Le mouvement historique d’opposition à la loi Taubira n’aura pas eu que des conséquences politiques, mais également humaines. Il est important de comprendre les raisons qui ont amené le monde catholique et en particulier les jeunes, fers de lance de la mobilisation du printemps dernier, à soutenir un tel engagement corps et âme. Aspect souvent inconscient mais omniprésent, le facteur spirituel de la mobilisation est un point fondamental, qui touche à la redécouverte de l’identité catholique.
Il n’y avait pas vraiment de quoi être fier
Quelle était l’image publique renvoyée du catholique-type jusqu’à récemment ? Si l’on excepte certains parcours exemplaires tournés vers l’engagement humanitaire tel celui d’un Tim Guénard, modèle admirable mais politiquement neutre, que restait-il ? Au mieux, le stéréotype du ravi de la crèche, gentil mais un peu nigaud, certes digne de confiance, mais incapable d’assumer un rapport de force en raison de son conditionnement à la contrition et au repentir. Au pire, celui du vieux con aigri, éternel vaincu de l’histoire, replié dans sa maison de famille à ressasser le bon temps fantasmé d’un passé révolu. Le crétin ou le vaincu. Dans ces conditions, comment s’étonner que le catholicisme ne fasse pas envie, qu’il apparaisse comme cette “religion masochiste complètement féminisée” dénoncée par un Alain Soral, “morale des faibles, des esclaves et des prostituées” stigmatisée par le philosophe Friedrich Nietzsche ? Comment s’étonner que la pratique religieuse ait connu une telle chute quand même un Ivan Rioufol en vient à déclarer “avoir arrêté de fréquenter les églises, lassé des curés n’ayant plus rien à dire en dehors des banalités angéliques” ?
Le modèle WASP ou la décadence du catholicisme
Comme pointé par la blogueuse Gabrielle Cluzel, l’état actuel du catholicisme en France s’explique en grande partie par une évolution de nombreux fidèles vers le modèle WASP (White Anglo Saxon Protestant), délaissant l’engagement civique et patriotique pour se consacrer à leur carrière professionnelle. Ce “Yalta culturel” dénoncé notamment par Maitre Frédéric Pichon, voyant les catholiques abandonner le domaine des idées pour se consacrer à celui des affaires, peut s’observer à la veille de chaque grande crise de l’histoire de France. Montée en puissance de la noblesse de robe au détriment de la noblesse d’épée sous Louis XV menant à la révolution française, de la bourgeoisie d’affaire avec son mot d’ordre “enrichissez-vous !” (Guizot) au détriment de la noblesse enracinée sous le “roi-bourgeois” Louis-Philippe sonnant le glas de la dernière restauration, de la droite giscardienne autoproclamée “gestionnaire” sur la droite gaulliste résistante menant à la prise de pouvoir des socialistes en 1981. Le même schéma se retrouve à chaque fois : un relâchement spirituel de l’élite catholique masqué par une insolente réussite matérielle.
Certains catholiques à chevalière, ayant refusé de prendre part au mouvement du printemps dernier afin de ne pas handicaper leur carrière professionnelle, rappellent furieusement ces lords écossais Mordred et Lachlan prêts à vendre William Wallace pour quelques prébendes supplémentaires. Qu’ils prennent garde à ne pas finir de la même façon.
L’engagement militant : un retour aux sources du catholicisme
“Je ne suis pas d’accord avec tes idées, mais tu as du courage de te battre comme tu le fais pour tes valeurs.” Cette phrase, entendue au cours des derniers mois par de nombreux jeunes ayant subis les gazages et les gardes à vue, illustre l’évolution de l’image du catholique dans l’opinion publique. Le Christ, modèle du catholique, ne s’est pas distingué par sa force physique, fierté du païen, ni par son intelligence technicienne ou financière. Il s’est distingué par sa force morale, sa capacité à assumer publiquement ses convictions et l’opprobre qu’elles suscitent, prêt à subir injures et horions jusqu’à la mort.
La présence massive de jeunes portant des noms à particule et appartenant à des catégories socio-professionnelles privilégiées parmi les manifestants, chantant le Gloria des paras face aux CRS, a suscité l’incompréhension et souvent la moquerie. C’est oublier que les ancêtres nobles de beaucoup de ces jeunes “privilégiés” n’ont pas accédé à l’élite sociale de l’époque par leurs mérites professionnels et leur culture de “l’entrepreneuriat”, mais par l’engagement au service de leur pays et le sens du sacrifice au service des siens.
L’assimilation par un Pierre Bergé de cette prise de distance par rapport à l’argent à un “humus antisémite” fantasmé permet de mesurer toute la crainte que le réarmement moral des catholiques inspire à leurs adversaires.
Conclusion : du souffle de l’esprit au souffle de l’histoire.
“On reconnaît l’homme médiocre au fait qu’il soit incapable de se mépriser lui-même”, déclarait le philosophe Friedrich Nietzsche. Qualifié de “populisme chrétien” par le politologue Patrick Buisson, le mouvement du printemps dernier aura été l’occasion pour les catholiques de retrouver la fierté d’être ce qu’ils sont. De l’idiot du village au martyr qui “ne lâche rien”, le changement d’image des catholiques vis à vis d’eux-mêmes, se lavant de leurs renoncements passés par le baptême au gaz lacrymogène et le chemin de croix des cellules de garde à vue, est sans doute le principal ressort expliquant la mobilisation du printemps dernier. Peu porté au combat intellectuel comme l’a montré le philosophe Alain de Benoist, l’homme de droite l’est par contre au combat spirituel, et est prêt à se lever pour peu que son action s’inscrive dans une perspective de cet ordre. Il y aurait tout à gagner à l’avenir à mettre en avant cet aspect des choses.
56 Comments
Comments are closed.