Une pétition circule ces jours-ci pour réclamer de la part des divers acteurs du mouvement dit « la Manif pour Tous » l’union sacrée ! Il serait temps disent certains ! Impossible se désolent d’autres, tandis que, naïvement, quelques-uns affirment qu’elle existe déjà !
Il semble en effet bien difficile d’y voir clair au milieu d’apparentes (?) querelles d’état-major ou de personnes ! Querelles dont il suffit d’aller sur le terrain pour se rendre compte combien tout le monde s’en f…. Car, tout de même, rassembler des centaines de milliers de personnes suppose une réelle forme d’unité. La gageure est ici d’autant plus notable qu’il ne s’agit pas simplement d’être contre pour se retrouver derrière les banderoles roses. Bien au contraire, il faut être pour ! Mais pour quoi en définitive ? Au-delà de toutes les divergences, ce qui a uni ces milliers et milliers de manifestants c’est leur commune vision de l’Homme. Ils sont venus, non parce qu’ils étaient contre le mariage homosexuel, ce n’était que l’étincelle d’un bûcher déjà bien tassé, mais parce qu’ils croient en l’Homme. Alors, sur ce point, l’unité est un roc que le simple agrégat de mécontentements ne pourrait justifier. Il faut avoir conscience de cette incroyable force, de ce ciment qui unit les manifestants par-delà tous les clivages, de cette conviction commune de l’Homme comme socle de civilisation. En face de ce roc, se trouve du sable. L’absence de vision anthropologique de ceux qui promeuvent une nouvelle civilisation sise sur une autre idée de l’Homme, fait d’eux un agrégat aussi fragile que le sable balayé par le vent. Voilà pourquoi, ils ne tiendront jamais, y compris dans leur sacrosaint rapport de force. Voilà pourquoi, ils s’enferrent dans le mensonge, la provocation et l’insulte jusqu’au plus haut niveau de l’État. Les milliers de manifestants reposent sur un roc et ce roc fonde envers et contre tout leur cohésion.
Il faut bien reconnaitre que ce roc comprend en surface nombre de fragilités et de fissures. Mais à y regarder de plus près, elles sont secondaires et bien souvent surajoutées au roc. Ce qui compte c’est de tenir cette vision anthropologique et d’en faire la norme de l’action, tant dans la finalité (que voulons-nous ?) que dans les moyens (comment nous y prenons-nous ?). La finalité n’est rien moins que le bonheur de l’Homme. N’ayons pas peur de le dire ! Ce que nous voulons promouvoir c’est une civilisation qui rendra effectivement l’Homme heureux. Le tout est de savoir ce qui le rend heureux. Précisément, ceci est en dépendance de qui est l’Homme. Aussi, normalement, si nous sommes unis par ce roc d’une même vérité anthropologique, nous serons également unis quant à la finalité en dépendance de cette anthropologie. Et là il convient de fortifier l’unité par une présentation claire : Voici l’Homme.
En revanche, les modalités d’action, c’est-à-dire la stratégie, peuvent différer. Et ici nous nous heurtons à de nombreux écueils. Le premier d’entre eux est un défaut d’analyse des forces en présence et du terrain. Globalement, l’adversaire est assez bien identifié, ainsi que ces procédés. Mais la réalité de nos forces n’est pas vraiment appréhendée. Qui sommes-nous et de quelles armes disposons-nous ? Ces armes sont-elles adaptées ou faut-il les modifier ? Nous cherchons à nous compter et c’est important. Mais l’obsession de la quantité ne doit pas nous faire oublier la prise en compte de la qualité.
Or là nous faisons une nouvelle erreur stratégique. Nous confondons diversité avec division. Les charismes dont nous disposons sont incroyablement nombreux. Et à les détailler nous verrions que nous possédons tous ceux qui nous sont nécessaires pour avancer. Chacun œuvre dans son ordre, selon son talent et cela peut donner une impression dispersée, bigarrée, hirsute même. Alors nous serions tentés d’unir tout cela en une colonne bien rangée. Oui mais voilà ! Comment faire de charismes aussi différents une seule et même colonne, sans perdre l’apport de chacun, sans réduire notre richesse ?
“L’union sacrée, celle qui nous fait défaut, est avant tout stratégique. Comment allons-nous travailler de concert ? L’heure viendra bien assez tôt de savoir s’il faut ou non trouver un amiral pour la flotte, car il est bien probable qu’il sortira de lui-même.”
La question n’est pas bénigne car elle pointe du doigt deux difficultés. À partir d’un même roc chacun agit selon son charisme propre. Les uns enseignent, les autres taraudent l’adversaire, tandis que qu’une poignée se lance dans la réinformation aux côtés de ceux qui arpentent le territoire pour convaincre. Dans le même temps, des associations tentent de remettre l’Homme à sa place dans l’entreprise, d’autres se penchent sur la fin de vie et ainsi de suite. Tout cela laboure le terrain, sème de nombreuses graines qui toutes pousseront sur le même roc. Nous sommes bien loin de la dispersion, au contraire. Le souci est que chacun étant spécialiste de son domaine, personne ne semble avoir de vision d’ensemble. Bien que bâtie sur le roc, la maison manque de jointures et de portes de communication.
Être conscient d’habiter la même demeure crée un sentiment d’appartenance. Ignorer ce que la chambre voisine met en œuvre crée une sectorisation hermétique qui, à terme, fissure les murs et nourrit les divisions. Nous avons donc un impérieux besoin de communiquer, de prendre le temps de nous poser dans les pièces voisines, de nous imprégner de ce qui s’y fait, voire de faire ensemble quand cela s’avère opportun.
Cela dit, créer des passages, multiplier les synergies n’est pas suffisant, loin s’en faut, même s’il est possible que ce soit la tâche du moment. Ce n’est pas la circulation d’une pièce à l’autre qui fait l’unité de la maison, mais bien la maison elle-même. Et ne nous trompons pas. Nous appelons à une unité qui existe déjà. Et il ne s’agit pas de transformer la maison en une seule et même pièce. Or là est bien la difficulté. On nous appelle à l’union sacrée pour faire bloc, pour ne pas nous diviser. Mais nos mouvements œuvrent et sont prêts à cela. Ils n’ont pas attendu un appel ! Ils l’ont entendu depuis longtemps ! La question n’est pas d’être unis ! Mais d’apprendre à travailler ensemble ! Comment faire œuvrer de concert un institut de formation dont le charisme repose notamment sur l’indépendance politique avec un parti politique ? Comment unir l’action d’un cercle de réflexion avec des mouvements spontanés dont le but est de maintenir une pression sur le gouvernement ? Beaucoup sont prêts à travailler ensemble ! Et certains y parviennent. Nombreux sont ceux qui n’ont pas attendu l’union sacrée ! La vraie question est ailleurs ! Qui va définir la stratégie qui unifiera les charismes de chacun ? Et là, nous avons du chemin à parcourir ! Parce qu’il faut d’abord avoir conscience de la force de notre complémentarité et de son identité. Alors, nous pourrons définir un cap. L’immense flotte que nous constituons comporte de nombreux navires avec des commandants compétents. Ces derniers doivent avoir à l’esprit qu’ils ne sont qu’un bâtiment au service de cette immense armada. Mais pour cela, il faut qu’ils soient intégrés à un état-major qui accepte de se pencher de concert sur une même carte. Or c’est possible ! Nous l’avons fait un certain 5 septembre 2012 quand tout le monde s’est retrouvé pour envisager l’inenvisageable… mettre un million de personnes dans la rue !
Revenons tous, responsables de mouvements, de partis, intellectuels, stratèges, autour d’une même table, non pour fusionner, mais pour mieux mettre à disposition notre navire. Ces initiatives existent. Qu’elles s’unissent elles-mêmes. L’union sacrée, celle qui nous fait défaut, est avant tout stratégique. Comment allons-nous travailler de concert ? L’heure viendra bien assez tôt de savoir s’il faut ou non trouver un amiral pour la flotte, car il est bien probable qu’il sortira de lui-même.
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