L’opposition libérale-libertaire polonaise de moins en moins démocratique

Une partie des députés d'opposition occupent la tribune pour bloquer le vote du budget et de la loi réduisant les retraites des anciens membres de la police politique.
Une partie des députés d’opposition occupent la tribune pour bloquer le vote du budget et de la loi réduisant les retraites des anciens membres de la police politique.

Non contente d’avoir plongé la Pologne dans une crise constitutionnelle en voulant nommer à l’avance 5 juges de la Cour constitutionnelle à l’approche d’élections qu’elle savait perdues, non contente de reprocher aux conservateurs vainqueurs des élections d’octobre 2015 une prise de contrôle des médias publics qu’elle avait elle même pratiquée sans scrupules, non contente de demander sans cesse des sanctions de Bruxelles contre son propre pays, voilà désormais l’opposition qui joue son va-tout en tentant d’organiser un « Maïdan » polonais. Vendredi soir, prenant prétexte d’une proposition de modification du règlement du parlement polonais en ce qui concerne l’accès, exceptionnellement libéral en Pologne, des journalistes au bâtiment de la Diète et du Sénat, et criant à la fin de la liberté des médias, une partie des députés d’opposition ont entrepris de bloquer le vote par la Diète du budget 2017 et d’une loi réduisant drastiquement les pensions de retraites des membres de l’ancienne police politique. Simple coïncidence ? Ce n’est pas en tout cas ce qu’en pense Jan Olszewski, le premier ministre dont le gouvernement avait été renversé en pleine nuit en 1992 par le président Lech Walesa, alias agent Bolek, et les partis d’opposition qui voulaient l’empêcher de publier les listes des hommes politiques qui avaient collaboré avec la police politique communiste. Pour lui, si la situation est différente, on retrouve les mêmes intérêts qui se défendent, quitte à déstabiliser le pays. Donald Tusk était déjà à la manœuvre en 1992, et il est aussi intervenu ce week-end pour soutenir ses amis de la Plateforme civique (PO), ainsi que leur ancien allié PSL, le parti agraire, et leurs concurrents libéraux du parti Nowoczesna, un parti créé avant les élections de 2015 pour attirer les voix des électeurs déçus par le PO.

Certains médias français ont les Polonais seraient massivement descendus dans la rue ce week-end pour défendre la démocratie. Pour être plus précis, la police polonaise qui, contrairement à la police française, donne généralement des chiffres plutôt exacts, a parlé de 3000 manifestants devant la Diète au moment culminant. Des manifestants qui ont tenté d’empêcher les députés du PiS de rentrer chez eux, forçant la police à intervenir pour leur faire un passage. Une autre manifestation, en soutien au gouvernement celle-ci, a été organisée en quelques heures dimanche et a attiré un nombre similaire de manifestants. Dire que les Polonais sont descendus dans la rue ce week-end est par conséquent un peu exagéré.

Le premier ministre est intervenu en faisant un discours à la télévision publique samedi soir, appelant ses compatriotes au calme et l’opposition à une attitude moins destructrice. Simple coïncidence encore ? Dans plus de la moitié des régions polonaises, des téléspectateurs se sont plaints de problèmes avec la réception du signal de la télévision publique sur la TNT. Les pannes auraient commencé juste avant le discours de Beata Szydło, ce qui pour certains est bien le signe que les troubles à la Diète et la fuite en avant des amis de Donald Tusk sont motivés non pas par le règlement sur l’accès des journalistes au parlement, mais par la loi sur les retraites des anciens fonctionnaires des services répressifs du régime communiste. C’est en tout cas ce que pensent les conservateurs qui les accusent depuis 26 ans d’avoir conservé un pouvoir parallèle rendant la démocratie polonaise toute relative. La nouvelle loi plafonnera leurs retraites au montant de la retraite moyenne en Pologne, soit environ 2000 zlotys par mois (moins de 500 €), pour des gens qui bénéficiaient jusqu’ici de retraites pouvant atteindre plus de 20 000 zlotys par mois. C’était un engagement du PiS, pour réparer l’injustice de la transition démocratique après laquelle les anciens opposants liés au syndicat Solidarité se sont retrouvés bien plus mal lotis que leurs anciens oppresseurs, du fait des périodes passées en détention et de l’impossibilité qui leur était faite de trouver un travail correct.

Malgré le blocage de la tribune de la Diète, la loi a été votée, de même que le budget. Un nombre suffisant de députés pour assurer le quorum se sont en effet déplacés dans une autre salle, comme le permet le règlement du parlement de Varsovie en cas d’impossibilité d’utiliser la salle habituelle pour les délibérations et les votes. Ceux qui ont voulu bloquer les travaux du parlement contestent toutefois la légalité de ces votes et demandent un nouveau vote.

Les deux camps s’accusent mutuellement de violer les principes démocratiques et l’État de droit. Il ne semble cependant pas que la Pologne se dirige vers un « Maïdan », car l’opposition libérale- libertaire ne bénéficie pas d’un très grand soutien dans la population. Depuis un an, le PiS se maintient à peu de chose près au niveau qui lui a permis d’obtenir la majorité absolue des sièges en octobre 2015 (à 30-40 % des intentions de vote selon les sondages), et les deux partis libéraux-libertaires, même pris ensemble, restent loin derrière (à 20-30 %). La plus grosse manifestation organisée par le « comité de défense de la démocratie » (KOD) depuis un an avait rassemblé environ 45000 manifestants, ce qui n’est pas suffisant pour renverser un gouvernement issu d’élections démocratiques.

La fuite en avant de l’opposition libérale-libertaire s’explique aussi, selon les conservateurs, par le fait que le mandat du président de la Cour constitutionnelle arrivait à expiration ces jours-ci et le PO, qui l’avait nommé, va ainsi perdre un précieux allié dans sa lutte pour bloquer l’action du PiS, car Andrzej Rzepliński se comportait incontestablement plus en homme politique de l’opposition qu’en juge du tribunal constitutionnel.

Cette opposition au PiS bénéficie toutefois du soutien de ces mêmes médias qui la soutenaient déjà contre le PiS quand les rôles étaient inversés et que la coalition PO-PSL était aux affaires. Voici un petit échantillon du genre de manipulations auxquelles se prêtent ces médias pour exciter leurs téléspectateurs/auditeurs/lecteurs contre le PiS. On y voit la plus grosse chaîne d’information en continu qui montre un responsable de la police en train d’expliquer que, malgré l’intervention des policiers, il n’y a pas eu d’arrestations ni de blessés. Une prise de vue montre en même temps un homme à terre pour discréditer les affirmations de ce chef de la police. La suite du film, qui n’a pas été montrée sur TVN, montre le même homme filmé sous un autre angle qui s’est couché lui-même par terre et qui s’est ensuite levé tranquillement. Ce deuxième film a fait le buzz sur les réseaux sociaux, et l’acteur au centre de la manipulation a été identifié par des internautes : il s’agit du mari d’une journaliste liée à un journal d’extrême gauche, Krytyka Polityczna, qui avait lui-même travaillé à la télévision publique avant d’en être licencié. La scène de l’homme « blessé » à terre a aussi été reprise samedi dans un spot du parti PO pour dénoncer les « brutalités policières ». Des brutalités qui n’ont pas eu lieu donc, et pour lesquelles le PO serait de toute façon, comme dans le domaine de la liberté des médias, bien mal placé pour protester.

 

 

Article publié originellement sur le site Visegrád Post

 

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1 Comment

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  • hermeneias , 21 décembre 2016 @ 0 h 17 min

    Le “liberal-fascism” en ses oeuvres main dans la main avec les anciens marxistes confits en idéologie .
    Rien de nouveau .
    Les conservateurs polonais , à l’exemple de TRUMP , doivent sortir d’une fausse gentillesse naive et “bien élevée” et taper sans retenir ses coups sur l’hydre à 10 têtes totalitaire

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