par Bruno Gollnisch*
Jean de Rouen pose dans ce livret qui vient à point une excellente question (« C’est une bonne question ; je vous remercie de l’avoir posée », comme disent les hommes politiques pour gagner un peu de temps avant de répondre lorsqu’ils se trouvent confrontés dans un débat à une interrogation embarrassante). En l’occurrence, la question que pose l’auteur pourra paraître paradoxale : « La droite parlementaire (c’est-à-dire l’UMP, ses hommes, ses pompes, ses œuvres…) est-elle encore de droite ? »
Question provocatrice à l’heure où nul ne paraît en douter parmi les commentateurs, qui voient dans l’élection présidentielle l’occasion du classique affrontement droite/gauche, UMP/PS, Sarkozy/Hollande, à moins… à moins que, comme le présente dans sa « Une » de couverture un grand magazine (L’Express), les deux favoris ne soient éliminés dès le premier tour au profit d’une compétition François Bayrou/Marine Le Pen, tant la détestation (justifiée) des deux formations qui ont alterné au pouvoir au cours des dernières décennies semble – légitimement – gagner du terrain dans l’esprit des Français.
On n’en est plus en effet au temps où les leaders des deux principaux partis de cette droite parlementaire lorgnaient encore intellectuellement, moralement, politiquement, vers la gauche : Jean Lecanuet, patron de l’UDF, présentait sa formation politique comme un parti de Centre Gauche, promettant de surcroît de « vider le programme commun (de la Gauche) de sa substance », autrement dit, à peu de choses près, de le réaliser à la place des socialo-communistes, ce à quoi s’employa, au moins dans le domaine des mœurs, M. Giscard d’Estaing et son « libéralisme avancé », jusqu’à ce qu’en 1981 les électeurs français, désabusés, préfèrent l’original à la copie en élisant François Mitterrand.
Vint alors M. Chirac, créateur du RPR sur les fondations du parti gaulliste qu’il avait trahi, et qui présenta ledit RPR comme « un travaillisme à la française » Or, le travaillisme, cela a un sens : c’est le nom du socialisme dans les pays anglo-saxons.
On croyait cette époque révolue. Elle l’était, en effet, au moins dans les mots : grâce au courageux combat de la droite nationale en général et de Jean-Marie Le Pen en particulier, le magistère moral abusif que s’était approprié la gauche avait enfin été défié. Les Nationaux avaient ramassé dans le caniveau la bannière de la droite, et ils l’avaient brandie courageusement, sous les crachats, les injures, les coups, et les persécutions de toutes nature. La révélation – bien tardive ! – de la sanglante imposture du communisme et de l’inefficacité du socialisme avaient fait le reste : il est redevenu possible, et même à la mode, « tendance » dirait-on dans le jargon d’aujourd’hui, de se dire de droite. Pour la droite parlementaire, concurrencée dans l’électorat de droite jusque là captif par la progression du mouvement national, se dire de droite devint même une sorte de nécessité. Quel changement !
Mais qu’en est-il en réalité ? Les quelques concessions verbales faites à l’esprit de droite par la majorité parlementaire actuelle sont-elles autre chose que des mots, un lip service, diraient les Anglo-saxons, ou bien traduisent-elles une conversion profonde à la défense de l’ordre naturel et aux valeurs traditionnelles ? Le présent opuscule fait le point sur le sujet, et le moins que l’on puisse dire c’est que, des paroles aux actes, il y a un fossé !
L’auteur est un jeune (encore) professeur de philo, qui pratique manifestement les principes qu’il enseigne : être précis, aller aux sources, ne pas laisser la sensibilité ou la passion l’emporter sur la logique et la rigueur du raisonnement. Veritas liberavit vos : La vérité vous libèrera, phrase de l’évangile de Saint-Jean, et que néanmoins un grand journal du soir (Le Monde, pour ne pas le nommer), attribua à Mein Kampf quand il entendit Jean-Marie Le Pen la citer. A quoi bon s’arrêter en si bon chemin ! La lutte contre la droite nationale, la vraie, rebaptisée extrême-droite pour les besoins de la propagande, ne s’embarrasse pas de scrupules, ni intellectuels, ni moraux.
M. de Rouen remet les pendules à l’heure. Il montre les engagements non tenus, les principes trahis, les abandons coupables. Si l’homme de gauche est un optimiste triste (optimiste par ses desseins mirobolants, triste et même parfois plein de fureur à la constatation de leur échec), l’homme de droite lui, le vrai, est un pessimiste joyeux : pessimiste car il sait que la nature humaine a toujours besoin d’être corrigée, et que le paradis sur terre n’existe pas, mais joyeux d’être là où il est, de s’inscrire dans une lignée, de surmonter ses propres imperfections. Ne soyons donc pas attristés par les très utiles constats de l’auteur. Tirons-en les conséquences nécessaires ; travaillons dans la joie, et le reste nous serra donné par surcroît.
*Bruno Gollnisch est député français au Parlement européen.
La droite parlementaire est-elle encore de droite ? par Jean de Rouen, éditions Godefroy de Bouillon, 62 pages, 10 euros.
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