Vers une interdiction totale de l’avortement en Pologne?

Affiche de la campagne de 2013 pour interdire les avortements eugéniques
Affiche de la campagne de 2013 pour interdire les avortements eugéniques

Mis à jour le 23/09/2016 : projet de libéralisation de l’avortement rejeté en première lecture, projet d’interdiction de l’avortement renvoyé en commission.

Vendredi, la Diète polonaise a décidé de renvoyer en Commission de la justice et des droits de l’homme le projet de loi citoyen prévoyant d’interdire l’avortement dans tous les cas sauf quand il s’agit de sauver la vie de la femme enceinte. Le parti libéral Nowoczesna avait demandé le rejet en première lecture de ce projet de loi, mais les députés en ont décidé autrement. La motion de Nowoczesna a été rejetée par 267 députés contre 154 et 11 abstentions. Le projet en faveur d’une libéralisation de l’avortement jusqu’à la 12e semaine de grossesse a quant à lui été rejeté en première lecture par 230 voix contre 173 et 15 absentions.

La Diète polonaise examinait le jeudi 22 septembre en première lecture deux initiatives citoyennes sur l’avortement qui ont valeur de projet de loi. La deuxième initiative, lancée par les milieux féministes en réaction à la première et qui a recueilli plus de 215 000 signatures (il en faut au moins 100 000), voudrait légaliser l’avortement sur simple demande jusqu’à la 12e semaine de grossesse. Car en Pologne, depuis une loi votée en 1993, appelée « compromis sur l’avortement », les avortements sont interdits sauf dans trois cas de figure : lorsque la grossesse met en danger la vie ou la santé physique de la femme enceinte (tant que le fœtus serait incapable de survivre de manière naturelle hors du corps de sa mère), si les examens prénataux ou d’autres symptômes médicaux montrent qu’il existe une forte probabilité de déficience grave et incurable du fœtus ou de maladie incurable mettant sa vie en danger (tant que le fœtus serait incapable de survivre de manière naturelle hors du corps de sa mère), et s’il existe une présomption forte que la grossesse est le fruit d’un acte interdit par la loi (viol, inceste… – jusqu’à la 12e semaine de grossesse). Malgré ces restrictions, les avortements légaux sont en hausse. Il n’y a chaque année que quelques rares cas d’avortement pour cause de viol ou d’inceste (par exemple 3 cas sur 744 avortements en 2013). Ces avortements concernent dans plus de 90 % des cas une déficience génétique de l’enfant conçu (principalement des cas de trisomie 21).

La première initiative citoyenne, lancée au printemps et qui a recueilli plus de 450 000 signatures, veut mettre fin notamment à ces avortements eugéniques en interdisant totalement l’avortement sauf lorsqu’un avortement serait la conséquence de soins médicaux visant à sauver la vie de la femme enceinte. Si ce projet de loi citoyen est adopté, l’avortement deviendra passible de prison (jusqu’à cinq ans) dans tous les cas, pour toutes les personnes qui y participent ou apportent leur concours, même si les juges pourront ne pas sanctionner la mère de l’enfant avorté en fonction des circonstances. Le projet de loi prévoit aussi pour l’État une obligation d’aide et d’assistance à la femme enceinte et à la famille de l’enfant dans les cas de figure où l’avortement est aujourd’hui autorisé. À noter que la faiblesse des sanctions, et l’absence de sanction contre les femmes qui se font avorter, sont un des talons d’Achille de la loi sur l’avortement de 1993[1].

Si le projet de loi des féministes n’a aucune chance, les parti pro-avortement (de gauche) n’étant plus du tout représentés au parlement polonais depuis les élections du 25 octobre 2015, le projet de loi des organisations pro-vie, soutenu par l’Église catholique, pourrait cette fois passer, même si ce n’est pas gagné d’avance. En effet, de nombreux députés, y compris dans les rangs du PiS, craignent de toucher au « compromis » de 1993. Néanmoins, le PiS, qui dispose d’une majorité absolue au parlement, avait soutenu, dans l’opposition, des initiatives parlementaires et citoyennes allant le sens d’une interdiction quasi-totale en 2011, 2013 et 2015. Et les députés sont d’autant plus sous la pression qu’un sondage réalisé en mai 2016 par l’institut IBRIS a montré qu’une majorité de Polonais soutiennent ce nouveau projet de loi : 58 % des personnes interrogées souhaitent que l’avortement ne soit autorisé que pour sauver la vie de la mère de l’enfant (une proportion qui atteint 57,9 % chez les femmes et 59,5 % chez les hommes), contre 30 % qui s’opposent à de nouvelles restrictions ou voudraient au contraire une libéralisation. Dans la tranche d’âge des 18-24 ans, une interdiction totale (sauf pour sauver la vie de la femme enceinte) remporte même 79,2 % d’adhésion ! A contrario, chez les plus de 65 ans, qui ont vécu la banalisation de l’avortement sous le régime communiste, seuls  48,7 % des gens soutiennent une telle interdiction.

Les différents sondages réalisés depuis la loi de 1993 montrent une évolution générale de la société polonaise vers un meilleur respect du droit à la vie. D’après un sondage CBOS publié en 2013, 75 % des Polonais considèrent l’avortement comme un mal qui ne peut en aucun cas se justifier. Un autre sondage publié en 2012 montrait que pour 80% des Polonais « la vie humaine doit être protégée de la conception à la mort naturelle toujours et quelles que soient les circonstances ».

À contre-courant de ce qui se passe dans la plupart des pays européens, l’exemple polonais prouve qu’il est encore possible de faire évoluer les mentalités en faveur du droit à la vie dès la conception même après des décennies de banalisation de l’avortement.

 

[1] Dans un article sur les IVG illégales publié en 2011, l’hebdomadaire catholique Gość Niedzielny donnait le nombre de condamnations pour les années précédentes pour des actes liés à des avortements illégaux ou des incitations à commettre ces actes : ce nombre a oscillé entre 14 et 42 condamnations par an entre 2003 et 2008. On ne peut bien sûr pas connaître le nombre d’avortements réalisés illégalement puisque les personnes impliquées n’ont aucun intérêt à les dévoiler. Toutefois, si l’on s’intéresse au nombre d’IVG légales réalisées en Pologne jusqu’en 1993 puis en 1997, on constate facilement le caractère hautement improbable des chiffres avancés par la Fédération polonaise pour les Femmes et le Planning familial, qui a parlé de cent mille, voire de deux cent mille avortements illégaux chaque année (tout en précisant pour ce deuxième chiffre que cela était censé englober les Polonaises résidant en Grande-Bretagne, même si les hôpitaux britanniques ne fournissent pas de statistiques par nationalités). Alors que les femmes pouvaient mettre librement fin à leur grossesse pendant les premiers mois de gestation, il y a au eu 59 417 IVG en 1990, 30 878 en 1991 et 11 640 en 1992, contre 130-140 000 par an dans les années 80. En 1997, pendant la période du 4 janvier au 23 décembre où l’avortement « à la demande » était à nouveau légal (le parti social-démocrate post-communiste SLD a ajouté en 1997 un quatrième motif permettant à une femme de se faire avorter, sa situation économique et sociale, mais la cour constitutionnelle polonaise a invalidé cette modification de la loi en raison de son incompatibilité avec le droit à la vie garanti par la constitution polonaise), il n’y en n’a eu que 3047. Les estimations de l’hebdomadaire Gość Niedzielny qui avancent une fourchette de 6000 à 22000 avortements illégaux par an sur la base du rapport généralement observé entre nombre d’avortements légaux et nombre d’avortements illégaux paraissent donc bien plus fiables au vu de l’évolution « pro-vie » des mentalités polonaises depuis la loi de 1993.

 

L’enfant à la douzième semaine de grossesse, délai légal pour avorter sur simple demande en France. Capture d’écran du film « De la conception à la naissance ».
L’enfant à la douzième semaine de grossesse, délai légal pour avorter sur simple demande en France. Capture d’écran du film « De la conception à la naissance ».

 

À voir :

Visualisation du développement prénatal de l’enfant avec le film « De la conception à la naissance »  sous-titré en français

 

Du même auteur :

Entretien avec le professeur Chazan, un gynécologue-obstétricien polonais attaqué pour ses prises de position contre les avortements eugéniques

«J’étais comme le docteur Jekyll et mister Hyde» – entretien avec un gynécologue-obstétricien qui a renoncé à pratiquer des avortements

Une clinique polonaise renonce aux «interruptions médicales de grossesse»

 

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6 Comments

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  • jejomau , 23 septembre 2016 @ 14 h 53 min

    Le projet pour la France de Mr POISSON est un projet résolument catholique qui pourrait préfigurer la Nouvelle Europe chrétienne à bâtir . Voici ce qu’il dit lui-même :

    “Mon projet est un projet global de redressement. Pas un catalogue de gestion pour garantir la croissance, comme le font tous les autres candidats, mais une vision et des priorités : rétablir l’autorité de l’Etat et sa capacité de protection et reconstituer le peuple en tant que Nation, à travers 12 réformes-cadres.

    Au sein de ces réformes, je porte des mesures qu’aucun candidat ne défend, parmi lesquelles :

    – La baisse du nombre d’avortements comme objectif de santé publique ;

    – L’abrogation de la loi dite du mariage pour Tous et le refus de toute union civile des couples de même sexe ;

    – La suppression du Ministère de la culture qui ne sert à rien et impose une culture officielle ;

    – La facilitation de la création d’écoles privées hors contrat ;

    – L’abrogation des lois mémorielles (Loi Gayssot et Taubira) qui imposent une version « officielle » et culpabilisante de notre histoire ;

    – La suppression du Conseil Français du Culte Musulman, remplacé par un accord contractuel au niveau de chaque association cultuelle ;

    – La suppression du droit du sol pour ne garder que le droit du sang comme mode d’acquisition de la nationalité, et le refus d’une société multiculturelle ;

    – L’instauration d’un septennat présidentiel unique ;

    – L’inscription de nos racines chrétiennes dans la Constitution ;

    – L’instauration d’un service national universel ;

    – La mise en place d’un revenu universel, en lieu et place de toutes les allocations sociales existantes (à l’exception des allocations familiales)

    – La sortie de la France du commandement intégré de l’OTAN ;

    – L’indépendance des tribunaux français face aux décisions de la CEDH ;

    – La sortie de l’Europe de Maastricht et la création d’un conseil confédéral des 6 plus grandes nations européennes, à l’image du conseil de sécurité de l’ONU, qui dirige la Commission.

    Si nous ne reconstituons pas le peuple et l’Etat, tout ce que nous ferons ne servira à rien. C’est l’heure du défi pour notre pays, il est à l’évidence capable de le relever”

    N.B : LE vote pour les PRIMAIRES a lieu le 20 NOVEMBRE . A savoir : les jeunes qui ont aujourd’hui 17 ans mais 18 ans pour les Présidentielles peuvent aller voter ! N’hésitez donc pas à sensibiliser votre famille !!

  • eric-p , 23 septembre 2016 @ 17 h 16 min

    Toutes ces mesures sont intéressantes (je suis tout de même réservé sur qq’unes d’entre elles)
    mais il y a un oubli fondamental dans son programme:

    -Les lois relatives à l’euthanasie ou même à la notion de “mort dans la dignité” (imbibée
    d’idéologie toxique !) doivent être abrogées d’urgence.
    Avec la loi scélérate Leonetti (Vincent Humbert en sait qqchose), ça fait belle lurette qu’on a franchi la ligne jaune.

    Je n’ai qu’une confiance limitée dans ce M. Poisson dont on dit qu’il est FM.

  • jejomau , 23 septembre 2016 @ 18 h 13 min

    Avant toute chose, les prochaines échéances électorales concernent les Primaires à Droite. Et il faut dire, ce me semble, que pour la première fois depuis très longtemps, les catholiques ont enfin un champion en la personne de Mr Poisson. Il ne tient qu’à nous de se bouger autant que la communauté musulmane ou que les LGBT le font ! De toute façon, même s’il ne l’emportait pas, plus NOUS SERONS NOMBREUX A EXPRIMER ENVERS UN CANDIDAT CE QUE NOUS VOULONS, plus celui qui sera “élu” devra tenir compte du message envoyé !

    Concernant Mr Poisson, Il faut noter que c’est un homme fidèle à ses convictions . Le journal “le Point” a parlé récemment de son programme et de l’homme.

    “Je n’ai pas toujours été chrétien, je suis un converti, prévient-il. Les discours sur le mode la religion est contraire à la liberté, empêche de vivre, d’aimer… je les ai tenus, moi aussi.”

    Sur l’Europe, il opte clairement pour une Europe des nations qui ne confierait à l’UE que les tâches essentielles : prise en charge des migrants, sécurisation des frontières extérieures, lutte contre la prévarication des acteurs américains du numérique…

    (il)a voté contre le traité de Maastricht, contre le traité de Lisbonne et contre le pacte de stabilité budgétaire présenté par François Hollande (alors que ses camarades de droite l’ont soutenu).

    Autre différence notable avec ses concurrents de la droite : la dénonciation farouche de l’atlantisme de François Hollande et de ses concurrents de droite (un bémol pour Fillon). Une politique extérieure qu’il juge “catastrophique” mis à part les interventions militaires au Mali et en Centrafrique. “On pouvait difficilement être plus atlantiste que Sarkozy. Et pourtant, Hollande a réussi à gravir une marche de plus. C’est un exploit !” ironise-t-il. Poisson prône tout au contraire un renversement d’alliance à travers la signature d’un accord-cadre entre l’Union européenne et la Russie, ne serait-ce que pour mettre fin à cet embargo qui pénalise l’agriculture française.”

    http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/jean-frederic-poisson-le-seul-souverainiste-de-la-primaire-15-09-2016-2068486_1897.php

  • Cap2006 , 24 septembre 2016 @ 17 h 48 min

    Je ne voudrais pas être désagréable, une fois de plus me direz vous… mais avec guère plus de 3 à 4% de foyers fiscaux donnant au denier du culte… pas beaucoup plus de pratiquants réguliers… et surtout la quasi disparition des confirmations à l’adolescence…

    Je me demande meme s’il n’y a pas plus de musulmans pratiquants que de catholiques…

  • Chevalier- de Moncaire , 25 septembre 2016 @ 1 h 48 min

    Le peuple et le gouvernement polonais ont les idées trés claires. La Patrie de Saint Jean PaulII et de Frédéric Chopin est une tette aux racines chrétiennes.Un pays catholique comme il faut

  • Paule C , 26 septembre 2016 @ 22 h 23 min

    L’interdiction totale, massive et dogmatique de l’avortement n’est pas recevable. L’autorisation de l’avortement quand la mère est mineure, quand il y a eu viol, quand la vie de la mère est en danger, quand le fœtus présente des malformations très graves peut se justifier. Il me paraît inhumain d’imposer à une future mère, et à sa famille quand elle en a une, d’accueillir un enfant qui n’est pas désiré ni accepté. Ou alors, il faudrait mettre en place un système qui permette aux mères et à ces enfants non désirés de trouver une famille adoptive, donc de déculpabiliser les jeunes mères (les géniteurs quant à eux ne sont jamais mis en cause, ce qui est le scandale le plus inacceptable, on en est encore au Moyen-Age). Mais en France (et ailleurs manifestement) on en est encore au Moyen-Age. Je suis catholique, mais je ne comprends pas comment on peut encore , au XXI° siècle, faire porter toute la responsabilité (la “faute”) sur la mère seule. Par ailleurs, en France, l’avortement fait partie maintenant des méthodes de contraception. Et ça, c’est TOTALEMENT inadmissible.

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