Tribune libre de Hubert Montmirail
En 2007, les français ont certes désigné un homme, mais ils ont surtout exprimé le vœu d’un style plus direct. Cet aspect est peu relevé par les commentateurs de l’époque, davantage focalisés par des aspects conjoncturels (campagne flamboyante de Nicolas Sarkozy), voire périphériques (relations tendues entre Nicolas Sarkozy et sa femme d’alors, Cécilia). En réalité, au printemps 2007, les français ont approuvé la figure d’un Président engagé mais certainement pas en retrait.
La déception par rapport à Nicolas Sarkozy ne saurait éluder le besoin d’un nouveau style présidentiel. Par la suite, Nicolas Sarkozy devait décevoir les électeurs par un exercice brouillon et désordonné. Malgré la bonne volonté du Président Sarkozy, les français ne purent se départir d’une mauvaise image qui finit par coller à Nicolas Sarkozy comme une seconde peau. Le président de la République, intervenant dans beaucoup de domaines, fut à la fois le chef de l’État, le Premier ministre, le président de l’UMP, voire le ministre de l’Intérieur, quand ce n’est pas le porte-parole de la majorité présidentielle.
Mais si Nicolas Sarkozy fut quelquefois caricatural dans sa gestion de la fonction présidentielle, la nécessité d’un exercice de nature « quinquennal » ne devait pas être gommée. On comprend alors les inflexions de ces dernières semaines marquées par la prise en main des dossiers, à commencer par les questions budgétaires. Ce n’est pas Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici ou Laurent Fabius que les français veulent entendre et voir, mais bien François Hollande. Et lui seul.
Les conséquences délicates du silence présidentiel. Dans un premier temps, sans le dire ouvertement, François Hollande joua de cette image du Président en retrait, invoquant quelquefois un caractère arbitral. Arbitral, oui, car un activisme brouillon peut déconsidérer la présidence de la République. Mais jusqu’à un degré seulement. François Hollande crut probablement bon se s’inspirer de la rareté du verbe présidentiel que pratiqua François Mitterrand. Cette figure n’est pas totalement fausse, elle est en tout cas certainement sublime et politiquement habile, mais elle n’est que partiellement adaptée à la situation structurelle du quinquennat. François Mitterrand a été un Président élu pour sept ans et qui passa presque un tiers de ses deux mandats en cohabitation. De même, la présidence de Jacques Chirac fut marquée par une longue cohabitation (1997-2002) qui habitua l’intéressé à un certain effacement. Or, François Hollande a été désigné dans le cadre d’une alternance politique qui fait suite à dix ans d’exercice de la droite au pouvoir. Il arrive directement au sommet de l’État et désigné pour cinq ans. Les analogies ont des limites : le recul du président de la République n’est pas aussi évident que cela, quand bien même on récuserait tout retrait. Qu’il le veuille ou non, François Hollande sera condamné, y compris en cas de dissolution entraînant une cohabitation, à rester au premier plan.
L’effacement problématique du président de la République de ces derniers mois. Que se passe-t-il, si le Président préfère laisser de la marge à ses ministres ? On voit actuellement le résultat : cacophonie sur la politique énergétique, querelles entre ministres, imprécision sur la conduite diplomatique à tenir dans certains dossiers (Syrie) ou même sentiment d’un éloignement du Président pendant tout le mois d’août. La traduction est délicate au niveau des sondages : faible cote de popularité et déception plus patente. Ni François Mitterrand en septembre 1981, ni Nicolas Sarkozy en septembre 2007, ni même Jacques Chirac en septembre 1995 ne suscitèrent aussi rapidement une désillusion. On comprend le coup de barre de François Hollande. Un coup de barre qui peut ressembler à un quitte ou double, tant les marges de manœuvre sont limitées et la confiance des français limitée. Un élément non anodin est en tout cas apparu au mois d’août 2012 : l’impossibilité pour le Premier ministre de procéder lui-même à ces arbitrages. La relégation de Jean-Marc Ayrault semble avoir été actée, malgré quelques hésitations encore nourries au mois de juillet 2012 par François Hollande. Désormais, une page est tournée.
Un style présidentiel à trouver. Tel un funambule, François Hollande devra clairement trouver un style quinquennal, en évitant les deux écueils qui pourraient le faire chuter : l’activisme brouillon et l’immobilisme septennal. Autant dire que la ligne de crête est fragile et que l’équilibre reposera sur des facteurs plus complexes. À ce titre, la personnalité de François Hollande peut faire la différence. On verra si elle permettra au Président de s’adapter ou, au contraire, de s’effondrer. Comme un voile transparent, le quinquennat est un mode d’exercice de la fonction présidentielle qui fait énormément transparaître la personne du Président. Nicolas Sarkozy préféra jouer carte sur table, en optant pour une franche transparence avec les résultats que l’on connaît. Les français ne supportèrent pas cette familiarité. Autant dire que la personnalité de François Hollande comptera et qu’elle peut même être décisive. La fonction fait l’homme, mais l’inverse est aussi vrai. Le style présidentiel quinquennal est donc toujours une figure à inventer. Si le mandat de Nicolas Sarkozy a été le premier mandat quinquennal conçu justement dans la perspective qu’il y avait un quinquennat, il ne semble pas avoir été le mandat où l’équilibre quinquennal ait été trouvé. Après le quinquennat septennal de Jacques Chirac (2002-2007), le quinquennat hyperactif de Nicolas Sarkozy (2007-2012), le quinquennat de François Hollande (2012-…) sera scruté avec attention. Il aura peut-être fallu plusieurs quinquennats, après l’élection de 2002 pour que le style adéquat soit cerné. Si le discrédit affecte le quinquennat de François Hollande, on peut aussi craindre une désaffection plus importante de nos institutions, voire leur fragilisation.
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