Le dernier article de Tristan Berteloot intitulé “Marine le Pen tisse sa toile pour la campagne présidentielle”, dans Le Nouvel Obs de cette semaine, est un exemple d’absence de sens critique des journalistes : il fait suite à l’annonce, mardi, par la candidate frontiste, du “lancement (à venir, ndlr) de la Toile Bleu Marine”, “un réseau informel de blogs et de sites qui soutiennent sa candidature à l’élection présidentielle”.
Selon Berteloot, “il s’agit d’un appel du pied à peine dissimulé à la ‘fachosphère’. Comprendre la nébuleuse de sites, blogs, outils de propagande coordonnés, qui fourmillent sur le web français grâce aux internautes d’extrême-droite”. Ah, le marronnier de la “fachosphère”… Et le journaliste d’expliquer que la cartographie grossière du “petit Monde merveilleux de l’extrême-droite française” réalisée par la très objective “Section carrément anti-Le Pen” avec le soutien du site d’extrême-gauche REFLEXes… c’est “sa nébuleuse de blogs”. A Marine Le Pen. Prière de ne pas rire : on y trouve, côte à côte, la Droite populaire (UMP) et une dizaines de groupes qui détestent Marine Le Pen et plus encore son programme (Terre et Peuple, L’Œuvre française…), au point, pour certains, de lui opposer un candidat (Carl Lang, soutenu par le Parti de la France, la Nouvelle droite populaire et le Mouvement national républicain).
A part les blogs des sections départementales, le site marinolâtre NationsPresse.info et peut-être la très fréquentée revue de presse François Desouche, on ne voit pas trop qui pourrait rejoindre la Toile Bleu Marine dont le site n’est toujours pas en ligne et dont on ne connaît pas encore les blogs membres. Pas dit d’ailleurs que la candidate du Front national accepte le soutien de certains acteurs de la “réacosphère”, trop remontés ou trop réacs à son goût, elle qui tente de dédiaboliser son mouvement. Et puis, s’afficher ouvertement en faveur d’un candidat quand on est blogueur, non pas dans un article, mais le temps d’une campagne grâce au logo distinctif proposé par le FN – c’est-à-dire inconditionnellement, c’est risquer de perdre en crédibilité. Les fédérations de blogs, ça ne marche pas, sauf peut-être en système bipartiste comme aux Etats-Unis où être de droite, c’est être républicain et être de gauche, c’est être démocrate. Et encore ! Qui ne se souvient pas des fédérations de blogs vantées par les candidats à l’élection présidentielle de 2007, des dizaines de coquilles vides sans le moindre sens critique, article de fond ou même contenu propre, qui relayaient bêtement les communiqués ou les vidéos officielles du poulain de leurs animateurs ?
En fait, les lancements de réseaux comme la Toile Bleu Marine en 2012, MaLibertas en 2009 ou Coopol en 2009 ne servent à rien quand ils ne sont pas des échecs cuisants tout court (Les créateurs de possible de l’UMP). Ils n’égaleront jamais la puissance de réseaux ouverts et en développement constant comme Facebook ou Twitter. De plus, s’y inscrivent presque seulement des militants de la vielle, déjà archi-convaincus et “motivés”, pour ne pas dire pressés, par leur fédération. Le seul objectif de ces réseaux est de faire parler des candidats à leur initiative, histoire de leur donner une image branchouille le temps de la campagne. Et ça marche : le lancement de la Toile Bleu Marine a, par exemple, été relayé mardi par LeMonde.fr.
Le FN est un cas à part : un certain nombre de journalistes aiment se/nous faire peur (pour nous mobiliser contre ?) et nous expliquer depuis vingt ans que la formation de droite nationale est aux portes du pouvoir. Un simple effet d’annonce devient alors, sous la plume de Berteloot, un “[tissage] de toile”… Saluons l’habileté de Marine Le Pen qui sait qu’annoncer la naissance d’une fédération de blogs fera du bruit chez ceux et par ceux qui, depuis quatre ans, assimilent à tort la “réacosphère” au FN, et par conséquent surestiment totalement la présence de cette formation sur Internet…
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