Tribune libre de Pierre Guinot
Éric Mettout, vous n’êtes pas forcé de le connaître : c’est le directeur adjoint de la rédaction de L’Express, chargé du numérique.
Un représentant typique de la classe politico-médiatique actuellement au pouvoir, qui joue les indignés quand on ose parler de « médias aux ordres ». Non, non, Mettout n’est pas aux ordres. Il reconnaît être « engagé » (« contre la peine de mort et pour l’avortement », précise-t-il, sans aucun complexe), mais il jure être « honnête ». Et c’est justement au nom de cette honnêteté qu’il exerce sa censure sur les méchants internautes qui voudraient critiquer le projet de loi Taubira sur le forum de L’Express.
Eh bien, testons cette honnêteté.
D’abord, on pourrait penser qu’un homme qui se dit à la fois « engagé » et « honnête » devrait loyalement nous prévenir de ce qu’il pense du projet de loi Taubira. Mais là, première contradiction, Éric Mettout refuse de donner son sentiment :
« Personne ne sait, ni ne saura, ce que je pense du mariage pour tous. »
Désolé, Éric, mais vous ne trompez personne. Ce que vous pensez du projet de loi Taubira transparaît dès le titre de votre article (lorsque vous appelez les défenseurs du mariage les « légions du mariage réservé »). La dénaturation du mariage, vous êtes pour, à fond pour. Si vous étiez honnête, vous le reconnaîtriez franchement.
En le dissimulant, vous manipulez vos lecteurs, les influençant à leur insu. Je sais bien que c’est ce que fait l’immense majorité des journalistes, mais enfin, ce n’est pas une excuse. (Les journalistes du Monde ont l’excuse d’avoir pour patron Pierre Bergé, qui est en même temps le gourou du lobby gay : ça ne doit pas leur laisser une très grande liberté de manœuvre ; ceux de la télévision ont l’excuse d’être tenus de très près par le pouvoir ; mais votre excuse à vous, c’est quoi ? Être incapable de penser pas vous-même et d’exercer votre esprit critique à l’encontre de l’idéologie officielle ?).
Trois exemples pratiques
Vous êtes donc malhonnête en cachant votre engagement. Et votre malhonnêteté transparaît, en pratique, dans la façon dont vous exercez la censure sur les commentaires qui paraissent sous les articles de L’Express.
Ne me répondez pas, s’il vous plait, que vous n’êtes pas tenu de publier n’importe quoi. Je n’ai jamais dit le contraire. Ce que je vous reproche, fondamentalement, ce n’est pas le fait d’exercer une censure. C’est d’exercer cette censure de façon malhonnête.
Si vous étiez honnête, vous expliqueriez d’emblée que vous êtes partisan de la loi Taubira et que les opposants à cette loi n’ont pas le droit de s’exprimer sur votre site. Ce serait brutal, mais clair et honnête.
Vous cherchez, au contraire, à faire croire que vous êtes tout à fait ouvert au débat d’idées, au dialogue, aux arguments rationnels. Ce que vous censurez, dites-vous, c’est uniquement « l’injure, le mensonge, la discrimination ». Mensonge ! Gros mensonge, Éric !
Les preuves ? Les voici.
Premier exemple.
Le 3 avril, face à un commentateur qui reproche violemment à la Manif pour tous d’avoir entraîné des enfants dans ses rangs, je me contente de poster le message suivant :
« Si vous étiez honnête, vous critiqueriez AUSSI les homos qui ont emmené des enfants dans les manifs POUR la dénaturation du mariage… »
Je pense n’avoir fait qu’énoncer une évidence : on ne peut honnêtement reprocher aux uns ce qu’on admet chez les autres.
Aussi, c’est avec surprise que je reçois un courriel – signé Éric Mettout – m’avertissant que mon petit message (22 mots) a été refusé :
« Bonjour, Votre message posté le 03.04.13 17h31 a été modéré. Merci de ne pas tenir de propos homophobes sur notre site. »
Homophobe ? Houlà ! Sous le choc, je rougis. J’aurais donc, à mon insu, péché gravement contre le second Commandement de la République (« Tu ne prononceras le nom des gays qu’avec respect ») ? J’aurais, sans m’en rendre compte, blasphémé contre la sacro-sainte homosexualité ?
Tremblant d’émotion, tout prêt à confesser ma faute, je relis les 22 mots de mon message :
« Si vous étiez honnête, vous critiqueriez AUSSI les homos qui ont emmené des enfants dans les manifs POUR la dénaturation du mariage… »
Homophobe ? Une nouvelle fois, je relis mes 22 mots.
Non, décidément, non : rien d’homophobe.
Seule conclusion possible : soit Éric Mettout a vraiment lu trop vite, soit il est drôlement malhonnête.
Deuxième exemple.
J’aurais sans doute hésité à trancher entre ces deux hypothèses, si je ne m’étais pas fait censurer un deuxième message. Un commentateur avait déclaré avec assurance que la GPA ne serait jamais autorisée en France, puisque Hollande nous le garantissait, et que, de toute manière, une majorité de Français était en faveur du « mariage pour tous ». J’avais donc posté, en réponse, le message suivant :
« Pfffff… Au moment du PaCS, on rassurait les Français en leur disant qu’il n’y aurait jamais de mariage gay (Guigou notamment). Maintenant, on cherche à les rassurer de même en leur disant que, non, non, non, on ne descendra jamais la marche suivante. Il est évident que ce sont des mensonges. Quant à prétendre que les Français seraient favorables à la dénaturation du mariage, on se base sur des sondages qui n’ont jamais été étalonnés. La seule façon d’en être sûr serait de faire un référendum. Mais, comme par hasard, ça, les partisans de la dénaturation du mariage n’en veulent à aucun prix…Vous avez dit bizarre ? »
Cette fois encore Éric Mettout me prévient que mon message est censuré :
« Bonjour, Votre message a été modéré. Merci d’éviter les insultes sur notre site. »
Là encore, tout prêt à me remettre en cause, je relis mon message. Mais non, vraiment non, je ne trouve aucune injure. Est-ce par hasard l’onomatopée « Pfffff » que Éric Mettout aurait pris pour une insulte ? C’est difficile à imaginer. L’hypothèse se confirme donc : Éric Mettout est malhonnête. Il emploie des moyens détournés, des prétextes fallacieux, pour censurer les messages contraires à son idéologie.
Troisième exemple.
Il s’agit, cette fois-ci des militants du « Printemps Français » qui sont venus réveiller au petit matin la sénatrice Jouanno pour lui proposer un petit déjeuner assaisonné d’un débat. Un des lecteurs de L’Express s’indigne de ces procédés, « dignes des ligues des années 30 ». Je lui réponds donc :
« Et quand Act Up est venu réveiller Christine Boutin en l’injuriant (ce que n’ont pas fait ici les manifestants, qui sont restés très polis, amenant même des croissants !), est-ce que c’était aussi des méthodes des ligues des années 30 ? Votre 2 poids 2 mesures est vraiment lassant… »
Que croyez-vous qu’il arrive ?
Eh oui ! De nouveau, L’Express censure ce message. Éric Mettout, me prévient :
« Votre message a été modéré. Il est hors sujet. »
Car, bien sûr, comparer les méthodes du « Printemps Français » aux « ligues des années 30 », c’est tout à fait pertinent : là, Éric Mettout publie le commentaire. Mais oser comparer aux méthodes d’Act Up, là, c’est hors-sujet…
Est-il besoin de commenter ? Est-il même besoin de fournir d’autres exemples ?
Insistons quand même sur un point : après tout, Éric Mettout aurait bien le droit, s’il le voulait, de ne publier que les messages conformes à son idéologie. Mais en ce cas, qu’il le dise clairement ! Qu’il déclare haut et fort censurer les messages des défenseurs du mariage parce qu’il n’est pas d’accord avec eux. Et qu’il en avertisse dûment les lecteurs de son site. Au lieu de cela, Mettout fait mine de bannir pour des raisons de forme (« homophobie », « injures », « hors sujet »), et, sous ces prétextes, écarte toute contradiction.
Des méthodes de manipulateur
Des principes à éclipse
Le pire est que le même Mettout qui se veut si féroce dans la chasse aux injures (au point de censurer même des messages qui n’ont absolument rien d’injurieux), manque sans complexe à ses principes lorsqu’il s’agit de ses ennemis.
Lorsque Castellucci produit des spectacles injuriant le Christ de façon ordurière, ou lorsque Charlie-Hebdo caricature Mahomet de façon obscène, on s’attendrait, logiquement, à ce que Éric Mettout manifeste quelques réticences. Il pourrait déclarer que l’injure ne mène à rien, que la provocation est imbécile et que, autant il est favorable à une critique rationnelle des religions, autant il refuse la volonté de choquer à tout prix et de traîner dans la boue les croyances des autres.
Pour un homme si sensible sur le terrain du respect des autres, ce serait, semble-il, la moindre des choses.
Eh bien non ! Là, Mettout est partisan de l’injure, de la grossièreté, de la scatologie et de la provocation haineuse. Il soutient à fond Castellucci et Charlie-Hebdo dans leurs attaques antireligieuses.
Autrement dit : contre le projet de loi Taubira. Éric Mettout ne supporte même pas les arguments rationnels. Il les qualifie immédiatement d’« homophobes ». En ce cas, aucune liberté d’expression ne vaut. Mais contre la religion, en revanche, il soutient toutes les violences, toutes les injures, tous les mensonges. C’est que la liberté d’expression est en cause. Et la liberté d’expression n’est-elle pas la valeur suprême ?
Tartufferie flagrante
Un cas emblématique
Récapitulons :
1) Éric Mettout dissimule son idéologie, et manipule ses lecteurs sous couvert de les informer.
2) Au lieu d’avouer publiquement ses vrais critères de censure, Éric Mettout emploie des prétextes fallacieux pour écarter ce qui va contre son idéologie.
3) Éric Mettout use d’une déontologie à géométrie variable. Quand l’homosexualité est en cause, le respect des personnes est la valeur suprême, qui prime absolument sur la liberté d’expression et qui interdit non seulement toute injure, toute polémique, toute attaque personnelle, mais même tout argument rationnel contre la loi Taubira. En revanche, lorsque la religion est en cause, la liberté d’expression devient la valeur suprême, et elle autorise non seulement la critique rationnelle, mais aussi l’injure, la provocation, le blasphème, etc.
Dis, Éric, réponds toi-même (car, maintenant qu’on a fait connaissance, on peut se tutoyer) : oserais-tu prétendre, yeux dans les yeux, mains sur le cœur, comme Cahuzac que tu es vraiment honnête ?
Tous les autres font comme toi. Je le sais. C’est sans doute ta seule excuse. Mais, pour nous, ce n’est pas du tout, pas du tout une consolation !
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