Par Monseigneur Richard Soseman* pour Nouvelles de France
Il y a juste deux mois, à Peoria (Illinois), dans la cathédrale, une investigation formelle a débuté au sujet d’un possible miracle attribué à l’intercession du servant de Dieu, l’archevêque Fulton Sheen. Une femme voulait donner naissance à son enfant chez elle avec l’aide d’une sage-femme. Pendant la grossesse, le couple confia la santé et le bien-être de l’enfant à la protection et à l’intercession de Fulton Sheen. Mais, l’enfant est né mort, sans avoir respiré. Après soixante-deux minutes sans vie et beaucoup de tentatives pour tenter de le réanimer, les médecins décidèrent d’arrêter leurs efforts, estimant la situation de l’enfant désespérée. Alors qu’ils se retiraient, l’enfant s’est mis à respirer. Dans les mois qui suivirent, aucun dommage n’a été identifié au cerveau, aucune séquelle ne fut perceptible chez cet enfant qui ne respira pas, pendant une heure, après sa naissance. L’enfant est à présent âgé de quatorze mois.
Qui est Fulton Sheen, qui a été invoqué par les parents ? Fulton John Sheen est né à El Paso, dans l’Etat de l’Illinois, dans une famille catholique d’origine irlandaise. En 1895, l’année de naissance de Sheen, les familles qui voulaient donner une bonne éducation à leurs enfants devaient faire des sacrifices. Les familles Fulton et Sheen étaient très soucieuses de l’éducation, en particulier catholique, de leurs enfants. Les parents Sheen voulait une éducation catholique pour leurs quatre fils et ainsi ils envoyèrent les enfants à Peoria, distante de cent kilomètres environ, de sorte que les enfants puissent fréquenter une école catholique. Fulton Sheen vécut d’abord avec ses grands-parents à Peoria, et plus tard les parents vinrent à leur tout à Peoria de sorte que la famille put être réunie.
Ses parents s’installèrent dans une ferme dans laquelle le futur archevêque passait l’été. Son appétit de lecture était insatiable, de sorte qu’on disait de lui à la ferme qu’il n’arriverait jamais à rien en restant toujours dans un coin avec un livre. Se sentant appelé très tôt au sacerdoce, il suivit pourtant des études universitaires, comme étudiant laïc, au St. Viator’s College, à Bourbonnais dans l’Illinois. Il gagna une bourse nationale qui aurait totalement financé ses études doctorales, dans n’importe laquelle des grandes universités. Toutefois, son père spirituel, des Clercs de St.-Viateur, le pressa d’interrompre ses études et d’entrer immédiatement au séminaire, arguant que la vie sacerdotale apporte bien plus de récompenses que la vie académique. Fulton suivit l’appel et fut ordonné prêtre pour le diocèse de Peoria dans la cathédrale de Sainte Marie de l’Immaculee Conception. Il étudia à la Catholic University of America et ensuite à l’Université catholique de Louvain. Après son doctorat on lui demanda de préparer les examens spéciaux qui devaient le conduire au prestigieux grade académique d’agregé en Philosophie.
On dit que lorsque quelqu’un était reçu à l’agrégation, les résultats étaient annoncés au cours d’un dîner, dès que le succès du candidat était connu. Si de l’eau était servie au dîner, cela signifiait que le candidat avait réussi, mais de manière passable. Si de la bière était servie, cela signifiait que l’étudiant avait mieux réussi, mais pas de façon optimale. Si du vin était servi, cela signifiait que les résultats étaient excellents. Et si du champagne était servi, cela signifiait que le candidat avait excellé en tout point. Au banquet donné en l’honneur de l’abbé Sheen, c’est du champagne que l’on servit.
Fulton Sheen aimait la France ; il visita fréquemment les sanctuaires de Paris, mais plus fréquemment encore le sanctuaire de Notre-Dame à Lourdes. Il alla à Lourdes presque chaque année. Comme séminariste, une fois arrivé au sanctuaire marial, il comprit qu’il n’aurait pas assez d’argent pour revenir à Paris et regagner son bateau. Il pria Notre-Dame, et entendit une voix derrière lui, celle d’un riche américain qui lui demanda s’il ne voulait pas revenir avec lui à Paris.
Sacré évêque en 1951, Fulton Sheen fut l’évêque auxiliaire du Cardinal Spellmann, archevêque de New-York. Tout au long de sa vie, il fut l’un des enseignants les plus fameux. Le Pape Jean Paul II fut du nombre de ceux qui ont appris de lui ; il améliora son anglais en écoutant les enregistrements de ses sermons. Le Pape Benoît XVI connut Mgr Sheen personnellement. Celui-ci, avec plus de soixante livres, avec tous ses articles, ses sermons radiophoniques et ses émissions télévisuelles (car l’archevêque américain était notamment connu pour réaliser des records d’audience sur les ondes), apporta la doctrine catholique à des millions de personnes dans le monde. Directeur national, pour l’Amérique, de l’« Œuvre de la Propagation de la Foi », il a ainsi été conférencier à la radio pendant plus de vingt-cinq ans.
L’archevêque Sheen avait la réputation d’avoir un don prophétique. Dans une émission télévisée, il lut la dernière scène de Julius Caesar de William Shakespeare, et substitua au nom de César celui de Staline, et aux noms des autres personnages de la pièce les noms des membres du Politburo. Après avoir récité le passage relatant la mort de César, Mgr Sheen regarda la caméra et dit : « Monsieur Staline, le jour de votre propre mort va arriver, et il arrivera très vite ». Quelques jours plus tard, Staline eut une attaque cardiaque, et mourut dans la semaine qui suivit. Mgr Sheen insista sur la nécessité de la prière, et exhorta chacun à prier une heure par jour devant le Très Saint Sacrement. « Si nous ne prions pas », disait-il, « alors le monde connaîtra la tribulation . Sans la prière, l’avortement se répandra ». Il déclarait également que si les prêtres ne priaient pas, alors le sacerdoce s’effondrerait. Il combattit aussi le freudisme, qui réduit l’humain à un archétype neurologique. Mgr Sheen s’opposa à tout mouvement qui méprisait la personne humaine parce que Dieu aime chaque homme. Il vit dans la dépersonnalisation et l’aliénation le grand péril des temps modernes ; dès que l’importance de chaque personne humaine n’est plus reconnue, alors les horreurs de la vie moderne peuvent se déployer contre l’homme, jusqu’à la priver du droit à la pratique religieuse.
L’évêque des médias avait le don de lire dans les âmes. Il demandait parfois à parler à quelqu’un dans la foule, et au cours de l’entretien, il l’amenait à se convertir. Dans les années 60, il revint à la paroisse dans laquelle il avait été curé quarante ans auparavant ; alors qu’il quittait l’église, il vit une femme en retrait de la foule, et il demanda à ce qu’elle fut conduite à la maison paroissiale ; plus tard, elle fit le récit de ce qui suivit : elle avait quitté l’église pendant des années et ne se sentait pas digne de revenir à elle. « Mgr Sheen », dit-elle, « écouta mon récit à la façon dont on entend une confession générale bien que de nombreuses personnes importantes l’attendaient ». Il écouta tout ce qu’elle avait à dire, lui donna l’absolution, la ramenant ainsi à la paix de l’église.
Tout au long de sa vie, il pria pour mourir un samedi ou un jour de fête de la Sainte Vierge. Mais il mourut un dimanche, le 9 décembre. Mgr Sheen disserta souvent au sujet de la mère de Dieu. Il écrivit dans un article : « il doit y avoir une dame dans la vie du prêtre. Cette dame vint dans ma vie au moment même de ma naissance. Lorsque je fus baptisé enfant, ma mère me porta à l’autel consacré à la mère de Dieu dans l’église Sainte Marie à El Paso dans l’Illinois et me consacra à elle… la marque de cette consécration est toujours restée en moi. Comme un morceau de fer est attiré par l’aimant, j’étais attiré par elle avant même que je ne la connaisse. Mais je n’étais jamais attiré à elle sans le Christ. »
De nombreuses personnes, tout au long de la vie de Mgr Sheen, ont gardé ses paroles et ont été touchées par son exemple et par son enseignement. Parce qu’il a été un prédicateur fort et éloquent pour l’Eglise et contre les ennemis du temps présent, ses œuvres furent traduites en plusieurs langues. Son exemple continue à être une source d’inspiration pour les hommes à travers le monde.
Mgr Sheen était un penseur brillant et il sut livrer dans un message actuel les enseignements traditionnels. Il apparait que son procès en canonisation, maintenant porté à la considération de Rome, avance rapidement et positivement. Le monde a certainement besoin de l’exemple d’un évêque à la fois bon, saint, classique et moderne.
De très nombreuses personnes pensent que Mgr Sheen, s’il est canonisé, pourrait être nommé patron de la nouvelle évangélisation et des nouveaux moyens de propagation de la foi. Mgr Sheen était très soucieux d’user de tout moyen de communication disponible pour diffuser l’Evangile.
La nouvelle évangélisation dont on parle si souvent, est un moyen de compenser le manque de catéchèse qui a marqué les dernières décennies, et d’apporter l’Eglise à ceux qui sont dans l’attente d’un message de salut. Dans notre contexte, on peut percevoir que l’un des axes de cette nouvelle évangélisation est la liturgie, au sujet de laquelle on doit se souvenir de l’antique adage « lex orandi, lex credendi ». Le monde a un besoin si pressant d’évangélisation.
Lorsqu’on lui demandait quelle était la source de sa force, il parlait toujours de son heure sainte. Alors simple séminariste, le futur évêque fit la promesse de prier chaque jour une heure devant le Très Saint-Sacrement. Il a toujours déclaré que le pouvoir de son sacerdoce lui venait de cette heure sainte. C’est le commencement… deux mains jointes… deux genoux au sol, être uni à Dieu dans la prière. Alors, forts de notre prière et de notre étude, nous pouvons gagner des âmes à Dieu à travers le monde.
L’activité de tout catholique fidèle qui vit la foi dans le monde moderne concorde parfaitement avec l’activité de Mgr Sheen. Il lisait avec avidité, il méditait et priait, il jouait au tennis. Ses livres sont abondamment annotés. Sa culture était enracinée dans la philosophie et la théologie classiques, et il savait aussi lire les œuvres des ennemis du Christ pour mieux les combattre. C’est un défi pour nous, de discerner si nous faisons tout ce que nous pouvons pour comprendre l’enseignement de l’Eglise, pour l’appliquer à la vie quotidienne comme l’a fait Mgr Sheen.
Le médiatique évêque, alors qu’il n’était encore qu’au séminaire, prit lui-même la décision de prier chaque jour une heure devant le Très Saint-Sacrement. Il vous lance ce défi. Etes-vous prêts, face à l’immense enjeu de la vie chrétien, à faire un effort particulier chaque jour ? J’en suis certain ! Pourriez-vous le faire par une heure sainte quotidienne, comme Mgr Sheen (il écrivit qu’il était possible pour d’inculquer aux laïc la volonté d’assister quotidiennement à la messe )? Cette union de prière avec le Bon Dieu, moteur de nos activités quotidiennes, est toujours gage d’espérance pour le futur.
*Monseigneur Richard Soseman est rattaché au diocèse de Peiroa. Il travaille au Vatican à la Congrégation pour le clergé.
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