Tribune libre de Grégory Morin-Martin*
Pris en tenaille entre l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet et le boulevard Saint-Germain, il est un bâtiment de style art-déco qui en a vu d’autres. Guy Mollet, Georges Marchais, François Mitterrand, toutes les grandes figures de la gauche française du XXe siècle se sont succédées à la tribune de cette chapelle Sixtine du socialo-communisme. Mais sa petite scène digne d’un théâtre de boulevard va devoir s’habituer à une autre chanson : les forces confédérées du giscardisme “new age” se sont données rendez-vous dimanche à la Maison de la Mutualité.
Depuis la mort programmée de l’UDF, le centre-droit fait face à la multiplication de chapelles partisanes aux orientations idéologiques diverses. Qu’il soit adepte du non-choix permanent et confus de François Bayrou ou d’une affiliation assumée à une droite républicaine de fibre “humaniste” et libérale, l’électeur centriste ne sait plus où donner de la tête. Au fil des années, l’union des centres est restée un serpent de mer : MoDem, Nouveau Centre, Alliance centriste, les logotypes se sont succédés sans réussir le coup de force. Cette tentative sera-t-elle fructueuse ? Rien ne permet de l’affirmer. Mais l’ancien ministre de l’écologie a de toute évidence réussi un beau coup médiatique. Un temps simple fédération de partis à la manière du Front de Gauche, l’UDI est devenue ce dimanche une formation structurée, parachevant la fusion de sept mouvements politiques. Le nouveau-né dispose déjà d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale depuis juin et peut compter sur le parrainage de nombreux élus locaux qui n’ont pas hésité à faire le déplacement jusqu’à la Mutualité. Un atout de poids quand on sait que le centre français, dépourvu de réelle tradition militante, est avant tout une mosaïque de ce que le politologue Maurice Duverger nommait des “partis de cadres”, ces cercles d’influence qui puisent d’avantage leur force dans les assemblées territoriales et entre les lambris du parlement que dans des permanences de province.
Fort du succès de ce premier rendez-vous citoyen, l’UDI pourrait bien devenir un vecteur d’émancipation essentiel pour la droite “orléaniste”, libérale et européenne. Et mettre ainsi fin à la confusion idéologique fondamentale qu’avait entraînée la création de l’UMP. Un cadre du premier mouvement d’opposition le confirme aujourd’hui dans les colonnes du Figaro : “L’UMP n’a pas rempli son rôle. La présidentielle mise à part, nous avons perdu toutes les élections depuis dix ans. Avant 2002, la droite et le centre marchaient sur leurs deux jambes. Il faut retrouver cet équilibre” (1). Un équilibre qui serait favorisé par l’avènement d’un parti centriste assumant pleinement son patrimoine idéologique. Jean-Louis Borloo a pu compter sur les soutiens sans faille de la très populaire Simone Veil et de l’inoxydable Valéry Giscard d’Estaing. Sur l’arrière-scène de la “Mutu”, défilaient les visages de Robert Schuman, Jean Monnet et des Républicains radicaux de la IIIe République. Pas de tromperie sur la marchandise : la filiation historique de la nouvelle formation est claire comme de l’eau de roche, à mille lieues d’une UMP qui semble se perdre dans une multiplicité de références. De là à imaginer un retour progressif au statu quo de 2002, il n’y a qu’un pas.
Mais au-delà de la refonte du paysage politique français, l’UDI n’est-elle pas aussi le parti d’un homme ? Coqueluche des grands médias nationaux en ce dimanche d’octobre, Jean-Louis Borloo semble avoir définitivement mis hors-jeu son rival Hervé Morin, qui déclarait solennellement sa candidature à l’élection présidentielle il y a quelques mois à peine. Expérimenté, charismatique, élu de terrain ayant réussi à imposer son style original et “bobo-compatible” certains voient déjà en lui le héros d’une droite parisienne divisée aux prochaines élections municipales. À l’heure où les multiples courants idéologiques de la droite et du centre réaffirment leurs identités singulières, le trublion de Valenciennes semble avoir trouvé un bon filon.
*Grégory Morin-Martin est étudiant à l’Institut d’études politiques de Paris.
1. http://www.lefigaro.fr/politique/2012/10/21/01002-20121021ARTFIG00183-ump-et-udi-complementarite-geographique.php
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