Des élections truquées en Pologne ? Vous avez bien dit en Pologne ?

Donald Tusk, nouveau président du Conseil européen alors que le parti qu’il dirigeait avant d’entrer en fonction le 1er décembre est accusé de couvrir les très graves irrégularités constatées lors des récentes élections régionales et municipales en Pologne. Un président à la hauteur des standards démocratiques de l’UE ?

Le 16 novembre dernier, les Polonais élisaient leurs maires, leurs conseillers municipaux et les conseillers des voïvodies (régions). Pour la première fois depuis la transition démocratique de 1989-90, l’opposition parlementaire, de droite comme de gauche, conteste les résultats officiels et demande de nouvelles élections. Des voix se sont mêmes élevées pour exiger la présence d’observateurs de l’OSCE, chose inédite pour un membre plutôt respecté de l’Union européenne. On imagine ce qu’aurait pu être la réaction des médias européens si la chose avait eu lieu dans la Hongrie actuelle dirigée par Viktor Orbán. Mais dans la Pologne dirigée par la très europhile Plateforme civique (PO) du nouveau président du Conseil européen Donald Tusk, si les médias et les politiciens d’opposition crient à la fraude, cela ne mérite sans doute pas d’y prêter attention.

C’est d’ailleurs ce que semblent penser une majorité des députés au Parlement européen puisqu’ils ont refusé le 24 novembre de s’intéresser au déroulement des élections polonaises comme le demandait le groupe politique Conservateurs et Réformistes européens qui réunit notamment les Tories britanniques et le parti Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński. Ces mêmes députés européens, qui s’inquiètent régulièrement de l’état de la démocratie en Hongrie, n’ont donc pas jugé bon de relever les signaux très inquiétants qui leur viennent de Pologne, ce qui dénote une appréhension très particulière des exigences démocratiques. Il semble en effet que le danger pour la démocratie vu de Bruxelles et de Strasbourg ne provienne pas des irrégularités observées lors d’élections mais plutôt des choix, réels ou truqués, faits par les électeurs.

L’opposition polonaise a pourtant de bonnes raisons de s’inquiéter, et si les conservateurs du PiS et les sociaux-démocrates post-communistes du SLD disent la même chose, ce qui arrive extrêmement rarement, c’est peut-être qu’il est en train de se passer quelque chose. Car si le président Bronisław Komorowski (PO) et le nouveau premier ministre Ewa Kopacz (PO), qui a succédé à Donald Tusk, crient aux pyromanes, reprochant à Jarosław Kaczyński et à Leszek Miller, le leader du SLD, de mettre le feu à la maison et de chercher à discréditer la Pologne à l’étranger, depuis 21 ans que je réside en Pologne, je n’avais encore jamais vu plusieurs grands journaux titrer sur des élections volées ni les principales chaînes de télévision débattre pendant des heures pour savoir si les irrégularités et les bizarreries constatées mériteraient ou non de nouvelles élections.

La première surprise est venue des grosses différences constatées entre les sondages de sortie des urnes et les résultats finaux. Le dimanche 16 novembre au soir, tous ont cru à une nette victoire des conservateurs du PiS, accrédités de 31,5 % des voix contre 27,3 % à la PO, 17 % au partenaire de la PO au sein du gouvernement, le parti paysan PSL, et 8 % au SLD. Ces sondages avaient toujours jusqu’ici été si fiables que tous étaient d’accord pour leur donner foi et pour façonner les discours en fonctions de ces premiers résultats. Mais il y a eu ensuite les pannes du système informatique créé exprès pour ces élections… en seulement 3 mois. Il y a aussi eu les vulnérabilités de ce système acheté au rabais et dans lequel des petits malins s’amusaient à changer les résultats dans certaines municipalités, ou même à rajouter un candidat inexistant au poste de maire d’une commune en le faisant accéder au deuxième tour ! Si bien que l’on est repassé à la bonne vieille méthode du compte manuel, ce qui a retardé la publication des résultats de plusieurs jours.

Et les résultats définitifs publiés le samedi 22 novembre ont pour le moins surpris : par rapport aux sondages de sortie des urnes, le PiS n’arrive plus qu’à quelques dixièmes de point de pourcentage devant la PO, avec un peu plus de 26 % des voix pour chacun de ces deux partis aux élections régionales, tandis que le PSL réalise un score historique de plus de 23 %, lui qui oscille généralement dans les sondages entre 5 et 10 % (même s’il fait généralement mieux aux élections régionales : 16 % en 2010) et que l’on pensait usé par 7 ans de présence au gouvernement. Le PSL réalise même dans certaines circonscriptions de véritables prouesses, améliorant son score aux dernières élections locales et régionales de 300, 500, voire 1100 %, une chose qui n’avait absolument pas été relevée par les sondages de sortie des urnes ! Ceci permettra à la coalition au pouvoir depuis 2007 de conserver presque toutes les voïvodies.

Une autre curiosité de ces élections, c’est le nombre de votes nuls : 18 % pour le choix des conseillers régionaux, une proportion qui atteint 23 % dans certaines voïvodies et 60 % dans certains bureaux de vote ! Même si tous conviennent que les instructions de vote fournies par la commission électorale nationale manquait un peu de clarté, la méthode était la même qu’aux dernières élections européennes où il n’y avait eu que 3 % de votes nuls en moyenne : le bulletin de vote est un cahier où chaque feuille est la liste d’un parti et l’électeur doit cocher le nom d’un seul candidat sur la liste de son choix. Notons au passage que pour invalider un bulletin « mal rempli », il suffit donc d’ajouter une deuxième croix n’importe où. Notons aussi que la loi polonaise n’autorise pas tous les partis candidats à avoir des représentants dans toutes les commissions électorales locales et que les piles de bulletins de vote sont souvent réparties entre les membres de ces commissions pour que chacun en compte une partie, seul dans son coin ! Notons encore pour finir que sur la carte des résultats électoraux, il semble dans l’ensemble que plus la proportion de bulletins nuls est élevée, meilleur est le résultat du PSL !

Entre les bulletins comptés en trop ou perdus, avec dans certains cas des incohérences entre les résultats relevés sur les procès-verbaux de compte des votes qui se chiffraient en dizaines ou centaines de milliers au niveau régional, les photos prises par des électeurs époustouflés de sacs de bulletins de vote laissés sans surveillance après avoir été retirés des urnes et ces électeurs qui ne comprennent pas comment le candidat pour lequel ils ont voté a pu recueillir… 0 votes, la coalition PO-PSL, si elle conserve le pouvoir dans les régions, risque d’y perdre sa légitimité démocratique.

La mise en détention provisoire de deux journalistes qui relataient pour leur rédaction une manifestation organisée devant le siège de la commission électorale nationale envenime encore les choses et font ressembler ces élections un peu plus à ce dont on accuse d’habitude des pays comme la Russie ou la Biélorussie. Ces journalistes ont finalement été relâchés par décision de justice après plusieurs semaines de détention et alors que plusieurs personnalités importantes de la coalition gouvernementale demandaient qu’ils soient condamnés !

Les leaders de la PO qui s’offusquent aujourd’hui des accusations de fraudes massives et des appels lancés par le PiS au Parlement européen semblent avoir oublié qu’ils suggéraient eux-mêmes, lorsque le PiS était au pouvoir, de demander à l’OSCE de surveiller les élections sans pourtant avancer de raisons concrètes pour craindre des élections truquées, si ce n’est qu’avec le PiS « on ne sait jamais ». Et quand la gauche polonaise en la personne de Bronisław Geremek en avait appelé au Parlement européen à propos d’une loi votée par le PiS imposant aux députés de dévoiler leur collaboration passée avec la police secrète communiste, les accusations d’atteinte à la démocratie avaient fusé depuis Bruxelles. Le contraste dans l’attitude des élites politico-médiatiques européennes est tout simplement saisissant.

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7 Comments

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  • hermeneias , 11 décembre 2014 @ 11 h 57 min

    Le “nouveau” totalitarisme , ou plutôt la nouvelle façade , du très vieux totalitarisme et de la très vieille et obscène tyrannie se pare et se cache maintenant sous les oripeaux de la démocratie , de “l’humanisme” et du social .
    La vieille et hideuse bête , le monstre mutant de l’apocalypse a plusieurs visages , a compris qu’il fallait plaire et séduire , abrutir et endormir le bon peuple et lui disant que c’est “pour son bien” , “pour la paix” , la “justice” et “l’égalité” ….
    Mais si on sait voir , dés que l’on démasque et attaque la “bête” , elle est terrible et impitoyable….

    Tusk , Macron , Valls , Hollande…. avec leurs petits costards trop propres sur eux pour être honnêtes , sont les petits vrp de la bête

    Après la “chute du mur” la bête n’était pas morte ……La lutte , le combat continue de plus belle .

    Soljenytsine et JPaul2 Sont bien oubliés

  • Titouan , 11 décembre 2014 @ 12 h 58 min

    Moi qui pensais que la Pologne était un pays froid et tranquille, dont le seul défaut est la haine (parfois excusable) contre les Russes… ! là on dirait que le parti libéral est infiltré par des éléments trotskystes !

    Voyez la phrase sibylline de Madame le Premier ministre Kopacz :
    « contester les résultats des élections, c’est une tentative de détruire les fondements de la démocratie »

    Najat aurait dit la même chose tiens !

    En même temps, ça la fout mal, se faire pirater son compte… manifestation en Pologne le samedi 13. Je ne sais pas si les manifs sont aussi voyantes qu’en France, mais c’est un dossier à surveiller !

  • Pomian , 12 décembre 2014 @ 12 h 59 min

    Merci beaucoup de la part d’un polonais pour cet article objectif. La Pologne est en train de basculer vers un système de type bélorusse et cela est hautement inquiétant. D’autant plus que personne ne semble en prendre note. Les autres pays occidentaux ont suffisamment de problèmes bien à eux pour s’intéresser à ce qui se passe dans un pays situé – qu’on le veuille ou non – à la périphérie de l’Europe actuelle. Qui plus est cet “abrutissement des peuples” semble être inscrit dans la politique (bien de gauche) de l’Union Européenne (d’ailleurs on n’est pas loin de l’Union Soviétique Européenne…).

  • Le Polonais , 13 décembre 2014 @ 16 h 48 min

    M. Kaczynski profite de la democratie . Il dit des mensonges sans aucune preuve.Il a l esprit derange.Il a des complexes d inferiorite parcequ il n etait jamais interne pendant l etat martial dans les annees 80 du XX siecle. Il vole anniversaire de 13 12 1981.

  • Pomian , 14 décembre 2014 @ 19 h 38 min

    Voilà un excellent exemple des commentaires et de la propagande faite par les supporters invétérés du parti PO au pouvoir en Pologne. Il suffit de s’intéresser d’un peu plus près aux résultats des élections en Pologne pour constater qu’elles on dû être au moins manipulées, sinon truquées. L’article que nous commentons l’illustre très bien, de même qu’il montre comment le duo PO-PSL essaye d’endiguer un mouvement civique qui se crée (sous l’égide du parti de M. Kaczynski, il est vrai) pour la transparence des processus électoraux. Ces allégations sur M. Kaczynski qui aurait “l’esprit dérangé”, qui “dit des mensonges” s’apparentent aux méthodes que je me rappelle encore des temps du communisme en Pologne et du parti unique. Et bien qu’il soit vrai que M. Kaczynski n’était pas interné pendant l’état martial (13.12.1980), je vois mal pourquoi il devrait se sentir inférieur à cause de cela, et surtout une question importante: inférieur à qui? Le premier ministre M. Tusk qui laissant la Pologne au bord du gouffre économique vient d’être nommé “président” de l’UE, l’actuel premier ministre Mme Kopacz, l’actuel président M. Komorowski – aucun d’eux n’a été interné non plus. Pour ce qui est de Mme Kopacz, elle était à l’époque membre du ZSL, parti satellite du parti communiste polonais qui est devenu le PSL d’aujourd’hui cité dans le texte.
    Je rajouterai pour finir, que le samedi 13 décembre a eu lieu une grande manifestation (60 milles manifestants) à Varsovie pour la défense de la démocratie, de la liberté de presse et pour des élections honnêtes. Elle était organisée par le parti PiS de M. Kaczynski mais dans le comité on pouvait voir aussi p.ex. M. Gwiazda qui est un vrai héros de Solidarnosc (d’une certaine manière on pourrait même dire que M. Walesa lui a volé la vedette à l’époque, mais M. Gwiazda a toujours été d’une modestie exemplaire), lui effectivement interné pendant la loi martiale en Pologne (et pourtant du même côté que M. Kaczynski).

  • Pomian , 14 décembre 2014 @ 19 h 45 min

    Excusez-moi, je viens de me relire (malheureusement déjà après avoir posté) et je constate que j’ai écrit 1980 au lieu de 1981. Pour être exact, l’état martial instauré par le Gal. Jaruzelski (jamais jugé pour ça, d’ailleurs) dura de 1981 jusqu’en 1983.

  • le Polonais , 14 décembre 2014 @ 20 h 51 min

    M.Kaczynski c est un homme cynique et ruse. Il prefere rester dans i opposition parceque c est plus facile et plus commode pour lui. Il ne faudra rien faire st on pourra critiquer sans cesse. Il evoque les soupcons de fraude electorale pour justifier la defaite prochaine dans presidentielles et legislatinves lesquelles il ne repmportera jamais car la plupart ote pour PO/PSL. C est la democratie.

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