En février 2016, des documents récupérés chez la veuve du général Kiszczak, ancien ministre de l’intérieur du général Jaruzelski, venaient confirmer ce dont nombre de Polonais étaient convaincus depuis longtemps : avant de devenir le leader charismatique du syndicat Solidarité (Solidarność) puis le premier président élu de la Pologne démocratique, le Prix Nobel de la paix Lech Walesa (en polonais : Lech Wałęsa) avait été un informateur rémunéré au service du régime communiste entre 1970 et 1976. Mais l’intéressé lui-même contestait l’authenticité de ces documents, affirmant qu’il s’agissait de faux établis par l’ancienne police politique, le « Service de sécurité » (Służba Bezpieczeństwa, SB).
Le parquet polonais a donc demandé une analyse graphologique des documents aux mains de l’IPN, l’Institut de la mémoire nationale chargé d’enquêter sur les crimes communistes et nazis et aussi d’archiver et gérer les documents des organes de sécurité de l’État datant des années 1944-89. L’expertise a été confiée à l’Institut d’expertises judiciaires Sehn de Cracovie et les résultats, contenus dans un rapport de 235 pages, ont été annoncés en conférence de presse le 31 janvier dernier par le chef du service d’enquête de l’IPN : il ne fait aucun doute que les documents conservés pendant plus de deux décennies au domicile du général Kiszczak sont authentiques et que l’écriture et les signatures qui y figurent sont bien celles de Lech Walesa, alias agent TW Bolet (pour tajny współpracownik Bolek / collaborateur secret Bolek).
Ces documents sont des engagements à collaborer, des délations et des reçus de ses rétributions financières. Pour réaliser leurs analyses graphologiques, les experts de Cracovie ont comparé les archives du SB à 142 documents rédigés ou signés par Lech Walesa entre 1963 et 2016. La première promesse de collaboration rédigée par Walesa date du 21 décembre 1970 et, selon le rapport des experts, elle a été intégralement écrite par l’intéressé. À cela s’ajoutent 17 reçus pour des sommes d’argent payées à TW Bolek contre les informations transmises aux agents du SB. Ces sommes totalisent près de 12 000 zlotys. Les analyses graphologiques ont aussi confirmé l’authenticité de plus de 40 délations de la part de Walesa-Bolek. Lech Walesa, mis face à ces documents par les enquêteurs, leur avait déclaré n’avoir jamais collaboré avec le SB, n’avoir jamais été un informateur de la police politique et n’avoir jamais reçu aucune somme d’argent de sa part.
Certains, comme Andrzej Gwiazda, qui était vice-président du syndicat Solidarité, ou Anna Walentynowicz, la co-fondatrice de Solidarité dont le licenciement disciplinaire en août 1980 avait déclenché la première grande grève de Solidarność, le soupçonnaient depuis le début des années 80 : « Sur la base de mes observations et de ce qu’il disait, car il ne faisait pas grand chose mais parlait beaucoup, au troisième jour de la grève nous n’avions plus de doute qu’il était un agent de la police politique », déclarait le 31 janvier Andrzej Gwiazda sur la chaîne de télévision catholique TV Trwam.
Dans le passé, Lech Walesa s’est toujours efforcé d’éloigner ces figures historiques et de déprécier leur rôle pourtant essentiel dans ce grand mouvement qui bénéficiait d’un énorme soutien populaire. Beaucoup de Polonais soupçonnent toutefois que le passé d’informateur du SB de Lech Walesa ont permis aux communistes de le faire chanter et de l’utiliser, en tant que leader du syndicat Solidarité puis président de la République de Pologne, pour faciliter la transition démocratique de la fin des années 80 à des conditions très favorables pour l’ancienne nomenklatura et leur permettant notamment d’échanger leur pouvoir politique contre un pouvoir économique. D’autres accusent les conservateurs du PiS de chercher à décrédibiliser Lech Walesa pour remettre en cause cette transition démocratique. Toutefois, c’est la veuve Kiszczak qui a révélé elle-même l’existence de ces documents à charge dans les cartons de son mari mort le 5 novembre 2015 en cherchant à les vendre à l’IPN.
Article publié originellement sur le site Visegrád Post
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La Pologne rend publiques les archives confidentielles des anciens services communistes
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