Ludovic est trésorier du Cercle Raymond Poincaré, un think tank de droite basé à Rennes. Nous avons souhaité en savoir davantage sur cette initiative afin que d’autres jeunes lecteurs puissent l’imiter dans leur université. Entretien.
Pourquoi le Cercle Raymond Poincaré et pourquoi “Cercle Raymond Poincaré” ?
L’initiative revient à nos plus jeunes membres, arrivés à Sciences Po Rennes en 2011, qui désiraient créer une antenne de l’UMP dans le cloître. Nous avons préféré ne pas nous encombrer d’une étiquette partisane, et établir quelque chose de plus large, qui répondait à ce qui nous semblait constituer un manque à Sciences Po Rennes : un véritable espace de réflexion ouvert à toutes les tendances de la droite.
Il s’agissait aussi et surtout de remédier au manque de visibilité des étudiants de droite à l’Institut d’Études Politique, qui contribuait à entamer insidieusement la légitimé des élèves qui osaient faire entendre une voix dissidente, tout en confortant la gauche estudiantine et professorale dans son apparent monopole idéologique. Cela passe également par la production et la promotion d’une offre intellectuelle différente, ce que nous essayons de faire en invitant des personnalités qui tranchent avec le discours dominant à Sciences Po. C’est, au niveau de l’IEP, une petite révolution culturelle en perspective !
Pour tout dire, il n’a pas été facile de trouver un nom qui fasse consensus. Au-delà du jeu de mot avec Cercle, Poincaré fut un homme d’État populaire ayant laissé derrière lui une œuvre considérable. Nous aimons également le fait qu’il symbolise l’unité. Or, c’est en quelque sorte ce que nous entendons réaliser au Cercle Poincaré : au-delà de nos différends idéologiques, nous nous entendons sur les valeurs, et c’est cette idée de rassemblement, d’unité dans la diversité, de travail en commun que nous aimerions symboliser. Le Cercle, c’est l’Union Sacrée des élèves qui ne se retrouvent pas dans le discours dominant à l’IEP, marqué à gauche, et qui malgré tout souhaitent s’organiser pour faire entendre leur voix dans le cloître, et plus largement dans le milieu estudiantin rennais.
C’est véritablement dans cette logique de coalition que réside l’identité de notre groupe. On nous a souvent demandé d’expliquer le sens qu’a pour nous le mot « droite », alors que nous entendons rassembler gaullistes, libéraux, conservateurs, des courants idéologiques très différents, autour d’une même table. Le secret de note unité, c’est que nous ne sommes pas obligés de parler d’une même voix : le Cercle ne défend rien en propre, seuls ses membres ont la capacité de le faire. Si l’on devait toutefois synthétiser rapidement les principes portés par chacun de nos membres, nous dirions que la plupart d’entre-eux préfère la nation française à l’Europe fédérale, la prospérité à l’assistanat, la liberté à la dépendance, l’égalité en droit plutôt que l’égalité administrée, la justice plutôt que l’excuse, et font plus confiance à la tradition qu’aux innovations de courte date pour réguler les interactions sociales. Le mieux reste encore d’aller faire un tour sur notre blog pour découvrir les écrits de nos membres.
Quelles ont été les réactions autour de vous ?
Nous avons essuyé quelques moqueries à nos débuts, avec, par exemple, la création de multiples cercles parodiques destinés à discréditer notre entreprise, sans toutefois que cela ne dépasse le stade de la cordialité. On a également observé la naissance d’une esquisse de contre-offensive peu après la naissance de notre association, qui a fait long feu : aucune des initiatives alors lancées n’a perduré. D’une manière générale, nombreux furent les commentaires intrigués ou méfiants ou laissés à cette époque sur notre page Facebook, sans que cela relève d’une hostilité affichée.
“Je me rappelle d’un cours d’économie de première année sur la redistribution des richesses ; un élève qui avait eu l’audace d’évoquer la courbe de Laffer, une théorie que le professeur s’était empressé de qualifier d’iconoclaste avant d’affirmer qu’elle avait été « contredite par les faits ».”
Le Cercle Raymond Poincaré entame sa deuxième année universitaire, et nous entendons bien profiter de cette rentrée pour ancrer définitivement notre organisation dans le paysage associatif de notre école : nous préparons un article de présentation dans le journal des étudiants, tandis que nous serons présents lors du forum des associations de l’IEP afin de faire notre promotion auprès des nouveaux élèves. Nous avons d’ores et déjà des membres de tous âges, de sorte que la pérennité de notre association est assurée – au moins sur le papier.
Pourquoi les étudiants sont-ils majoritairement de gauche ? Est-ce inéluctable ?
C’est un état de fait dont les origines sont très diverses et difficiles à déterminer. Dans le cas spécifique de Sciences Po Rennes, il existe un biais sociologique important : nombreux sont les élèves dont au moins l’un des parents est fonctionnaire, dont on connaît la propension à voter plus à gauche, en moyenne, que le reste de la population.
Il se trouve également que le rapport de force moral est très en faveur des idées de gauche. Vous connaissez l’expression : « si l’on n’est pas de gauche à 20 ans… » Pour beaucoup d’étudiants, la gauche est encore l’étalon du Bien en politique, et il demeure souvent plus acceptable socialement de se revendiquer du communisme que de critiquer les hausses d’impôts du gouvernement, ce qui est tout de même un comble ! Sans vouloir verser dans la posture victimaire, cela contribue à expliquer pourquoi nombreux sont les étudiants de droite restent discrets sur leurs opinions. C’est précisément le rôle du CRP que de briser cette forme d’omerta, qui n’a rien d’inéluctable.
Enfin, il est clair que le militantisme de certains professeurs ne fait rien pour arranger les choses. Il faut rappeler comment les TD sont conçus à Sciences Po : les élèves ont chaque semaine un dossier à lire sur un thème précis, composé à la discrétion des professeurs. Le TD commence par un exposé, suivi d’un débat lors duquel le professeur distribue les bons et les mauvais points. Il arrive donc parfois que les cours prennent des airs de catéchèse. Je me rappelle d’un cours d’économie de première année sur la redistribution des richesses ; un élève qui avait eu l’audace d’évoquer la courbe de Laffer, une théorie que le professeur s’était empressé de qualifier d’iconoclaste avant d’affirmer qu’elle avait été « contredite par les faits ».
Quelles sont vos prochaines initiatives ?
Pour le moment, nous préparons notre rentrée. Nous espérons recruter parmi les nouveaux élèves, et accroître notre notoriété.
Nous avions obtenu la venue de Nicolas Dupont-Aignan, alors candidat à la présidence de la République, qui avait tenu une conférence-débat devant une salle comble. Nous espérons pouvoir recommencer l’expérience dès que possible, nous sommes d’ailleurs en contact avec plusieurs personnalités du monde politique ou de l’université dont nous avons bon espoir qu’elles se rendent à l’IEP au cours de l’année.
Comment peut-on vous (re)joindre ?
Même si nous privilégions les élèves de Sciences Po Rennes, nous sommes ouverts aux contributions extérieures. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez nous soutenir, d’une façon ou d’une autre !
Par ailleurs, vous pourrez nous rencontrer lors du forum des associations de notre école, qui a lieu cette semaine.
> le blog du Cercle Raymond Poincaré
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