C’est dans son immense bibliothèque que me reçoit le cardinal Poupard. « Jean-Paul II et Benoît XVI étaient assis à votre place il n’y a pas si longtemps », me confie mon hôte. Dès les premiers instants de la conversation, le cardinal se remémore ses souvenirs. Avec Jean- Paul II d’abord lorsque le pape polonais exprimait le concept de métatentation. « La métatentation », insiste le prince de l’Eglise, « peut-être regardée comme la volonté de l’homme de se faire Dieu en se prétendant juge du bien et du mal. Or le Pape dit que dans l’absolu, il existe un bien et un mal, c’est pourquoi la figure du Souverain Pontife est aujourd’hui attaquée. » Et de citer l’exemple du respect de la vie par Jean-Paul II qui n’a « jamais changé d’avis » sur ce sujet.
La Foi et la raison
En tant que président du Conseil pontifical pour la culture, le cardinal avait eu, dans les années 80, une conversation particulière avec Jean-Paul II à propos du dialogue avec les pays à l’est du rideau de fer. « « Vous me demandez de dialoguer avec des gens qui veulent nous détruire », ai-je dit au Saint-Père. Et celui-ci me répond avec son accent si particulier : « Les marxistes prétendent vouloir le bien de l’humanité et au nom de cela, ils peuvent détruire l’homme singulier, c’est là que réside toute la différence avec l’Eglise qui aime chaque homme en particulier. Pour les catholiques, la notion de personne est comprise dans le mystère trinitaire et c’est justement le génie du christianisme d’unir les contraires. »
Se remémorant les « plus de dix années passées au service de Jean-Paul II », le cardinal français insiste sur ce qu’il en a retenu, notamment le lien entre la Foi et la raison. Il affirme ainsi que « la Bible n’enseigne pas comment va le Ciel mais comment on va au Ciel » avant de souligner sur ce point la complémentarité entre Jean-Paul II et Benoît XVI. « Jean-Paul II était un philosophe, Benoît XVI est un théologien ».
« Je me souviens », me dit-il « qu’un jour, alors que je déjeunais avec Jean-Paul II, il se mit à tracer un cercle avec sa fourchette. Il me disait : « dans ce cercle il y a des chrétiens non catholiques, des croyants non chrétiens et d’autres non croyants. Le meilleur moyen d’instaurer des rapports avec toutes ces personnes est de dialoguer par la culture. »
« Il est difficile de dialoguer avec des interlocuteurs qui ont des opinions différentes », note toutefois le cardinal avant de se souvenir qu’au début de son ministère, en tant que prêtre, il avait été amené à servir Jean XXIII qui lui avait confié « en 1959 ou 1960 » : « lorsque je risque d’avoir un problème avec une personne, je prie mon ange gardien de se mettre d’accord avec l’ange gardien de mon interlocuteur ».
Affirmant qu’une fois passées « la crise de l’Eglise et de la société, on doit savoir retourner aux choses essentielles et fondamentales », le prélat illustre son propos en se remémorant Jean XXIII qui disait à un jeune évêque africain de toujours se souvenir qu’il avait « un père qui te chérit, une mère qui t’aime et un vieil homme qui prie pour toi à Rome ».
Foi et raison forment un couple cher au cardinal qui affirme que « la foi et la raison sont les deux ailes qui nous portent vers la vérité ».
La longanimité
« Il faudrait réinventer le mot longanimité », me lance le cardinal. « La longanimité », développe-t-il, « nous pouvons la définir comme l’attitude bienveillante de l’Eglise qui voit toujours, avec patience, ce qu’il y a de positif en chacun de nous ». En effet, celui qui a servi quatre papes et l’Eglise insiste sur le rôle de celle-ci dans la transmission de la Foi : « si il n’y avait pas eu l’Eglise, comment aurais-je connu la Foi », rappel-t-il. Le prélat voit en Jean-Paul II l’exemple de la longanimité, lorsque celui-ci demanda à la France toujours « fille aînée de l’Eglise » ce qu’elle avait fait « des promesses de son baptême ».
Sur Benoît XVI, le cardinal évoque presque avec humour « le paradoxe des mètres cubes qui ont déferlé contre lui alors que le pape est la douceur incarnée ». Il avait d’ailleurs déjà entendu le pape confier sa « faiblesse pour la douce France » et qu’il avait « appris à lire le Français pour lire ‘Le soulier de satin’ de Claudel en sa langue originale ». Bien qu’il se soit remémoré avec plaisir ses souvenirs des quarante dernières années, le cardinal Poupard se réjouit pour l’avenir car son pasteur Benoît XVI, est un pape qui, dit-il « ruisselle de douceur et d’intelligence, qui possède un génie qui frappe tout le monde » et dont les homélies sont « des joyaux. »
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