une atteinte à l’unité du royaume et de ce point de vue il fut un félon.

    Qu’il fut, plus tard, un “bon roi” n’empêche pas sa faute.

  • hermeneias , 4 août 2013 @ 12 h 14 min

    Sans être “royaliste” , ça n’est pas la question , je dirais qu’il vaut mieux un bon roi qu’un mauvais président .

    Il faudrait pouvoir virer et révoquer un “président” !

    Mais , en dépit des systèmes et régimes , l’homme ne change pas avide de pouvoir et de richesse , trompeur souvent ….

  • Catholique & Français , 4 août 2013 @ 13 h 23 min

    Hermeneias, vous êtes un ignorant et un pédant sur une question que vous semblez ne connaître que très superficiellement. Entre autres, par exemple :
    – Henri III s’est réjoui publiquement de l’éclatante victoire de Lépante à laquelle il a regretté de ne pas avoir contribué, à cause des graves troubles du royaume.
    – parler de l'”assassinat” du duc de Guise est particulièrement malhonnête et déplacé. Le terme adapté est “exécution” ! En effet, le roi de France était, sous l’Ancien Régime, la plus haute autorité de Justice et n’avait de comptes à rendre qu’à Dieu, y compris pour la peine capitale. Il avait donc parfaitement le droit de faire exécuter le duc de Guise et ses complices. Si cette exécution s’est déroulée dans des circonstances particulièrement anormales et indignes, ce n’est pas la faute de roi, mais à cause des exceptionnelles gravité, urgence et danger pour la France de cette situation. La démocratie, même chrétienne, a toujours été un fléau pour la grandeur de la France.
    – puisque vous traitez Henri IV d'”usurpateur”, vous devriez savoir que le Ciel n’a pas ratifié votre sentence grotesque en qualifiant Louis XIV, petit-fils d’Henri IV, de “fidèle ami”, quatre ans après la révocation de l’Edit de Nantes (Paray le Monial 1689) !
    – etc… etc…

  • Charles , 4 août 2013 @ 14 h 03 min

    De grace, Monhugo,soyez assez gentille
    de nous faire des paragraphes.
    De 3 à 4 lignes pas plus.

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