En ce début de nouvelle année 2015 qui va permettre encore davantage à la pensée de droite de se développer, à travers les blogues et l’activisme, afin de peu à peu supplanter l’hégémonie culturelle de la gauche – et pouvoir enfin réformer en profondeur un pays, un peuple et une civilisation franco-européenne en train de mourir –, j’aimerais synthétiser pour le lecteur la remarquable étude du politologue de gauche Gaël Brustier qui, émerveillé par l’ampleur des « Manifs pour Tous », a scruté avec une profondeur rare les racines et le déploiement de ce mouvement et prédit que son impact, tel un Mai 68 inversé, serait colossal dans les décennies à venir en France et en Europe.
1) Un mouvement d’abord de jeunesse catholique et « tradismatique »
Le premier élément instructif de son livre, intitulé Le Mai 68 conservateur. Que restera-t-il de la Manif pour Tous ?, est de montrer que ce mouvement fut d’abord catholique et que son ampleur est due à l’incroyable jonction de deux sphères du catholicisme jusque-là difficilement conciliables que sont le traditionalisme, d’une part, et les mouvement charismatiques, d’autre part, jonction animée par une jeunesse bourgeoise et citadine craignant un déclassement économique et identitaire dû à la mondialisation et à l’immigration-invasion auxquelles se greffe l’islamisation du pays.
a) La jonction des charismatiques…
Les mouvements charismatiques sont nés sous l’impulsion du pape Jean-Paul II et ont pour but de proposer au fidèle de vivre une foi plus individuelle, moins ritualiste mais aussi beaucoup plus émotionnelle et communicative. Elle a aussi une composante prosélyte demandant au croyant d’affirmer ses convictions chrétiennes sans état d’âme. Selon Brustier, ce sont ces mouvements charismatiques qui vont permettre aux catholiques de s’engager pleinement dans la vie de la cité dès lors que, via leurs actions associatives ou autres, ceux-ci désirent désormais influencer le monde dans lequel ils vivent.
Ce mode d’action est une gigantesque révolution. En effet, pour le cas précis de la France, comme l’a remarquablement bien expliqué l’abbé Guillaume de Tanouarn sur Radio Courtoisie, suite à la Révolution Française, à l’échec de la Contre-Révolution, d’abord, et de la Restauration monarchique, ensuite, et à l’expulsion du catholicisme dans la sphère privée par une IIIe République revêche, gauchiste et laïcarde, les catholiques français avaient pris l’habitude de devenir des « exilés de l’intérieur » qui, se sentant – légitimement – chassés de l’espace public, s’étaient eux-mêmes recroquevillés. Ce faisant, les catholiques abandonnaient leur rôle multiséculaire de garants de la « res publica », c’est-à-dire de la chose publique (que ce soit, par exemple, à travers la monarchie centralisatrice d’un Richelieu ou l’aristocratie vitaliste des Croisades créant un Royaume Latin d’Orient, cet « Israël du Moyen-Âge » qui avait pour but de bloquer les conquêtes migratoires islamiques turco-mongoles et arabes se déversant sur l’Europe) en la conformant à des valeurs morales, familiales et sociales stables émanant d’une mystique suprahumaine afin de pérenniser à travers les âges la civilisation européenne.
Selon Brustier, les entités telles que le Renouveau Charismatique ou la Communauté de l’Emmanuel ont bien plus marqué la jeunesse catholique qui est allée manifester que les puritains de l’Opus Dei ou autres Légionnaires du Christ surmédiatisés par des instances politiques et médiatiques malveillants envers l’Eglise. Mais si les mouvements charismatiques laissent une plus grande marge à la foi personnelle, ils ne permettent pas n’importe quoi pour autant. En effet, si ces mouvements sont d’abord nés dans les temples protestants nord-américains, le Pape Jean-Paul II, très ouvert et soucieux d’adapter l’Eglise catholique à la modernité, a su les capter au profit de la hiérarchie ecclésiale en leur imposant son autorité et, par conséquent, son ancrage. Nous pouvons donc dire que ces mouvements sont réellement conservateurs parce que, selon la définition limpide d’Éric Zemmour, ils ont pour but « de conserver ce qui est bien tout en modernisant ce qui ne l’est pas » ; bref de garder la pureté du dogme et de la foi mais en l’exprimant par les moyens modernes.
Ainsi, transposés à la Manif pour Tous, les stratèges du mouvement telles que, d’abord, la « fofolle de Dieu » Frigide Barjot – talentueuse créatrice des précédents « Benoîthon » et « Touche pas à mon Pape » qui avaient pour but de protéger Benoit XVI des lourdes polémiques médiatiques sur son positionnement vis-à-vis de la contraception – et, ensuite, Ludivine de La Rochère, ont su totalement adopter les techniques modernes de la communication branchée (Internet, les chars à l’image de la Gay Pride, les couleurs bleu azur et rose bonbon des barboteuses de nourrisson, la musique techno, les ballons rappelant la fête foraine, etc.) au service d’un ordre familial et civilisationnel européen immuable*. D’ailleurs, l’auteur rappelle que la directrice des MPT, Ludivine de La Rochère, ou le député de droite Hervé Mariton ont participé à des sessions en 2011 ou 2012 de l’évêque Dominique Rey pour apprendre à « s’engager en politique » ou savoir « communiquer nos convictions ».
b) …et des traditionalistes
Suite à Vatican II et à la réforme de la messe autorisée par Paul VI, une scission douloureuse se fit au sein de l’Eglise Catholique, particulièrement en France, entre traditionalistes (adeptes de la messe du rite tridentin, devenue « forme extraordinaire », conservant les rites d’avant ce concile) et l’écrasante majorité des fidèles assistant aux messes ordinaires post-conciliaires (avec leur florilège de dénaturations rendues possibles et de mièvreries musicales généralisées). La messe extraordinaire était, jusqu’à Benoît XVI, cantonnée à la marginalité au travers d’un tout petit quota de paroisses (à l’instar de l’église Saint-Eugène-Sainte-Cécile dans le IXe arrondissement de Paris) exclusivement réservées à cet effet, quota ne pouvant être dépassé. Cette fêlure fut renforcée par l’excommunication de Monseigneur Lefèbvre par Jean-Paul II : celui-là créa sa propre juridiction, autonome du Vatican, notamment animée à Paris via la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
C’est l’exceptionnel Benoît XVI, sans doute l’un des plus grands Papes de l’histoire de l’Eglise, qui a su réconcilier les deux franges du catholicisme : directement, d’abord, en faisant sauter le quota autorisé pour la célébration de la messe dans la forme extraordinaire, qui peut être célébrée désormais à volonté, en réintégrant le sulfureux évêque britannique Williamson, et tendant la main aux lefebvristes, etc. ; mais, aussi, indirectement, au travers de son magistral discours de Ratisbonne rappelant le caractère européen de la chrétienté face à l’islam fatalement oriental, en se démarquant des Protestants pour se rapprocher des Eglises orthodoxes qui, par leur structure autocéphale, sont intrinsèquement nationalistes et donc identitaires, et dont l’invariabilité ritualiste est garante d’une tradition liturgique née au IVe siècle après Jésus-Christ.
Cette réintégration de la frange traditionaliste de l’Eglise a permis aux deux courants de se rapprocher et de coopérer aux Manifs pour Tous – voire de fusionner dans une brillante synthèse que Gaël Brustier qualifie de « tradismatique » et qui, parfois, se concrétise charnellement via des activités telles que celles organisées par l’évêque de Toulon Dominique Rey avec ses fameuses sessions sur l’engagement des laïcs en politique, auxquelles participèrent Hervé Mariton ou Ludivine de la Rochère, purs produits de cette fusion.
2) L’émouvant ralliement des identitaires « païens »
Dans un mémorable chapitre intitulé « Les Identitaires, du marteau de Thor au Crucifix », l’auteur décrit somptueusement l’évolution de ce courant politique dit « d’extrême-droite », qui se réfère aux dieux de l’antiquité européenne (plus par sympathie que par réelle compréhension de la théologie du paganisme) et qui, grâce aux Manifs pour tous, a pu gagner sa respectabilité tout en diffusant ses idées. A l’origine, une partie des adeptes de ce mouvement appartenait au Front National. Beaucoup de ses cadres suivirent Bruno Mégret lors de la scission de 1998. Leurs propos, à cette époque, étaient pour certains d’entre eux particulièrement virulents, décrédibilisant sans doute le message si important de la sauvegarde de notre civilisation.
Brustier reproduit, par exemple, les paroles d’une chanson du futur leader identitaire Philipe Vardon qui n’a rien à envier poétiquement à la finesse des plus abjectes musiques de raps appelant à la mort des policiers, des blancs et au viol de la France : « Une balle pour les sionistes/Une balle pour les yankees/Une balle pour les lobbies/Une balle pour les marxistes/Une balle pour les capitalistes/Une balle pour la censure et cette dictature ». Cette violence fut finalement totalement abandonnée, la mouvance préférant désormais les actions spectaculaires mais pacifistes, telles que la superbe démonstration sur la mosquée de Poitiers ou la prise de siège du PS rue de Solferino à Paris. « Génération identitaire, sans haine, ni arme, ni violence, a défié le pouvoir socialiste avec élégance » s’exclame, triomphant, leur site web : une telle évolution était le prix nécessaire à l’obtention d’une crédibilité.
Les identitaires étaient initialement des suprématistes raciaux, croyant en la primauté de la race blanche, légitimant par conséquent la période des colonisations (pourtant enclenchée par la gauche républicaine en France). Puis la vision se transforma lentement mais sûrement en un ethno-différencialisme rejetant l’apport soi-disant bénéfique des colonisations européennes pour lui préférer une pensée souhaitant que chaque grand groupe racial demeure dans son élément éco-systémique (climatique). L’une des figures de proue de cette évolution est le remarquable historien Dominique Venner – qui s’engagea dans sa jeunesse au sein de l’OAS afin de refuser le droit aux Algériens autochtones de vivre librement sur leur propre sol et maintenir la présence européenne, pour finalement prôner un magnifique ethno-différencialisme beaucoup plus audible par les jeunes bourgeois catholiques.
« Il a fallu du temps pour digérer les passions, les affronts, les massacres, tout cette haine déversée sur les nôtres. (Venner pointe les exactions du FLN algérien contre les Européens pendant la guerre d’Algérie, ndr) Il a fallu du temps pour atteindre à une vue élargie et apaisée, pour passer d’un nationalisme de combat à la conscience sereine de l’identité. Oui, il a fallu du temps pour en arriver à cette idée nouvelle qu’en assurant l’identité de « mon peuple » je défends celle de tous les peuples, qu’en assurant le droit égal de chaque culture, j’assure le même droit pour les miens.(…)
Moi qui suis né à la conscience politique à travers un combat désespéré pour la défense de mes compatriotes, pour leurs droits de vivre librement sur la terre où étaient enterrés leurs morts, j’en suis arrivé à comprendre que le principe qui me guidait avait une portée universelle. Il incitait à soutenir partout le droit des peuples à leur identité et le respect dû aux minorités. Il me conduisait à porter aussi sur la colonisation un regard fort différent de celui de jadis. Irrépressible et fatale manifestation dont l’Europe était prodigue pour le meilleur et pour le pire, la colonisation portait en germe des effets effroyablement pervers pour les colonisateurs autant que pour les colonisés. Mais cela, les colonisateurs ne le savaient pas et ensuite personne n’y pouvait plus rien» confesse-t-il dans son attachante autobiographie, Le Cœur Rebelle.
Jusqu’aux Manifs pour Tous, les identitaires étaient habituellement hostiles au catholicisme, lui reprochant qui sa trahison via les autorités ecclésiales lors de la guerre d’Algérie, qui son gauchisme des années 1970, qui son universalisme dogmatique contrecarrant les spécificités ethnoculturelles, qui les injonctions pathogènes de Jésus appelant à tendre l’autre joue, à aimer ses ennemis ou à se considérer comme le dernier d’entre tous, commandements émasculant les Européens de leur fierté et de leur appétit de vie.
Puis la revirilisation du catholicisme par le biais d’une jeunesse dorénavant militante qui investit l’espace public, a redoré l’image sombre que certains Identitaires en avaient. Une jeunesse chrétienne qui face aux dangers de l’islamisation du pays, aux persécutions des chrétiens du Moyen-Orient (les « païens » identitaires sont aussi présent contre les persécutions chrétiennes du Proche-Orient, comme en attestent les visites de Damien Rieu au Kurdistan), devient moins universaliste et davantage européanisée. Une jeunesse dont une minorité importante est désormais imprégnée du souvenir glorieux des Croisades. Depuis, certains cadres identitaires, tels que Philipe Vardon, revendiquent leur catholicité qui se veut ritualiste, traditionaliste et enracinée et savent retourner comme un gant la charité chrétienne au profit des causes qu’ils défendent.
Ainsi sur le blog catholique-conservateur Le Rouge et le Noir, Philippe Vardon consacre christiquement la vitale et nécessaire politique d’inversion des flux migratoires (popularisée sous le nom de remigration par les identitaires) des extra-Européens vers leur continent d’origine : « Je crois que notre vision de la remigration, tout au contraire, en offrant un cadre politique répond au principe de charité pour les populations d’accueil et les migrants. Nous nous situons à rebours tout autant du prétendu amour universel béat des sans-frontiéristes, qui oublient le plus souvent dans leur élan leur propre peuple (quand ils ne s’inscrivent pas carrément dans la détestation de celui-ci), et de la haine aveugle de ceux qui ne jurent plus que par des solutions extrémistes pour résoudre ce problème ».
Mais si les identitaires ont pu rejoindre les Manifs pour tous, c’est évidemment parce que leur combat contre l’immigration a acquis un écho considérable au sein de la jeunesse bourgeoise catholique mobilisée. En effet, Gaël Brustier montre très bien que la loi Taubira ne fut en réalité que l’occasion de cristallisation d’une révolte beaucoup plus vaste contre l’effondrement de la civilisation européenne, l’implosion démographique blanche permise par les divorces et avortements de masses et ses corollaires que sont le Grand Remplacement migratoire et l’islamisation rampante. On retrouva ainsi ces nombreux déçus du sarkozysme dont l’ancien champion n’avait pas su concrétiser au pouvoir cette ligne nationaliste et conservatrice que promouvait son brillant conseiller Patrick Buisson ; cette qui les avait séduits lors de la campagne de 2007, au point de permette à Sarkozy de siphonner alors quasiment la moitié de l’électorat FN !
A suivre…
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