L’Espagne a commémoré le dixième anniversaire des attentats de Madrid du 11 mars 2004, le plus sanglant de son histoire. Des islamistes marocains avaient fait sauter quatre trains , faisant 192 morts et 1900 blessés. À l’initiative des associations de victimes, une messe a été célébrée à la cathédrale de l’Almudena, en présence du roi Juan Carlos, de la reine Sofia et du chef du gouvernement, Mariano Rajoy.
Mounir Benjelloun, président de la Comisión Islámica de España, s’est senti « discriminé » et s’en est plaint à l’agence Servimedia. « Les victimes catholiques, s’est-il indigné, sont les seules à qui on rende hommage selon leurs rites. Il aurait dû y avoir une cérémonie avec toutes les religions ou, sinon, une cérémonie civile. Les musulmans aussi ont souffert du terrorisme et ils méritent d’être respectés ».
Mounir Benjelloun a obtenu le soutien des protestants évangéliques ainsi que des associations laïcistes, qui ont qualifié cette cérémonie catholique d’ « anachronique ». Le théologien catholique progressiste, Juan José Tamayo Acosta (lauréat en 2010 du grand prix « Islam et Vivre-ensemble » des associations musulmanes d’Espagne), a dénoncé de son côté « ces restes de national-catholicisme ». La célébration d’une messe témoigne, selon lui, de « l’absence de toute sensibilité interreligieuse et interculturelle ».
Les représentants de la communauté orthodoxe, en revanche, ont assisté à la messe catholique et ont déclaré y avoir été très bien accueillis. « En Espagne, a expliqué Andrey Kordochain, curé de l’église orthodoxe russe de Madrid, on ne peut pas ignorer la présence de l’Eglise catholique, de son histoire et de sa culture. En outre, une cérémonie religieuse est beaucoup plus émouvante qu’une cérémonie laïque. »
Pour « rétablir l’équilibre entre les confessions religieuses », Mounir Benjelloun vient de rendre publique la lettre qu’il a adressée à Mariano Rajoy ainsi qu’au ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardón. Il y réclame des dédommagements pour « les descendants des morisques » expulsés d’Espagne en 1603, qu’il se propose d’aider à identifier et localiser. Pour commencer, comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, Benjelloun demande « la cession d’un immeuble public »où la Comisión Islámica de España puisse établir son siège, « afin de rendre plus digne la représentation de l’Islam en Espagne ».