Tribune libre de Guiorgui Vodé
Soirée historique dans Paris ce 12 avril 2013 ! Mobilisée pour cette énergique protestation contre les tripatouillages légalistes perpétrés au Sénat, Révolution Rose était partout !
Bien en vue sur la place Edmond Rostand, affichant pancartes et banderoles, tous affublés de notre bonnet phrygien rose, nous avons participé activement au joyeux désordre de cette fameuse nuit.
Tout commence rue de Médicis, après l’ordre de dispersion générale prononcé par les responsables de la Manif pour Tous : alors que certains tentent désespérément de passer outre le charmant contrôle champêtre dressé par quelques CRS en maraude, nous montons sur le muret du Luxembourg, fièrement, banderoles à la main ! « Hollande, sois pas TÊTU ! » peut-on lire, entre autres. Nos amis les fonctionnaires de la maréchaussée ayant décidé de mettre un peu d’ambiance par de joyeuses chorégraphies martiales et autres amusants systèmes de fumée blanche, nous nous replions sur un abribus, arborant toujours nos revendications. Puis, toujours enthousiasmés par cette festive vague noire qui décidément va vraiment à la rencontre de son public, nous passons sur la fontaine de la grande place. Tout ceci est bien plaisant, mais alors que le bouquet final se prépare avec l’arrivée d’un grand nombre d’artistes encagés dans leur Kevlar, il faut encore reculer pour mieux admirer ! Nous voilà au commencement de la rue Soufflot, gênant voitures et touristes, proposant assistance avec force sérums physiologiques à tous ceux que le spectacle a tant ému qu’ils en pleurent. Et là, c’est le drame.
La police scinde en quatre zones la place Edmond Rostand, appliquant le célèbre adage « diviser pour mieux régner », et, ce faisant, nous coupe de nos camarades d’un soir. Qu’à cela ne tienne, Révolution Rose continue de faire parler d’elle, allant poser devant quelques policiers en grande photo de famille, tout ceci au son de notre Marseillaise bien-aimée. Sur un coup de génie, nous souvenant qu’il y a de ça un mois, nous avions enterré la Démocratie devant les Grands Hommes, nous lançons un fantasque cortège vers le Panthéon, pour continuer cette si belle soirée qui ne fait que commencer. Des hérauts du mouvement sont envoyés sur les lieux où se trouvent encore quelques irréductibles, pour les convier à la noce. Après quelques péripéties, dont la perte de vue de deux compagnons, qui révèleront plus tard être allés se reposer chez une partisane du mariage-mirage, le ralliement d’une colonne coupée en deux par la charge d’hommes en noir, une procession lente et solennelle de 300 jeunes sur la chaussée du Quartier Latin puis dans la moitié de Paris se met en place, accompagnée d’un concert de klaxons amusés. Chants, slogans et cris du cœur rythment cette marche spontanée, aux couleurs de notre drapeau chéri. Ici, pas de violence, pas d’animosité quelconque, juste une ambiance détendue et sonore. Etant donné le volume, tant physique que sonore, que notre cortège occupe, nous commençons étrangement à nous sentir suivis. Notre troupe de joyeux lurons s’égaye peu à peu, et pour finir le mouvement se scinde sur la rive droite.
Arrivés au niveau de la Madeleine, la désillusion guette les troupes, suivies par des CRS en civil, mais la Providence (pardon à ceux que cette majuscule offense, nous ne voulons vexer personne) en décide autrement. Des retrouvailles chaleureuses, quelques coups de fil, un repas arrosé chez Quick au cours duquel le plus immense des brainstormings a lieu, une altercation avec deux jeunes prépubères qui veulent nous vendre des substances euphorisantes et nous voilà remontés à bloc. Et de décider d’aller prendre quelques photos souvenirs devant la jolie mais normale résidence de notre souverain François Gérard Georges Nicolas Hollande, de son nom de règne Normal Ier. Nous voici donc, tels des malfaiteurs, en Vélib’ sur la zone ultra-dangereuse des Champs-Elysées (on la ferme chaque Dimanche des Rameaux tant la menace est grande), pour nous retrouver devant l’entrée arrière du Palais de l’Elysée. Nonobstant le sympathique et somnolent gardien qui, dès qu’il aperçoit du rose sur nos vêtements, se met à marmonner dans son micro, nous prenons une glorieuse photo de l’équipe, bonnets à cocarde sur nos têtes, poings levés, devant la demeure de Monsieur Flançois Hollande. Mais cela n’est pas suffisant, et nous décidons de faire le tour, afin d’immortaliser cette nuit historique devant la grande porte. Mais là, un fourgon entier de nos amis du maintien de l’ordre ne l’entend pas de cette oreille et décide de procéder à un sympathique contrôle d’identité, appelant en renfort, voyant notre mine patibulaire et notre grand nombre, deux voitures supplémentaires remplies de leurs collègues. Malgré leur tâche quelque peu ingrate, ils sont tout à fait disposés à bavarder, et l’on apprend, entre autres, de la bouche d’une Major de la police, que la manifestation du 24 mars avait été très importante. Relayez l’information, qu’on se le dise, la fonction publique est lucide et consciente, elle sait les choses et fait preuve d’honnêteté lorsqu’elle est à l’abri des regards d’une doxa toute puissante qui voudrait bâillonner la réalité. Contrairement à certains autres jours où leur présence était tout sauf agréable, nos interlocuteurs sont chaleureux et cordiaux. La conversation se poursuit. On y apprend entre autres que le fait de se soulager en urgence au caniveau est un délit dénommé « épanchement d’urine sur la voie publique » et que si ledit épanchement a lieu contre le Palais de l’Elysée, il revêt un caractère d’ « outrage à la République » (pardon à ceux que cette majuscule offense, nous ne voulons vexer personne) et constitue une faute plus grave.
Relâchés mais suivis d’une manière assez ostentatoire jusqu’aux Invalides, nous choisissons de nous séparer, et, de fait, causons la confusion chez nos apprentis filateurs. Quelques adieux plus tard, tous les Vélib’ sont rangés aux bornes, chacun est dans son lit, mais Révolution Rose ne lâchera rien ! Tenez-vous au courant de nos prochaines actions, nous allons faire du bruit !
À la prochaine, mes amis.
6 Comments
Comments are closed.