Thierry Mariani : « La gauche semble incapable de faire la différence entre nos compatriotes travaillant à l’étranger et les exilés fiscaux ! »

Pour la première fois, les Français de l’étranger vont élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Les votes électroniques commencent dès le 24 mai. Ministre des Transports sortant, Thierry Mariani, patron de la Droite populaire est l’inspirateur de ces nouvelles circonscriptions électorales. Candidat dans la zone Europe de l’Est-Asie-Pacifique, il explique à Nouvelles de France l’importance des Français de l’étranger dans un contexte de crise mondialisée.

En 2007, vous avez été élu avec 60% des voix dans le Vaucluse… Pourquoi quitter un fief gagné d’avance pour vous présenter dans la circonscription des Français de l’étranger ?

Après quatre mandats, j’avais dit que je ne me présenterai pas une cinquième fois dans le Vaucluse : je ne voulais pas devenir un apparatchik local qui finit par scléroser le système. J’avais également envie de nouveaux défis. Durant douze ans, au RPR, puis à l’UMP, j’ai été secrétaire national chargé des Français de l’étranger. Pendant plusieurs années, j’ai présidé le groupe d’études sur les Français de l’étranger à l’Assemblée nationale. Et il se trouve que c’est moi qui ai suggéré à Nicolas Sarkozy de créer les circonscriptions des Français de l’étranger pour les législatives de 2012. Il m’a donc semblé logique d’aller jusqu’au bout de ma démarche…

Pourquoi en Europe de l’Est et en Asie-Pacifique ?

Vous savez peut-être que mon épouse est d’origine russe et j’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour cette région du monde. Mais j’ai également été président ou vice-président, à l’Assemblée, des groupes d’amitié entre la France et la Russie, l’Ukraine, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan, l’Iran, etc. Je me suis occupé des commissions parlementaires relatives au gaz et au pétrole, secteurs très importants dans cette zone. Et en tant que ministre des Transports, j’ai multiplié les contacts avec nombre de décideurs et de dirigeants de ces régions du monde, notamment en Chine et en Asie du Sud-Est. En 2009, j’ai aussi été le représentant spécial de la France en Afghanistan et au Pakistan. Enfin, m’étant occupé des affaires internationales au niveau de l’UMP, j’ai mis en place des relations étroites avec de nombreux partis politiques étrangers, notamment le Parti communiste chinois, mais aussi de nombreuses formations en Asie du Sud Est. Il était donc naturel que je me présente là où j’ai le plus d’influence et une excellente connaissance des réalités de terrain.

Marc Villard, votre adversaire PS, affirme mieux connaître le Viêtnam que vous…

Tant mieux pour lui, mais la circonscription dans laquelle nous sommes en compétition couvre 49 pays – du Vanuatu à la Moldavie, en passant par l’Inde, Singapour, la Chine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, soit plus de 50 millions de kilomètres carrés ! C’est comme s’il affirmait, dans une circonscription de métropole, parfaitement connaître les rues de son quartier… Ca montre bien qu’il n’a pas compris les enjeux de cette élection.

Plusieurs de vos concurrents – de droite – sont des entrepreneurs très bien implantés et se demandent s’ils ne sont pas plus légitimes que vous…

Ce sont des gens très compétents dans leur domaine, mais là encore, telle n’est pas la question. J’entendais l’un des candidats, récemment, affirmer qu’il passerait cinq jours par mois à Paris pour régler les problèmes dont il serait chargé : c’en est presque touchant de naïveté. La réalité, c’est que pour convenablement représenter les Français de l’étranger, il faudra passer une vingtaine de jours par mois dans la capitale, et la dizaine de jours restants à sillonner les différents pays de la circonscription. Représenter les Français, ce n’est pas un job à mi-temps dont on s’occupe à côté de son business, ni une occupation pour sa retraite : nous sommes un peu dans la configuration d’Athènes, dans l’antiquité, quand les élus devaient abandonner leurs affaires pour toute la durée de leur mandat et se consacrer à plein temps à la politique. Si on n’y est pas prêt, il vaut mieux être honnête avec ses électeurs et se retirer de la course.

Mais la question de l’implantation ?

Il ne s’agit pas de bien connaître la ville ou le pays où l’on a bâti une entreprise. Dans un contexte de mondialisation et de crise, il s’agit d’être capable d’appréhender les problèmes des Français de l’étranger, de sentir les dynamiques émergentes ou les menaces économiques au niveau d’un continent. Aujourd’hui, les indicateurs sont dans le rouge. Dès septembre, nous savons que la crise va frapper plus fort que jamais. Il faut un élu expérimenté pour relayer les interrogations des Français de l’étranger au plus haut niveau et répondre efficacement à leurs attentes.

Il faut aussi savoir les « accompagner » dans les problèmes qu’ils rencontrent localement, dans la vie de tous les jours, comme la scolarisation de leurs enfants, la protection sociale ou la complexité, quand on est à l’étranger, de certaines démarches administratives. Sans oublier les problèmes des couples binationaux et ceux des jeunes entrepreneurs expatriés.

Ne faut-il pas un début à tout ? Vos concurrents peuvent apprendre les règles, comme vous il y a vingt ans…

Quand on se trouve en pleine tempête, on n’a pas le temps d’apprendre les règles du jeu. Il faut savoir que, lors de son premier mandat, un député fait de la figuration. Il faut longtemps pour maîtriser tous les mécanismes parlementaires. Or, la première génération de députés des Français de l’étranger sera déterminante si l’on ne veut pas qu’ils soient réduits à un rôle de gadget. Ce serait d’autant plus dramatique, je le répète, que c’est précisément en cette période de crise mondiale qu’ils vont jouer un rôle clef.

Quelle est l’importance des Français de l’étranger ?

D’abord, il faut comprendre que ce ne sont pas des Français entièrement à part, mais des Français à part entière. Raison pour laquelle ils devaient avoir une représentation. Ensuite, les expatriés sont de véritables atouts pour l’image de notre pays, notre langue, notre diplomatie et nos entreprises. Ils constituent un maillon essentiel de la présence française dans le monde. Ce sont les garants de notre compétitivité économique, à l’heure où la mondialisation nous invite à être plus que jamais présents dans la compétition internationale. Lorsque des contrats sont signés à l’international, ce sont autant d’emplois qui sont créés en France – à Toulouse pour Airbus, à La Rochelle pour le ferroviaire, à Belfort ou ailleurs dans d’autres domaines… sans oublier les débouchés que trouvent de nombreuses entreprises métropolitaines grâce à la connaissance du terrain de nombreux entrepreneurs expatriés.

Jérôme Cahuzac, nouveau ministre du Budget, a récemment proposé la création d’un impôt sur le revenu des Français qui travaillent à l’étranger. Qu’en pensez-vous ?

Taxer les salaires des expatriés est une mauvaise idée. Ce qui est déplorable, c’est que c’est la seule proposition faite par le PS pour ces Français : la gauche semble incapable de faire la différence entre nos compatriotes travaillant à l’étranger et les exilés fiscaux ! Dans la majeure partie des grands pays où il y a des expatriés, il existe des conventions fiscales bilatérales qui régissent la non-double imposition. Les socialistes oublient que la plupart des expatriés payent des impôts dans le pays où ils résident, d’ailleurs souvent supérieurs à ceux qu’ils paieraient en France. En Chine, ils peuvent payer jusqu’à 40% d’impôts sur leurs revenus, on ne va donc pas en rajouter une louche depuis Paris !

La gauche étant au pouvoir, on voit mal comment y échapper…

C’est pourquoi les Français doivent choisir un élu de droite – qui saura s’opposer à ce projet de loi –, plutôt qu’un socialiste qui, au contraire, appuiera cette injustice.

Selon vous, comment protéger les intérêts d’une France plongée dans la mondialisation ?

On peut hululer des incantations idéologiques sur la « démondialisation » ou dire qu’on est « contre », mais le fait est que ce n’est pas suffisant pour faire disparaître la multiplicité des flux humains, financiers, matériels, économiques, numériques qui sillonnent la planète à vitesse grand V, dans un maillage de plus en plus étroit – et dont la France fait partie. Le mieux est donc de regarder la réalité en face et de tout faire pour que notre pays s’insère dans ce phénomène au mieux de ses intérêts.

L’Europe doit se doter de marchés ouverts mais à conditions de concurrence équivalentes. Les mesures écologiques, les conditions de traçabilité des produits alimentaires importés doivent par exemple être les mêmes que celles exigées au sein de l’Union européenne, afin de créer des conditions de concurrence loyale.

Quant aux deux millions de Français de l’étranger, il faut les soutenir de toutes nos forces, s’en servir comme autant de têtes de pont pour la défense des intérêts français. Un expatrié installé dans un pays depuis dix ans peut aider à l’implantation des entreprises françaises sur place. Face à la mondialisation, il faut se servir de tous ses atouts et ne pas se replier devant une réalité parfois inquiétante. Ce serait se résoudre à devenir une puissance de deuxième rang, voire la cible d’Etats prédateurs. La France a la chance inouïe de ne pas avoir connu de guerre en métropole depuis soixante ans. Il n’y a plus de guerres mondiales comme en ont connu nos parents et grands-parents. Mais des pays émergents nous concurrencent de plus en plus durement. La réalité, c’est que nous sommes plongés dans une guerre économique mondiale et que nous sommes obligés d’en sortir par le haut. Les Français de l’étranger sont un atout supplémentaire pour notre pays. Raison de plus pour qu’ils se donnent un député qui aura réellement des moyens d’action et d’influence.

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Témoignage d’un Français expatrié

Alexandre Latsa, journaliste, spécialiste en ressources humaines

« Le député des Français de l’étranger doit être expérimenté et avoir un grand réseau international »

Je suis Français et voilà bientôt cinq ans que je travaille en Russie, pays dans lequel je suis résident et dont mon épouse est originaire. A Moscou, je travaille dans les ressources humaines (aide a l’implantation des sociétés françaises en Russie) mais aussi comme journaliste et commentateur. A double titre, donc, j’interviens dans les médias russes pour donner un avis extérieur sur la Russie d’aujourd’hui et promouvoir la coopération franco-russe.

En ce domaine, l’année croisée franco-russe, qui a eu lieu en 2010, a eu un effet très positif sur les relations entre les deux pays. Les sociétés françaises en Russie sont de plus en plus nombreuses et les échanges russo-français continuent d’augmenter. En 2011, ils ont progressé de 25,2% pour se chiffrer à 28,1 milliards de dollars. Mais beaucoup de choses restent à faire, afin de renforcer la coopération et les échanges entre la France et la Russie. Les Français de l’étranger sont malheureusement trop souvent éloignés des centres de décision et d’influence politique de leur patrie. Or, la globalisation et les nouveaux rapports de force économiques qui se préfigurent laissent penser qu’un nombre croissant de sociétés françaises vont, dans un futur proche, tenter d’aller conquérir des marchés dans des pays émergents.

Par conséquent, cette hausse de la présence française à l’étranger se doit d’être accompagnée et encadrée. Cela me semble vital, particulièrement au sein de la onzième circonscription, qui comprend deux énormes économies d’Eurasie, deux pays des BRICS : la Russie et la Chine.

Je pense que le député des Français de l’étranger doit être la courroie de transmission entre Paris et nos diasporas. Ce représentant gérant la vie et le destin des Français expatriés doit être un homme d’expérience, avec un grand réseau, une vue d’ensemble et une capacité à relayer les besoins de ses administrés au plus haut niveau. A ce stade, un simple chef d’entreprise, aussi compétent et dynamique soit-il, ne peut sérieusement concurrencer un ministre sortant, avec quatre mandats parlementaires derrière lui, et une riche expérience des relations internationales. C’est pourquoi Thierry Mariani me semble objectivement le mieux placé pour nous représenter.

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