Sabine Faivre, vous venez de démissionner de votre fonction de Secrétaire Nationale vie, famille, santé du Parti Chrétien Démocrate. Pourquoi cette décision ?
Je me suis engagée au Parti chrétien-démocrate pour défendre les valeurs fondamentales, à savoir le respect de la dignité humaine et de la vie, de la conception à la fin naturelle. Ce sont les prises de position de Christine Boutin à plusieurs reprises et son évolution consensuelle qui m’ont décidé à démissionner.
Que voulez-vous dire ?
Par exemple, en septembre 2010, Christine Boutin a déclaré sur France Culture que si elle avait été député lors du vote de la loi Veil, elle n’aurait pas voté “pour” mais souhaité que la majorité le fasse. La raison ? L’accompagnement des femmes en milieu hospitalier quelque soit leur choix. Je suis désolée mais on ne parle pas comme ça de la loi Veil qui a été un énorme piège : il devait y avoir 90% de prévention et 10% d’avortements, c’est en réalité aujourd’hui 100% d’avortements et 0% de prévention. Et puis, la démocratie chrétienne, ça n’est pas dire “je me drape dans ma vertu” en espérant que les autres fassent le sale boulot, pour des raisons sanitaires !
Vous avez pu lui parler à cette occasion ?
Tout à fait. Marie-Joëlle Guillaume, directrice des études au Parti chrétien-démocrate et moi-même avons réagi, lui demandant de se rétracter publiquement. Elle a refusé et nous a répondu : “oui, oui, vous avez raison mais vous comprenez, je me suis fait piéger”. On n’a pas le droit de se faire piéger sur les sujets fondamentaux ! J’ai alors posé ma démission. “Pour 2012, j’aurais besoin de vous” a-t-elle insisté. Je suis finalement restée.
D’autres déclarations de Christine Boutin vous ont-elles choqué pour que vous en arriviez à démissionner de votre fonction de Secrétaire Nationale vie, famille, santé du Parti Chrétien Démocrate ?
Oui, par exemple quand Christine Boutin a appelé à voter socialiste au second tour des cantonales en cas de duel PS/FN. Je ne me situe pas dans cette logique-là mais davantage dans celle de l’UMP, le “ni-ni”.
Dans L’Express du 29 mars 2011, Christine Boutin explique qu’il n’y a pas de différence entre la droite et la gauche. Elle déclare ne pas savoir si elle est de centre-droit ou de centre-gauche…
Dans son livre Je ne suis pas celle que vous croyez, sa position sur l’avortement n’est pas nette…
Mais ce livre date de 2007…
C’est une succession de déclarations. Il y a eu aussi l’ouverture de salles paroissiales aux musulmans. Je peux vous dire que cette énorme bourde de communication a fait réagir au sein du PCD ! S’en est suivi la publication d’un rectificatif sur le site du parti, une fois de plus sur le ton “ce n’est pas ce que j’ai voulu dire”. Cette navigation a vue permanente a fini par m’exaspérer. A quoi cela sert-il de fournir du contenu pour permettre une prise de parole quotidienne quand Christine Boutin refuse de s’appuyer sur les personnes qu’elle a nommé ? Que signifient donc ces prises de position pas fondées, pas concertées, qui ne font l’objet d’aucune réflexion globale ? Je ne vous parle pas de la venue de Jean-Louis Borloo au Conseil national du Parti chrétien-démocrate qui a jeté un grand trouble parmi les militants. On nous annonce le même jour un rapprochement avec le CNIP dont on apprend peu après qu’il souhaite présenter un candidat en 2012 et avec France-Ecologie que personne ne connaît…
« Les deux députés du PCD, vous les avez entendus sur la loi de bioéthique ? »
Vous contestez également le bien-fondé de l’attitude du PCD vis-à-vis de l’UMP…
Je ne comprends pas notre posture vis-à-vis de la majorité présidentielle. Pour avoir piloté le travail du PCD sur la bioéthique, je peux vous affirmer que la plupart des députés qui se sont engagés sur ce sujet étaient UMP. L’hostilité de Christine Boutin a l’égard de la majorité présidentielle n’est pas justifiée. Les deux députés du PCD, vous les avez entendus sur la loi de bioéthique ? Jean-François Chossy a préféré faire des aidants sexuels pour handicapés son cheval de bataille, ce qui est invraisemblable pour un député PCD ! J’ai demandé à être associé à cette mission parlementaire pour éteindre l’incendie allumé par M. Chossy. Les consultations réalisées auprès de la Conférence des évêques de France, de l’Office chrétien des handicapés et du Conseil national des personnes handicapées m’ont permis de réaliser la synthèse officielle du Parti chrétien-démocrate sur les aidants sexuels. Depuis le début, j’ai l’impression d’être celle qui éteint les incendies. A un moment donné, on a envie d’aller de l’avant sur des fondamentaux solides, le respect de la dignité humaine et la défense de la vie de son commencement à sa fin naturelle. Mais j’ai l’impression que la Présidente (Christine Boutin, ndlr) ne réfléchit pas à ses paroles. Je ne peux plus continuer comme ça, il faut avancer… Autre exemple, celui des séminaires de formation que nous souhaitions organiser les 16 avril et 7 mai prochains. Le 2 avril, Christine Boutin annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2012 et donne les grands axes de son programme. On n’y trouve rien sur les fondamentaux, rien sur le respect de la vie et de la dignité humaine… Et aujourd’hui, plus aucun expert ne veut intervenir à nos séminaires de formation car cela devient un acte politique.
Votre sévérité à l’égard du PCD et votre indulgence à l’égard de l’UMP ne sont-elles pas contradictoires ? Surtout lorsqu’on voit le nombre de députés UMP qui ont finalement voté la très critiquable loi de bioéthique ?
Je ne partage pas votre avis sur le vote des députés UMP. Contrairement à vous, je ne dirais pas que les députés qui ont voté cette loi ont mal voté. J’ai suivi les débats à l’Assemblée et ai pu constater à quel point des amendements ont permis d’atténuer ce qui était initialement prévu. Malheureusement, le Sénat a remis en cause nombre d’entre eux : ce qu’il propose équivaut à une véritable régression. Bien sûr, le point négatif majeur reste la recherche sur l’embryon mais j’ai plus tendance à voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Mais sincèrement, ce que les députés ont voté en première lecture n’était pas si mal : il y avait entre autres un amendement pour accompagner les femmes enceintes, la fin de l’obligation systématique du dépistage prénatal, la diffusion de listes d’associations d’aide aux parents d’enfants handicapés, le fait de devoir comparer la recherche sur l’embryon et la recherche sur les cellules souches adultes, la possibilité d’un financement public de la recherche sur la trisomie 21. On avait aussi évité la gestation pour autrui, l’élargissement de la procréation médicalement assistés aux couples homosexuels…
Est-ce que vous comprenez que certains députés de droite aient malgré tout choisi de voter contre ?
Tout à fait. J’ai félicité les députés UMP, pas tant pour leur vote que pour leur engagement, pour les débats exceptionnels auxquels nous avons eu droit. Je vous renvoie au superbe discours de Marc Le Fur sur le fait que le degré de notre civilisation se mesure à la façon dont on accueille les plus faibles. Par contre, je n’ai pas vu un député PCD présent à ces débats.
Vous blaguez ?
On les a vus nulle part, je regrette. Cela pose un problème de cohérence et de gouvernance. Le Parti chrétien-démocrate est aujourd’hui mal géré, les prises de position de sa Présidente sont improvisées, nous manquons d’efficacité.
Que signifierait pour vous une victoire de la gauche en 2012 ?
Ce serait catastrophique ! On aurait le droit à une vraie régression sur toutes les questions d’éthique : le “mariage” homosexuel, l’adoption par les couples homosexuels, l’euthanasie, un allongement de la période durant laquelle il est permis d’avorter…
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