Jean-Louis de Morcourt a posté une très bonne tribune invitant les catholiques à gagner leur propre identité politique qui leur permettrait d’acquérir leur autonomie et de ne plus être influencés et obligés de se positionner par rapport à des courants extérieurs causant souvent leur déchirement, l’auteur prenant l’exemple concret de l’affaire Dieudonné où les catholiques semblent assignés à subir l’unique choix entre l’atlantico-sionisme et l’amour de l’invasion migratoire musulmane.
Néanmoins, si les chrétiens ne s’investissent pas davantage en politique, je crois que c’est dû notamment à la religion catholique elle-même qui est un handicap pour le croyant à s’investir dans les affaires de ce monde, d’où d’ailleurs un réveil très tardif de leur part contre la loi Taubira, le deuxième seulement après la grande manifestation contre la suppression de l’enseignement libre par Mitterrand alors que les entorses des gouvernements précédents contre la civilisation franco-chrétienne qui n’ont pas suscité la résistance attendue se sont multipliées : avortement, regroupement familial, pornographie, divorce de masse, etc..
1. L’exil intérieur
En quoi le catholicisme est intrinsèquement une gêne pour l’action politique ? Tout simplement parce que cette religion confesse un Dieu “qui n’est pas de ce monde” et que ceux qui suivent Jésus composent un troupeau distinct du reste de l’humanité puisque suivant le Vrai Dieu (Cf. le passage de la grande prière de Jésus à Dieu son Père dans l’Évangile de Saint Jean juste après la Cène). Dans la Bible, le monde temporel est considéré comme inférieur à celui du divin. Par conséquent, il faut “rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César”, le deuxième symbolisant le monde d'”ici-bas” scindé du spirituel qui lui est supérieur. Les affaires de ce monde ne deviennent plus cruciales pour le salut du fidèle selon la foi chrétienne.
De plus, l’apôtre Paul qui eut une ascendance décisive dans la formation du christianisme, a écrit dans ses épîtres que le fidèle doit se plier aux décisions politiques sans se rebeller : “Obéissez aux magistrats et dirigeants qui détiennent leur pouvoir par Dieu”. Cette injonction est renforcée par l’exemple du Christ qui nous demande de ne pas nous révolter en cas d’injustice : ainsi il se laisse persécuter alors qu’il est dans son bon droit, nous demande de tendre l’autre joue en cas d’affront et d’attendre la justice divine ; “Heureux les assoiffés de justice car ils seront rassasiés” dans le royaume des cieux, enseigne-t-il dans le sermon des Béatitudes.
Les catholiques me répondront à juste titre que le Christ a pourtant dit qu’il apporterait le glaive et le feu sur la Terre divisant jusqu’aux familles et amis, « quiconque n’est pas avec moi est contre moi » déclare-t-il. Néanmoins, lorsqu’il exprime cela, il ne signifie pas que les fidèles doivent eux-mêmes utiliser la force mais qu’étant le seul vrai Dieu, il y aura forcément des divisions au sein même des fratries pour des questions de dogmes, ouvrant ainsi la porte à tous les fanatismes, hérésies, schismes et divisons inhérents aux trois religions du Livre toutes persuadées de détenir la « Vérité Unique ».
Résultat ? Les catholiques ont développé ce que l’abbé Guillaume de Tanouärn nomme très justement le comportement de “l’exil intérieur”. Selon lui, après la Révolution française, les catholiques pourtant majoritaires, n’ont pas tenté de reprendre durablement le pouvoir car cette reprise demande un caractère puissant susceptible d’utiliser la force qui est honnie dans les évangiles. Et donc, selon l’abbé, ils vivent en marge de la politique depuis deux siècles.
J’ajouterai qu’il n’a pas fallu attendre la révolution française pour observer ce comportement de détachement et de soumission. Le grand penseur politique du XVIe siècle, l’Italien Nicolas Machiavel, ahuri devant la passivité de ses concitoyens face aux invasions françaises de François Ier conclut que c’était dû à l’influence néfaste du christianisme qui incite à la servitude du croyant au lieu – et à l’opposé des spiritualités antiques – de prôner la fierté et le dépassement de soi comme valeurs permettant la communion au divin.
2. L’accomplissement politique
À l’inverse, dans l’hindouisme, le paganisme gréco-romain, le shintoïsme japonais ou le taoïsme chinois, le monde est consubstantiel au divin qui l’a engendré, l’investissement politique de l’individu est donc primordial car c’est par l’accomplissement de sa vocation politique, économique et sociale qu’il s’unit à Dieu et non en suivant des préceptes et des commandements le séparant du monde considéré comme souillé par le péché dans l’espoir d’une rétribution dans l’au-delà.
Résultat ? Dans ces religions, le spirituel n’étant pas séparé du temporel, n’ayant donc pas de distinction entre sacré et profane, la force ayant tout autant sa place dans le panthéon des vertus que la justice ou l’amour, la contribution de l’individu dans la vie de la cité est exceptionnellement importante. C’est pour cette raison, par exemple, que Confucius exhortait le peuple à se révolter contre ses gouvernants en cas d’injustice. Dans le Mahabharata, poème du XIIIe siècle avant Jésus-Christ et texte angulaire de la spiritualité indienne, le héros et prince Arjuna, né d’une vierge et d’un dieu, s’insurge contre ses cousins qui lui ont volé son domaine royal. Une grande bataille s’engage mais à l’aube de l’affrontement, il se décourage, préférant devenir brahmane et se retirer en ermite ou dans un monastère pour sauver la paix. Dieu lui apparaît sous la forme de Krishna et le presse de se battre, expliquant qu’il doit rétablir la Justice et donc l’équilibre du Cosmos pour accomplir son destin et s’unir à Lui.
Cette vison spirituelle est aux antipodes de la chrétienne mais le résultat est là : alors que les musulmans venus du Moyen-Orient et d’Asie centrale tentent depuis des siècles de convertir parfois à grand coup de massacres les Hindous à leur foi qu’ils considèrent comme l’unique vraie, ces derniers ne se sont jamais laissés faire, allant jusqu’à utiliser la violence pour se protéger alors que, malheureusement, les chrétiens d’Orient persécutés depuis des centaines d’années disparaissent doucement mais sûrement, confessant un Dieu qui leur demande de tendre l’autre joue alors que celui d’en face oblige ses adeptes au Jihad pour rentrer au Paradis.
Je crois que si les catholiques veulent s’investir davantage, il faut qu’ils fassent une introspection pour voir ce qu’il ne va pas dans leur propres représentations spirituelles. Je pense qu’ils concluraient de se débarrasser de l’aspect sémitique de soumission et de « Vérité Unique » inhérentes aux peuples du désert pour ne garder que l’immense apport païen indo-européen : les rites, les saints avec leurs miracles et surtout le Mystère de l’Incarnation du Dieu-Sauveur par une Vierge présent dans toutes les grandes religions préchrétiennes de l’Europe et symbolisant la sacralité de la totalité du monde émanant de Dieu et donc aussi de toutes les facettes du comportement humain dont celles de la force, de la fierté, de la grandeur, de l’ambition et de la puissance; le Bien et le Mal ne consistant pas en l’obéissance d’un comportement moral mais en l’accomplissement ou non du destin que nous ressentons au plus profonde de nous-même et qui est en réalité ce que Dieu attend de chacun d’entre nous afin, pendant notre passage sur Terre, de participer à l’ordre du Cosmos.
3. La cohérence de la communauté politique
Pour donner un exemple extrême : selon les paganismes, celui qui s’épanouit dans la carrière des armes en sacrifiant des vies humaines et se sacrifiant pour protéger sa patrie s’unit tout autant à Dieu que le moine ou le médecin. À l’opposé, aux yeux des païens (et sans doute de Dieu lui-même), tout catholique qui désire au plus profond de soi entrer en politique mais s’y refuse par crainte de l’ambition, de l’usage de la dissimulation, de la ruse et de la force, qualités immanentes à l’art de gouverner afin d’imposer par tout moyen un programme qu’il estime juste et dans l’intérêt de ses compatriotes commet une faute grave vis-à-vis des siens et de Dieu duquel il s’éloigne en impactant négativement sur le Cosmos.
On me dira à juste titre que si tout le monde veut devenir guerrier ou politicien, ce serait l’anarchie ! Justement non, car Dieu faisant bien les choses, Il donne à chacun des souhaits différents : devenir mère, militaire, banquier, médecin, prêtre, artiste, politique, espion, commissaire, marchant, agriculteur, etc. permettant la cohésion et la coordination parfaite d’une communauté politique. Dans la fourmilière et dans la ruche, chaque fourmi ou abeille est assignée à une tâche particulière coopérant au bien-être collectif. Il y a des fourmis exploratrices, agricultrices, productrices, professeurs mais aussi guerrières.
N’en déplaise à notre orgueil humain, il n’y a aucune différence de nature entre nous et les animaux mais simplement de degré, notre programmation cérébrale étant plus riche que la leur mais nous n’avons rien inventé de profondément différent. Exemple, comme le rappelle le biologiste Jean-Claude Ameisen, les abeilles aussi ont créé la démocratie avec « des candidats » utilisant pendant « des campagnes présidentielles » toutes leurs forces de persuasion, de propagande, de dénigrement du concurrent et de captation des foules afin d’acquérir le plus grand nombre de votes populaires pour les décisions vitales engageant leur « cité ».
La France, l’Europe et l’Occident dégénèrent car de moins en moins de gens accomplissent leur vocation. « La désagrégation d’un peuple apparaît lorsque chaque membre ne s’accomplit plus communautairement et individuellement , on constate qu’en France plus personne n’est à sa place : ainsi le militaire fait de l’humanitaire, l’espion sous-payé quitte les institutions étatiques pour devenir mercenaire d’entreprises, les politiques pratiquent leur métier comme un gagne-pain et non de manière sacrificielle, l’immigré est de moins en moins l’individu qui désire embrasser la culture du pays d’accueil mais de plus en plus celui qui vient pour recevoir des droits ou, pire, servir malgré lui d’esclave aux multinationales, les femmes sont forcées de remplacer des hommes à grand coup de lois artificielles et vice-versa, les blancs ne perpétuant plus leur lignée face à des Extra-européens qui explosent la leur, etc. à l’image des cellules d’un corps qui en se déprogrammant deviennent cancérigènes et s’autodétruisent » avais-je écrit sur Nouvelles de France dans mon hommage à l’historien Dominique Venner.
Dans l’épopée hindoue mentionnée plus haut, l’on peut lire : “le Destin de Dieu est tout, mais sans son accomplissement par l’homme il n’est rien”.
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