“Un des plus anciens jeunes” du Front national. Ainsi se présente Stéphane Durbec, conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur et compagnon de route de Jean-Marie Le Pen depuis 1987. L’homme a récemment fait parler de lui en annonçant la création avec Omar Djellil, ancien responsable de SOS Racisme sur Bordeaux et Président de l’association “Présence citoyenne”, du groupe de réflexion “Alliance République et éthique”. Nous avons voulu mieux comprendre le positionnement de Stéphane Durbec. Entretien :
Stéphane Durbec, dans votre dernier communiqué, vous écrivez : “Dès le règne de Louis XIV, lorsqu’un homme quel qu’il soit, et notamment un noir, était en condition d’esclavage, il devenait aussitôt un homme libre dès qu’il mettait le pied sur le territoire du Royaume”. C’est un républicain qui parle ?
Oui mais attention, je ne suis pas un républicain intransigeant. Je suis républicain car j’ai bénéficié de la République. En fait, je suis un amoureux de l’histoire de France. Et la monarchie a été un point important de notre histoire. J’ai autant d’admiration pour un preux chevalier du Moyen-Âge que pour un guerrier mandingue. Les deux défendaient leur territoire, leurs institutions. L’histoire de France, je la prends dans sa totalité. Et j’aime tous mes départements !
« L’histoire de France, je la prends dans sa totalité. »
Est-ce que vous pensez que l’islam est compatible avec la République ?
L’islam est compatible avec les valeurs républicaines. Je ne vois pas en quoi la pratique religieuse musulmane ne le serait pas. Il faut faire attention aux fausses informations : quand on édifie une mosquée, si on considère qu’il s’agit d’un endroit où s’applique la charia, je suis contre. Comme beaucoup, j’ai cru ça : ça n’est pas le cas. La charia ne peut s’appliquer que dans une République islamique, ce que la France ne sera pas.
Donc vous n’êtes pas contre la construction de mosquées…
Je pense que tout citoyen a le droit d’exprimer sa foi dans un lieu. Je sais bien que les musulmans n’ont pas l’obligation de se rendre à la mosquée pour prier. Un tapis, se déchausser et se prosterner vers La Mecque suffit. Mais la construction de mosquées avec l’argent des fidèles, à condition que leur architecture soit conforme à celle de nos villes, ne me choque pas. Par contre, je m’oppose à l’édification de minarets qui n’est pas une exigence des jeunes musulmans nés en France mais d’étrangers dont la vie au pays d’origine était rythmée par les appels du muezzin. L’imam al Albani, une référence spirituelle du salafisme affirmait, je cite : “il n’y a rien d’authentique qui affirme que le minaret sur la mosquée était connu du temps du Prophète”. Et puis, l’existence de micros permet de se passer des minarets comme moyen de transmission. En construire serait un véritable gaspillage d’argent !
« L’existence de micros permet de se passer des minarets. »
Que pensez-vous de la mosquée de Marseille ?
Je tiens à préciser que je suis contre les mosquées cathédrales et opposé à une vision hégémonique de l’islam. Bref, je ne suis pas islamophile !
Et le concept de la taqîya (selon lequel la fin justifie tous les moyens), vous ne le craignez pas ?
Il ne me perturbe pas. J’ai pu constater que mes interlocuteurs musulmans étaient des Français de cœur et d’âme qui ont donné, ou leurs parents, leur sang pour la France. Je pense aux tabors marocains ou aux tirailleurs sénégalais qui ont aidé à libérer la France au siècle dernier… Les musulmans que j’ai rencontré ont une vie mystique et rayonnent.
Qu’est-ce que vous pensez des initiatives comme la « marche des cochons » ou les apéros saucisson-pinard ?
Cela me fait penser à ceux qui, sur Internet, me déclarent la guerre. Ils feraient mieux d’aller un peu plus souvent à l’église et d’avoir une vie spirituelle. Pour ma part, j’essaye de mener une vie chrétienne en m’inspirant de la règle de Saint Benoît. Je suis d’ailleurs attaché à une famille monastique d’obédience bénédictine. Quelque soient les circonstances dans lesquelles nous place la Providence, je crois que nous devons chercher à être les plus charitables possible. Ça n’est pas toujours facile… Je pense que si les gens avaient une vie spirituelle, il n’y aurait pas les événements dont vous me parlez. Bien sûr, là, ça n’est plus l’élu de la République qui parle mais le catholique pratiquant. Distribuer du cochon, du saucisson ou du pinard près d’une mosquée n’est pas respectueux et peut susciter des heurts. Je dis aux jeunes gens qui organisent de telles distributions, une vie religieuse permet de dépasser cela et de gagner en maturité.
« Les organisateurs de « la marche au cochon » ? Ils feraient mieux d’aller un peu plus souvent à l’église et d’avoir une vie spirituelle. »
Vous fréquentez depuis longtemps des musulmans ?
Quelques mois. Ils ont été surpris quand ils sont rentrés pour la première fois dans mon bureau : ils y ont vu mes 24 cartes d’adhésion au FN depuis 1987, les paroles du Chant des Africains, une photo de Jean-Marie Le Pen qui date de 1954, le portrait d’un moine qui m’a apporté une paix intérieure, Dom Gérard du Barroux avec cette phrase du livre d’Isaïe : “Une grande lumière a resplendi sur le peuple qui habitait dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort”. Vous l’avez compris, je suis un homme libre de ton, d’esprit, une force de proposition et profondément conservateur. Je crois que dans le passé, il y a nos forces. Il n’y a rien à inventer – au niveau des idées, j’entends, seulement à adapter. Je n’ai pas honte d’être patriote, d’aimer mon drapeau et je suis fier, fier d’être Français et descendant d’esclave. Je mets au même niveau le petit savoyard qui parcourait les routes de France pour ramoner les maisons que le petit Africain réduit à l’esclavage.
« Je suis fier d’être Français et descendant d’esclave. »
Vos prises de position tranchent parfois avec celles du Front national. Avez-vous déjà eu des réactions négatives ?
Je suis serein. J’ai le calme des vieilles troupes. Depuis longtemps, je dis et je répète qu’être Français, ce n’est pas une couleur de peau mais une couleur de cœur.
Est-ce que vous souscrivez à la phrase du Général de Gaulle : “Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne” (1) ?
Cette phrase valait pour les années 50. Aujourd’hui, je constate qu’en France comme aux Etats-Unis, les gens de couleur sont plus conservateurs que les blancs et défendent plus les valeurs traditionnelles occidentales.
Puisque vous nous parlez des Etats-Unis, vous identifiez-vous à Obama ?
Je suis McCain dans l’âme et Obama dans le physique. La démarche de Barack Obama est par certains côtés sympathique mais ça reste un Démocrate américain… Mais aux Etats-Unis, mon modèle reste Clarence Thomas (juge à la Cour suprême). Lui aussi vient d’un milieu modeste, lui aussi sert son pays avec fierté. Et puis, c’est un conservateur…
« Je suis McCain dans l’âme et Obama dans le physique. Mais mon modèle reste Clarence Thomas. »
Que pensez-vous du positionnement de Marine Le Pen sur l’islam ?
Ce positionnement n’est pas le mien. Je ne fluctue pas en fonction des sondages. Sur l’islam, j’ai la position de Jean-Marie Le Pen qui n’est ni pro-black power, white power ou islam. Jean-Marie Le Pen a fait élire Roger Sauvage. Il a été le premier à présenter à Paris la candidature d’un musulman à une élection législative partielle, celle d’Ahmed Djebbour. Mon combat n’a jamais été identitaire, ethno-différencialiste ou racialiste mais pour la défense de la plus grande France, la France unie. Je connais bien mon passé et souhaite un avenir à mon pays, un avenir commun. Une petite image vous permettra sans doute de mieux comprendre mon positionnement : imaginez une petite centrifugeuse qui agite le lait. Elle prend de la vitesse et le mélange prend forme. Tout ce qui reste part sur les extrêmes et s’expulse… Le groupe de réflexion “Alliance République et éthique” que je lance avec Omar Djellil, ancien responsable bordelais de SOS Racisme va réussir là où ont échoué le CRAN, SOS Racisme ou le CRCM. Nous interpellerons nos dirigeants nationaux…
Quelles sont vos relations avec d’autres élus du groupe FN au Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur comme Frédéric Boccaletti ou Stéphane Ravier qui sont opposés à la construction de la Grande mosquée de Marseille ?
Cordiales. On se voit assez régulièrement.
Le problème n°1 en Europe pour vous, ça n’est pas l’islamisation ?
Le problème n°1, c’est que les jeunes de notre pays écoutent tous du rap, se tournent vers l’Oncle Tom, parlent en “verlan”, sont matérialistes. Les jeunes musulmans aussi. Le problème n°1, c’est plutôt le matérialisme, l’hédonisme ambiant. L’ivresse d’une société décadente, ça n’est pas ma ligne de conduite. Je préfère lever la tête vers le Ciel.
« Le problème n°1, c’est le matérialisme, l’hédonisme ambiant. »
Vos prises de position entraînent-elles des réactions au sein du Front national ?
Il n’y a aucun désaveu. Je suis, au FN, le 3ème (derrière Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen) en nombre de fans sur Facebook. Bien sûr, il y a sur ma page des discussions et même, parfois, des désaccords avec des gens qui n’ont pas tous les éléments. Récemment, je m’y suis fait traité de “courageux parmi les courageux”.
On entend parfois dire que vous avez reçu des propositions de la part de l’UMP…
C’est vrai et je ne dois pas être le seul au Front national à en recevoir. Elles sont toutes restées lettre morte jusqu’à ce jour.
(1) “C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! Les musulmans, vous êtes allés les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leur djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants. Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées !” (Conversation entre De Gaulle et Alain Peyrefitte le 5 mars 1959 suite aux événements d’Algérie in C’était de Gaulle, tome 1, Alain Peyrefitte, éd. éditions de Fallois/Fayard, 1994, page 52)
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